Christian Krogh

Christian Krogh eu pour élève Edvard Munch, l’un des premiers et plus fameux expressionniste, qui dira de lui : « Le seul peintre capable de descendre de son trône et d’éprouver de la compassion sincère pour ses modèles ». La Barre sous le vent ! (1882) illustre bien cette capacité de l’artiste à offrir à son spectateur une vision sincère de la réalité de la mer et du métier de pêcheur.

Christian, un enfant du nord naturaliste

Christian Krogh ouvrit les yeux sur le monde le 13 août 1852 à Oslo, en Norvège. Il porte le même nom que son grand-père qui fut, en son temps, un ministre norvégien, qu’il n’aura pas la joie de connaître. Suivant la tradition familiale, il s’engage dans des études de droit à Oslo dans l’université de Christiana.

En 1874, il part en Allemagne, à Karlsruhe pour suivre des études d’art, abandonnant par là-même la tradition de la famille. Ses maîtres s’y trouvent : Hans Gude (un artiste qui réalise des paysages et des scènes de marine) et Karl Gussow (un artiste réaliste qui peint des portraits et des scènes de genre). Il y rencontre d’autres artistes en devenir dans la voie du naturalisme.
Entre 1875 et 1878, il suit ses maîtres à l’Académie Royale des arts de Berlin. Alors que la crise artistique le guette et il rejoint un groupe de jeunes artistes nordiques, au Danemark. A Skagen, il rencontre la famille Gaihede, une famille de pêcheur, regroupant trois générations dans la même maison. Doué d’empathie et toujours en lutte pour le sort des petites gens, il peint la famille dans son habitat afin de transmettre au spectateur une réalité à la fois dure et tendre. La Femme coupant le pain de 1879 nous offre une scène simple, belle et heureuse. Le traitement de la lumière est très soigné tout comme les ombres et les traits du visage.

La même année, il peint Bâbord ! qui inaugure une série liée aux pêcheurs. La scène vive au cadrage très réfléchit, aux couleurs douée d’une réalité difficile mais surtout d’un regard figé vers le spectateur au moment de donner l’ordre d’aller à bâbord.

Christian Krog ne va pas se limiter à présenter les métiers d’extérieurs mais il va aussi pousser vers les métiers d’intérieurs comme celui des couturière qui donne lieu à une belle série. En effet, les métiers de la couture sont précaires, la coutière travail à la commande. Observez le bel intérieur représenté de façon très détaillé dans l’œuvre La couturière de 1881, le mobilier, la machine à coudre, la couturière assoupi avec son ouvrage dans les mains, au premier plan.

Christian, le réalisme social et Albertine

Christian Krog voit l’art comme ayant un rôle social majeur. En effet, il va aborder le thème de l’art social sur quelques-unes de ses œuvres qui auront un fort écho au sein de la société norvégienne.

Il peint Sick Girl en 1881. L’œuvre présente une jeune fille assise dans un fauteuil, il semblerait qu’elle soit mourante et atteinte de la tuberculose. L’œuvre fait appel aux émotions du spectateur à l’aide d’une beauté pessimiste de l’enfant. Il est à supposer qu’il peut ainsi entretenir le souvenir de sa sœur défunte, Nana est morte en 1868. L’enfant tient dans ses mains jointe une rose fanée qui implique le passage du temps et la fragilité redoutable de l’existence pendant l’enfance à une époque où la maladie est monnaie courante.

L’artiste expose lors de l’Exposition Nordique de Copenhague de 1883 son œuvre Madeleine. L’œuvre est consacrée au désespoir. Sur un fond gris, presque sale, l’artiste représente un jeune femme sur un lit. Habillée d’une chemise de nuit blanche, elle cache son visage dans sa main gauche. Dans sa main droite repose un miroir qui laisse apparaître que la jeune femme puisse avoir honte d’elle-même ou du moins de l’image qu’elle peut renvoyer. Cette considération est sans doute une critique du monde des apparences qui est presque la norme qui régit les époques.

L’artiste poursuit sa quête sociale avec la pauvreté extrême qui pupule au sein des sociétés. La Lutte pour l’existence de 1889 se veut dénoncer le manque de protection des personnes des plus basses conditions au sein de la société norvégienne. Dans la rue dans son manteau de neige, l’on découvre des femmes et des enfants luttant pour avoir les invendus qu’un boulanger tend par sa fenêtre. Les pauvres âmes sont dans le coin inférieur gauche de l’œuvre comme étant cachés du reste de la vie qui s’écoule dans une paix relative indifférente à la misère de certains. 

