Le dictionnaire Larousse définit le trompe-l’œil comme une « Peinture qui donne à distance l’illusion de la réalité ». La technique existe dès l’Antiquité. En effet, Pline l’Ancien évoque la peinture d’une grappe de raisin que les oiseaux tentèrent de picorer, Nicolas de Largillière, avec ses Deux grappes de raisin reprendra ce thème en 1677.


Le terme apparaît avec Louis-Léopold Boilly qui légende l’une de ses œuvres présentée au Salon de 1800 de ce terme. Somme toute, le trompe l’œil implique une nature morte qui doit si bien s’intégrer à son environnement que l’œil du spectateur ne le repère pas. Des thèmes existent comme les vanités, les trophées de chasses, le mobilier sous toutes ses formes ou encore les fameux porte-lettres. Par ailleurs, la signature de l’artiste doit être dissimulée ou tout du moins ne pas sauter au yeux. L’exposition du Musée Marmottan nous permet d’admirer un trompe-l’œil, parmi les plus anciens connus, figurant au Musée Unterlinden de Colmar : Armoire aux bouteilles et aux livres, daté des années 1520-1530.
Le XVIIème siècle : Âge d’or du Trompe-l’œil

Le défi de Zeuxis et de Parrhasios est bien loin perdu dans son Antiquité, la période du moyen-âge oublie le trompe-l’œil et cette idée d’illusion, de réel ou non pour un art plus simple. Les jeux d’optique, de tromperies de l’œil vont faire leur réapparition avec le Renaissance. Époque faste pour les arts, on se questionne sur l’art et invente et réinvente. Au XVIème siècle, le trompe l’œil sur une toile est de nouveau à la mode. Les œuvres se multiplie et l’on commence à les collectionner. Chef de file de cet âge d’or du trompe-l’œil, du XVIIème siècle, Cornelis Norbertus Gijsbrechts séduit avec ses illusions de quolibets (porte-lettres) qui paraissent plus vrai que nature, le Trompe-l’œil de 1665 en est un bon exemple. Sa réputation lui permet de devenir le peintre officiel de deux Roi du Danemark.

Le trompe-l’œil connait son âge d’or. Des artistes se spécialisent dans les natures mortes comme Cristoforo Munari qui fut peintre au service des Médicis, alors maîtres de Florence. Son Trompe-l’œil aux instruments du peintre et aux gravures nous offre une autre vision du trompe-l’œil, celle d’une œuvre créer pour s’incorporer au décor. Ici, l’œuvre fut conçue sort de son cadre, elle suppose une porte de placard sur laquelle sont posés les instruments classiques du peintre, la palette et le pinceau, qui dépassent de l’œuvre.
Le Motte nous offre une œuvre où la technique est mise en avant : en deux parties, l’une dans la lumière et l’autre dans l’ombre. L’influence de Gijsbrechts se ressent dans ce cabinet de curiosité représenté.


L’art du trompe-l’œil va toujours plus loin et c’est ainsi que le peintre Antonio Cioci va représenter son autoportrait dans une nature morte où les instruments de l’artiste se mêlent avec plusieurs types d’œuvre cloutés sur une plaque de bois, dont le veinage est figuré avec précision.
Le XVIIIème : l’illusion par le trompe-l’œil

Le trompe-l’œil vient souvent s’intéresser aux trophées de chasse. Les Salons de 1775 et 1777 vont ainsi accueillir une œuvre de Jean Antoine Houdon : La Grive morte. Bas-relief en marbre, l’exceptionnelle exécution, la remarque précision de l’œuvre l’inscrit dans la volonté de faire illusion comme le remarque le critique Friedrich Melchior Grimm : « ce morceau est d’une effet prodigieux : plus on le voit de près, plus il fait illusion ».
Le quolibet apparaît à cette époque. On peut le définir comme étant la mise en scène d’un désordre volontaire et organisé par l’artiste. Le peintre reprend la plaque de bois et y organise des lettres, des gravures et même sa signature dans l’idée de faire passer un message plus ou moins clair.
L’œuvre de Guillaume Dominique Doncre laisse apparaître une petite toile représentant une ange dessinant à partir d’un marbre tandis que d’autres sont oisifs. Des cartes jouées vont ajouter la thématique du jeu et de la chance. Plus encore, une lettre est ajoutée avec un dentinaire dont le nom est sans doute celui du commanditaire de l’œuvre.


