Naissance de la ville
Les débuts de Saint-Omer sont liés aux missionnaires chrétiens du IIIème siècle. Les Saint Fuscien et Victoric, venant de Rome, auraient fondé une chapelle sur le plateau d’Hellefaut, à proximité de Saint-Omer, légende ou réalité nul ne le sait.
Le bon Roi Dagobert nomme un moine du nom d’Audomar, Évêque de Thérouanne, en l’an de 600. Cet Audomar n’est autre que celui que l’on connait comme étant Saint-Omer.
Gisant de Saint-Omer, Cathédrale Notre-Dame, Saint-Omer
En l’an de grâce 648, la ville trouve ses origines. La villa Sithiu donna pour quelques temps encore son nom au premier lieu à l’usage des missionnaires. Le domaine donné à Saint-Omer fut sans doute assez grand et regrouper les terres de plusieurs localités, notamment l’emplacement où sera bâti la cathédrale de Saint-Omer. Les écrits évoquent que la première communauté s’installe au Vieux-Moustier, dans un monastère situé dans les marais.
Vers 650, Omer et ses compagnons Ebertramn, Mommelin et Bertin fondent une abbaye sur l’emplacement des ruines de l’abbaye Saint-Bertin.
Ruines de l’abbaye Saint-Bertin, Saint-Omer
Parallèlement, le monastère s’agrandit dès 662. En effet, une seconde église est bâtie sur la colline et agrémentée d’un cimetière. Elle est la première version de ce qui sera plus tard la cathédrale.
Saint-Bertin devient rapidement l’une des plus puissantes abbayes du nord de la France, dotée de privilège et sous la protection des rois successifs.
Un Roi viendra y trouver refuge, Childéric III (après avoir été déposé par le maire du Palais Pépin le Bref) et il y mourra en 752. L’on sait qu’au IXème siècle, l’abbaye compte 130 moines et va de fait connaître non plus des abbés religieux mais des abbés ambitieux et avide de gérer un domaine qui accorde puissance et pouvoir.
Mais le IXème siècle est aussi l’époque des troubles et de la violence liée aux invasions Normandes. Les abbayes vont peu à peu se fortifier car le Comté de Flandre se voit attaqué sans que son suzerain puisse repousser chaque pillard. L’autorité religieuse ne peut seule protéger la petite cité. Les défenseurs du château vont avoir un rôle important et faire émerger un châtelain.
Les Normands arrivent à Saint-Omer en 860, l’abbaye sera abandonnée par les moines sans doute réfugiés près de l’église sur la colline.
Ruines de l’abbaye Saint-Bertin, Saint-Omer
Loin de détruire la bourgade, les envahisseurs ne feront que renforcer Saint-Omer : Charles le Chauve renouvelle les privilèges de l’abbaye en 874 et les invasions suivantes vont faire que la ville va se ceindre de murailles et qu’une véritable petite ville va apparaître autour de l’abbaye et des reliques de Saint-Omer.
Ainsi, lorsque que les envahisseurs arrivent le 25 avril 891 devant Saint-Omer, les habitants organisent leurs défenses et les repoussent … Vers l’an 900, Baudouin II fera construire une muraille autour des deux monastères et sera finalement celui qui permet l’émergence de la cité.
Saint-Omer, de la Flandre à l’Artois
La ville est une cité des Comtes de Flandre. Les Comtes ont l’ambition de dominer leurs possessions avec l’idée de posséder les abbayes ou du moins les droits qui y sont liés. Le 17 juin 900, Baudouin II fera tuer Foulques le Vénérable, abbé de Saint-Bertin et archevêque de Reims, à toutes fin de prendre sa place d’abbé et d’en posséder les richesses. Dirigée par des laïques, l’abbaye de Saint-Bertin perd de sa rigueur. Pour faire face à ce dévoiement, les moines seront expulsés et l’on fera venir un abbé pour réprimer les ardeurs des religieux qui ne le sont plus que de noms. Malgré tout, la domination des Comtes restera présente.