Dans la poursuite de l’art sociale, Christian Krog signe une œuvre très controversée : Albertine dans la salle d’attente du médecin de la police. Cette œuvre est l’illustration d’une scène de son roman Albertine publié en 1886. Dans cette œuvre, il dénonce le peu de considérations fait aux prostituées et surtout le manque d’empathie des autorités pour ces femmes que la loi ne protège pas. Le roman sera rapidement interdit car jugé comme étant une « violation des bonnes mœurs et de la pudeur » par le ministère de la justice norvégien. Albertine est, dans son œuvre, une jeune fille violée par un policier. Étant donné sa condition, elle est convoquée auprès du médecin de la police pour subir un examen gynécologique. Le roman tout comme la peinture sont très réaliste dans le ton, la forme et l’idée. 

En parallèle de sa quête artistique, il rencontre Oda Lasson, femme mariée de la haute bourgeoisie qui deviendra son étudiante et peut être celle qui l’ouvre aux questions sociales de l’époque. Ils se marièrent en 1888, il fait le portrait de son épouse : Portrait de la peintre Oda Krogh. Ils auront deux enfants : Nana en 1885 et Per en 1889.
N’oublions pas que Christian est journaliste indépendant et dénonce les manquements sociaux de la société.

Christian, artiste mature

Tout au long de son parcours artistique, l’artiste aura une sensibilité pour les scènes de famille, en lien avec l’aspect social de son art. Ses peintures empreinte de vérité mais également d’une certaine idée qui devrait guider la société montre une certaine maturité de l’artiste. Pour transmettre au spectateur une vision idéale du cercle familial, il représente une scène intime : À l’est du soleil et à l’ouest de la lune (1887). Cette scène montre Oda lisant une histoire à ses enfants dans une faible clarté empreinte de clair-obscur. 

Il réalise un scène encore plus douce et émouvante de sa famille : Le Matin (1889). La scène semble être volée, on y aperçoit Oda dans son lit avec son fils à qui elle donne le sein. La douce lumière, le ligne, le bouquet, le calme et le confort vont créer une scène intime à laquelle le spectateur est invité. Exposée à Oslo, l’œuvre va choquée le public qui la juge trop intime.

Christian, à Paris

De 1901 à 1909, Christian brouillé avec Oda part s’installer à Paris. Il poursuit sa carrière artistique, le journalisme et donne des cours au sein de l’Académie Colarossi. Il profite de ses premières années à Paris pour initier son fils à la peinture.

Dans les années 1881 & 1882, il avait déjà résidé à Paris où il avait pu observer les grands artistes de l’époque : « Je suis très content de mon séjour. Je n’ai jamais vu autant d’art moderne. À Paris, il y a eu toute une série d’expositions passionnante. ». Le retour à Paris en 1901 n’est pas un hasard mais plutôt de belles retrouvailles.
En 1882, il peint le Portrait du peintre suédois Karl Nordström. Il est évident que cette œuvre est inspirée de Gustave Caillebotte (Jeune homme à la fenêtre), dont l’idée générale est fort ressemblante. Il a vu l’œuvre de Caillebotte à l’exposition impressionniste de 1882 et travaillera un temps avec Gustave Caillebotte. 

Deux ans plus tard, en 1884, Christian Krogh s’inspire de Partie de bateau de Caillebotte pour Attention devant ! Le port de Bergen. La quête d’apprentissage est facilitée par la compréhension de grandes œuvres et sans doute que Krogh cherche à comprendre l’art de Caillebotte pour le faire sien.

Christian, retour en Norvège

En 1909, le miracle arrive : Christian se réconcilie avec Oda et le couple reprend ses quartiers en Norvège. L’Académie Nationale des Beaux-Arts de Christiana lui offre un poste de professeur avant qu’il en devienne le directeur. 
Christian Krogh décède le 16 octobre 1925 et sera inhumé au cimetière d’Oslo. L’artiste du mouvement du réalisme aura su offrir à son pays un art social qui lui vaudra la critique mais l’emmènera à diriger l’Académie Nationale des Beaux-arts de Norvège, ce qui s’apparente à une réelle reconnaissance de son art.