Gaspard Gresly repousse encore les limites de cet art avec son Trompe-l’œil à la gravure de Bouchardon au verre brisé. En effet, il simule une gravure dans un cadre au verre brisé. De bonnes production, il n’est pas si simple de repérer que c’est un trompe-l’œil, l’illusion en est donc réussie.

Mon petit coup de cœur de l’exposition est une œuvre de Franz Rösel von Rosenhof : Trompe-l’œil avec un singe capucin dans sa caisse. L’illusion est ici renforcée par l’usage de la géométrie qui donne une tridimensionnalité à l’œuvre. Du petit singe, l’on aperçoit que la tête au travers de cette petite caisse dont la paille dépasse au bas de la porte. Les pièces de métal, les ombres, le veinage du bois renforcent encore l’illusion.
L’œuvre de Jean Pillament surprend. Au premier regard, c’est un paysage avec des personnages, une œuvre classique. Cette œuvre va être magnifiée par le ruban qui fait irruption par le haut de l’œuvre : la couleur, le pli, l’ombre, le tombé de ce ruban ont été soigneusement préparés et exécuté pour entrer dans l’œuvre et ne pas en empêché la lecture.

Le XIXème siècle : le renouveau du trompe-l’œil
L’art décoratif que fût le trompe-l’œil devient un art aux dimensions politiques et qui fait vendre. Encore et toujours, l’on intègre la thématique des lettres et des cartes comme une critique de la société, comme l’illustre l’œuvre de Touland.


Le trompe-l’œil s’exporte en Amérique où il rencontre également un certain succès. L’américain John Frederick Peto nous livre, vers la fin du XIXème siècle, une œuvre reprenant les « habitudes » du trompe-l’œil : une porte de bois, des ferronneries et surtout ici un violon posé sur une partition sans âge ainsi qu’une clé, un ensemble qui constitue sans doute un message.
Le trompe-l’œil contemporain

L’art contemporain s’intéresse aux objets du quotidiens et c’est assez naturellement et peut-être sans y réfléchir que les artistes vont replonger dans l’art du trompe-l’œil. L’anglais Martin Battersby fait montre de talent dans son Trompe-l’œil. La profondeur, l’ombre, la représentation d’un faux bois, une main qui semble sortir du cadre pour attraper un petit bouquet fermé par un ruban, tout y est pour faire naitre une parfaite illusion.

Plus étonnant est le trompe l’œil de Daniel Firman. Il moule une personne appelée Jade, l’habille et la pose le long d’un mur dans une attitude, certes étonnante, mais humaine. L’on est forcément trompé par cette œuvre, illusion ou réalité ? … le spectateur se posera forcément la question.
Du XVIème siècle à notre époque, le Trompe-l’œil aura la faveur des artistes bien que la finalité de leur œuvre divergera. L’artiste prend forcément plaisir à tromper son spectateur ou tout du moins à la pousser à la reflexion sur la réalité ou non de son sujet. L’illusion est toujours une source d’inspiration, elle est à l’origine du camouflage utilisé par nombre d’armée dans le monde.

Peinture la plus célèbre du monde, La Joconde de Léonard de Vinci, va apparaître dans un trompe-l’œil fameux. Henri Cadiou réalise, en 1981, La Déchirure. Mona Lisa apparaît au travers d’un emballage froissé retenu par du ruban adhésif. Il appose son nom sur une petite carte de visite. L’illusion fonctionne, les déchirures sont accentuées par des jeux d’ombres et de plis. L’œuvre serait-elle un aboutissement dans l’art du trompe-l’œil ?