En 1056, le Comte Baudouin-de-Lille accorde sa défense à l’abbaye en prise avec des difficultés de rigueur de son abbé.
Entre temps, en 1052, le Comte accorde que les reliques de Saint-Omer soient transférées dans la collégiale romane en transformation.
Buste-reliquaire de Saint-Omer (1803), Cathédrale de Saint-Omer
Les luttes entre les abbayes et les Comtes trouble une période déjà troublée … le peuple ne manque, cependant, pas de s’installer à proximité des abbayes et sous la protection de l’enceinte.
Le marché est présent dans la ville à partir de 874, l’on frappe monnaie au Xème siècle, les Comtes sont souventes fois présents dans la cité lui permettant de se développer.
Au XIème siècle, les choses évoluent encore et le Comte ne veut plus d’une abbaye qui rend justice et qui domine la cité. De fait, c’est depuis le château, dont il ne reste plus que la motte castrale surmontée d’une moderne prison, qu’un châtelain va tenir l’intérim du Comte et exerce pouvoir d’ordre public et de justice. Le seigneur Guillaume de Saint-Omer est un homme important qui va participer avec ses trois fils à la première croisade. Son fils, Godefroy, sera l’un des fondateurs de l’Ordre du Temple. L’église du Saint-Sépulcre bâtie au XIVème siècle, rappelle cet fait de l’histoire de la cité.
Église du Saint-Sépulcre (XIVème siècle), Saint-Omer
Au XIème siècle, Saint-Omer se dote d’une organisation fondée sur les marchands rassemblés en guildes. Ils gèrent les rôles de chacun, la charité, l’entretien des remparts ou encore l’évolution de la ville. Les instituions modernes de la ville lui permette d’accueillir une industrie du textile prospère. Le début du XIIème renforce le commerce de la ville en créant une partie canalisée du fleuve Aa reliant Saint-Omer à Gravelines. Dans la foulée, le marais est aménagé pour permettre les premières cultures, sur 600 hectares.
Poterne de l’enclos de la collégiale, Saint-Omer
Le Roi de France va tenter de faire gagner la Flandre par l’un de ses vassaux après la mort du Comte de Flandre, Charles-le-Bon, le 2 mars 1127. Le 20 mars, le Roi et le Duc de Normandie sont à Arras et miracle ce dernier devient comte de Flandre. D’abord à Gand puis à Bruges, le nouveau Comte reçoit les hommages au prix de nombre de facilités accordées aux seigneurs locaux.
Le 14 avril 1127, le Comte Guillaume fit son entrée à Saint-Omer. Si l’entrée a été bonne, elle fut la résultante d’un traité impliquant des exemptions fiscales, il offre à la ville le droit « de faire battre monnaie », une relative indépendance ou encore confirme le droit de justice des échevins.
Plus les privilèges accordés sont importants, plus la populace en demande et moins le Comte a de pouvoir … De fait, le 3 février 1128, Saint-Omer se dresse contre son nouveau châtelain. Le 11 mars, Thierry d’alsace, héritier légitime, est reçu à Gand. Le 1er avril, Bruges se range derrière Thierry d’Alsace. Le 27 juillet 1128, Guillaume de Normandie meurt pendant une bataille. Le 22 août, Thierry d’Alsace confirme les prérogatives de Saint-Omer.
Grand-Dieu de Thérouanne (XIIIème siècle), Cathédrale, Saint-Omer
Le Comte Philippe d’Alsace décède sans héritier en juin 1191. Le Roi de France Philippe Auguste en profite pour prendre Saint-Omer, traité du 25 février 1212, et réunir la cité à l’Artois monté en Comté.
Saint-Omer et l’ère du gothique
La présence religieuse est divisée en deux pôles : le monastère « bas » l’abbaye Saint-Bertin et le monastère « haut » la Collégiale Notre-Dame.
