La Normandie devient le comté de Rollon en 911, puis le Duché de Normandie émerge en 1010. À la mort de son père, en 1035, Guillaume devient duc de Normandie. Il naquit au sein du château de Falaise. Les Ducs de Normandie protègent leur territoire par la construction de château puissant comme celui de Falaise, celui de Caen. Parmi les édifices des Ducs, notre attention se porte sur le château de Bonneville (XIème siècle), à proximité de Deauville, situé sur une hauteur en face du Prieuré. Remontons le temps cinq années avant que le Duc Guillaume de Normandie parte à la conquête de l’Angleterre, comme le raconte la Tapisserie de Bayeux.
1061, fondation du prieuré de Saint Arnoul
Il y a presque dix siècles, le prieuré fut fondé. Les temps n’a pas permis d’en conserver tous les détails. Cependant, il semblerait que le prieuré soit fondé dans le même temps que celui de Longpont. Saint-Arnoult sera un prieuré de taille modeste.
L’emplacement n’est pas choisi au hasard : sur une petite pente au-dessus de la rivière « la vieille Touques », point d’eau indispensable pour effectuer le sacrement du baptême. L’édifice est dans l’axe est-ouest et l’entrée se fait par le sud.
Parallèlement, il apparaît qu’une église paroissiale fut préexistante (visible sur la photographie suivante comme étant la partie plus foncée, orangée) et ainsi que le prieuré soit ajouté à l’église paroissiale, bâtie un siècle plus tôt.
Aussi, il faut évoquer le fait important que l’import de moines clunisiens à Saint-Arnoult en fait, sans doute, le premier lieu d’établissement des sites de Cluny en Normandie. Bien que le prieuré soit soutenu par les Montlhéry et le seigneur Obert, il ne profitera jamais de la protection ni des largesses des Ducs de Normandie.
Ce lieu est divisé en deux parties : la chapelle et la crypte. La crypte est située en rez-de-chaussée. Elle prend la forme d’une église basse avec sa voûte en berceau et ses deux ouvertures primitives, en parties bouchées plus tard. La simplicité du style roman s’y associe à l’austérité des bénédictins. On y accède depuis un escalier au milieu de l’église.
La chapelle prieurale bénéficie d’un traitement plus élaboré. Bien que la taille du lieu soit modeste, l’on se rend compte qu’un soin fut apporté au bâti. Gardons à l’esprit que le prieur est l’homme clé car il représente l’autorité la plus haute de l’établissement religieux. Les moines doivent lui rendre des comptes et il doit également gérer les relations avec le monde hors des murs du prieuré. Notre regard se pose sur la charpente vestige du XIIIème siècle, dans majorité, qui se laisse observée bien qu’elle fut autrefois cachée à la vue.
Le point de lumière en triple ouverte fait entrer la vie dans ce lieu. Les statues des deux saints protecteurs sont présentes derrière l’autel : Saint Arnoul et Saint Clair. Il nous est également permis d’admirer les restes de peintures murales sur les arcades toujours en place, un témoignage vivant de la richesse passée du lieu.
Un prieuré sous la protection de saints
Au XIème siècle, la chapelle prieurale est dédiée à Saint Infort. Tandis que l’église paroissiale est dédiée à Saint Arnoul, auquel on associe Saint Clair.
Saint Arnoul est un homme qui naquit vers 480 à Reims où il fut baptisé par le fameux Saint Rémi. Il reçut une éducation et devint un des conseillers de Clovis. Il chemina au sein de l’Europe en tant que messager de Clovis. Nombre de lieux de cultes, de lieux porte son nom comme un témoignage de son passage. Quelques années plus tard, il devint prêtre et lors d’un voyage à Tours il en fût nommé évêque, il n’officia que quelques jours. Il finit par être agressé dans les rues de Tours, en 534, et mourut. Sa dépouille fut transférée près de celle de Saint Martin.
Saint Clair, quant à lui, est le fils d’un grand seigneur anglais qui naquit dans le Kent en 845. Homme éduqué et éclairé et il s’embarque pour la Normandie et débarque à Cherbourg. Sur ces nouvelles terres, il embrasse la carrière religieuse et devient un ermite. Il aurait produit des miracles dont on ne sait que peu de choses. Malheureusement pour lui, une femme puissante jeta sur lui son dévolu et il du partir pour fuir la femme. Il s’arrêta dans le Vexin et s’y établit. En 884, les hommes de la femme le retrouvèrent et on lui trancha la tête. Selon la légende, il prit sa tête et la transporta jusqu’à la fontaine de l’ermitage puis aller coucher le reste de son corps près de l’autel de l’église. Au pied de la crypte une fontaine est dédiée à ce saint important en Normandie.
Un prieuré en évolution
Comme nous l’avons dit précédemment, le prieuré est sous la tutelle de l’abbaye de Longpont et d’un seigneur d’Ile de France, dans le territoire du duché de Normandie. De fait, au XIIème siècle, ni le Roi de France, ni le Duc de Normandie n’ont de réelles prises sur le prieuré. Il ne jouit donc pas de grand mécènes, ne devient pas un sépulture royale, il ne va donc pas connaître le développement de nombre d’autres places religieuses.
Au XIVème siècle, le gothique fait son entrée. En effet, il sera construit une chapelle dans l’église paroissiale qui aura sans doute été bâtie pour devenir une chapelle funéraire.
Cette chapelle est d’une grande élégance qui rompt avec le style plus dépouillé du roman. Les fenêtres en arcs brisés font entrer la lumière permettant aux fidèle l’illumination divine. Ainsi donc une partie du mur roman est abattu pour bâtir cette chapelle et son prolongement dans la nef. La qualité du travail de la pierre dans la chapelle laisse à penser que son commanditaire était une personne fortuné des environs.
Dans ce nouvel appareil, l’on distingue le linteau d’une porte ouvrant vers l’intérieur qui s’enfonce à 40 cms au-dessous du sol actuel, ayant été remblayé, qui permettait d’avoir un accès rapide de l’église au presbytère.
En 1763, l’église paroissiale était toujours en fonctionnement mais elle fût rattachée à Tourgéville pendant la Révolution Française. Un cimetière entourait l’église, et sans doute les sépultures y furent très nombreuses. Malheureusement le prieuré n’est plus ce qu’il était et s’abime. Le colonel Langlais sauve le lieu de la ruine en rachetant le prieuré en 1842.
Le monument est classé « monument historique » le 4 août 1970. La ville s’intéresse au monument et à sa réhabilitation dans les années 2000 et l’association « Les Amis du Prieuré de Saint Arnoul sur Touque » est créé en 2006. Depuis, les bénévoles œuvrent à restaurer, entretenir et promouvoir ce lieu d’exception qui a survécu de justesse.
On peut apercevoir des murs en opus spicatum, disposition de pierres en épi, des peintures murales, un témoignage du bâti et du travail des bâtisseurs du XIème siècle, tout un ensemble que la mémoire et le patrimoine se doivent de conserver.