Un point commun doit être mis en évidence : la tour d’environ 50 mètre quasiment identique entre les deux bâtiments dont seule celle de la cathédrale nous est parvenue.
Tour (XIIIème-XIVème siècle), Cathédrale, Saint-Omer
Au XIIIème siècle, le Roi de France Louis IX (Saint-Louis), accompagné de sa mère Blanche de Castille visite Saint-Omer, ils y confirment la place de l’abbaye Saint-Bertin. Le monastère « bas » s’élève d’une tour de 48 mètres, aujourd’hui disparue et d’une nef de 25 mètres, l’église abbatiale est reconstruite à partir de 1345.
Ruine de la nef de l’abbatiale de Saint-Bertin, Saint-Omer
Intéressons-nous plus avant au monastère « haut », la future Cathédrale. Un incendie détruit la collégiale romane au XIIIème siècle. Il est acté qu’elle sera rebâtie dans le style de l’époque : le gothique. La construction d’une cathédrale est fort onéreuse et l’on bâtie lentement … de 1240 à 1260 sera bâti le chœur.
Nef et chœur de la cathédrale, Saint-Omer
Viendra ensuite le transept, la nef, au XIVème siècle, et pour finir la tour occidentale au XVème siècle. En forme de croix latine, l’édifice est impressionnant : il mesure 120 mètres de long pour 30 mètres de large dans la nef et une hauteur sous voûte de près de 23 mètres.
Déambulatoire, Cathédrale, Saint-Omer
La tour occidentale d’aspect anglais remplace un clocher de bois depuis 1500.
Le porche sud de la cathédrale fut construit entre 1250 et 1275, il est agrémenté d’un avant-porche du XVème siècle.
Porche sud, Cathédrale, Saint-Omer
Le grand portail nous offre une œuvre du XIIIème siècle, son tympan. Typique de l’époque, il reprend le thème du jugement dernier. Le Christ debout mains levés domine la scène : les bons à la droite du Christ et les mauvais à sa gauche. Les bons suivent Abraham et les mauvais suivent le diable vers les enfers.
Tympan du porche sud, Cathédrale, Saint-Omer
Au-delà de l’architecture gothique et allant plus avant, la cathédrale vit dans l’époque. Le temps est important et son passage est signalé par les cloches mais, en 1555, les chanoines commandent une horloge à Pierre Enguerrand, un Orlogeur. Montée en quatres ans, l’horloge astronomique est une merveille de technologies qui permet d’obtenir l’heure mais également la position des astres et des constellations, les signes du zodiaque, les solstices et les équinoxes, les saisons ou encore les heures de coucher du soleil et de la lune.
Horloge astronomique (1559), Cathédrale, Saint-Omer
Après le temps, c’est le son qui doit entrer dans la cathédrale. Les grandes orgues sont installées en 1716, le buffet est d’une richesse de bois et de doré.
Buffet des grandes orgues, Cathédrale, Saint-Omer
Saint-Omer à la fin de l’époque médiévale
En l’an de grâce 1300, la ville est forte de 40 000 habitants. Connue et reconnue au sein du comté de Flandre, Saint-Omer est une place d’intérêt stratégique entre le Comté et la France.
Pendant la Guerre de Cent Ans, elle sera un refuge pour les fidèles du Comte de Flandres et se verra donc assiégée le 23 juillet 1340.
Maison dite Des Trois Roys, Saint-Omer
Saint-Omer accueille le Roi de France Charles VI venu marier sa fille avec le Roi Édouard III d’Angleterre. Quarante ans plus tard, la ville accueille Charles VII venu marié sa fille avec le fils du Duc de Bourgogne pour montrer l’apaisement du conflit.
Cathédrale, Saint-Omer
Saint-Omer à l’époque moderne
N’ayant pas perdu de sa superbe, la cité est au centre de la guerre de succession de la Bourgogne de 1477. La ville passe de la Bourgogne à la France plusieurs fois avant que le comté d’Artois soit finalement rattaché à la France avec le Traité d’Arras du 23 décembre 1482. En février 1489, la ville se libèrent et revient dans le giron Bourguignon puis devient par le jeu des mariages espagnole.
L’abbé de Saint-Bertin fonde en 1568 le collège des Bons-Enfants qui accueille les réfugiés anglais. Il sera transformé en hôpital militaire en 1793.
Façade du collège des Bons-Enfants, Saint-Omer
Accueillant nombre de catholiques et de séminaristes, la ville se dote de collèges et séminaires notamment wallons.
Chapelle des jésuites wallons (1615), Saint-Omer
En Mars 1677, Philippe d’Orléans assiège Saint-Omer avec une armée de 25 000 hommes. Après un an de conflits et de batailles, Saint-Omer et l’Artois rejoignent le Royaume de France. Le 30 avril 1677, Louis XIV entre à Saint-Omer. Dès lors, Vauban est appelé dans la cité pour renouveler le système de défense de la ville et bâtir de nouvelles portes d’accès à la ville. Comme dans le reste du Royaume, un hôpital général est bâti en 1702 avec le concours de l’évêque de Saint-Omer.
Façade de l’Hôpital Général, Saint-Omer
En l’an de grâce 17575, la fontaine Saint-Aldegonde prend place pour la naissance du Comte d’Artois (le futur Roi Charles X).
Fontaine Saint-Aldegonde (1757), Saint-Omer
Au XVIIIème siècle, Saint-Omer s’embourgeoise et se voit occupée par ne fabrique de faïence et une autre de pipes. Marie-Josèphe Sandelien acquiert en 1766 l’hôtel du gouverneur de la ville. Elle le fait abattre puis reconstruire dans une pur style Louis XV, sa reconstruction s’achève en 1777. La ville l’acquiert en 1899 pour en faire un musée.
Hôtel Sandelin (XVIIIème siècle), Saint-Omer
De cette époque, la ville conserve également son ancien baillage. Rappelons que le baillage est une subdivision du pouvoir d’un seigneur féodal, d’un vicomte ou de tout seigneur qui se voit représenté par une autre personne sur un territoire donné.
Baillage, Saint-Omer
La Révolution est synonyme de désorganisation dans la ville ainsi que de révoltes et de violence. Il faut attendre le Concordat de 1801 pour que la situation s’apaise.
Maison du XVIIIème siècle, Saint-Omer
Saint-Omer, de l’Empire à nos jours
A l’aube de la Révolution industrielle, Saint-Omer évolue avec notamment la destruction de ses fortifications pour construire des boulevards de circulation. En 1815, la fameuse cristallerie d’Arques, à proximité de Saint-Omer est bâtie.
Le collège Saint-Bertin est construit à la place de l’ancien couvent des Récollets, en 1856, le Maréchal Pétain y fera une partie de ses études.
Collège Saint-Bertin, Saint-Omer
L’électricité, l’eau, l’éclairage publique, l’école … tout évolue dans une optique favorable à la ville.
Au début du XXème siècle, en 1904, une nouvelle gare est bâtie.
Ancienne gare, Saint-Omer
La seconde guerre mondiale marque la ville : une bombe touche une partie de l’abbaye Saint-Bertin. La tour s’effondre en 1947. Une grande perte pour l’histoire de la ville et par la beauté de son architecture.
Mais la vie reprend son court et les commerces refleurissent tout comme les belles devantures colorées.
Devanture, Saint-Omer
Depuis Audomar dans les années 600, la cité a su s’épanouir et se développer et au fur et à mesure des virages et des remous de l’histoire et a pu créer sa propre histoire, sans toutefois oublier ses origines qui ne furent jamais reniées et qui sont inscrites dans son nom : Saint-Omer.