Marguerite d’Autriche : Gouverneur des Pays-Bas à Malines

Raconter Marguerite d’Autriche, c’est raconter l’histoire complexe des territoires actuels des Pays-Bas et de la Belgique. Tour à tour province du Duché de Bourgogne, du Royaume de France, du Saint-Empire-Romain-Germanique ou encore des Provinces Unies. L’Histoire est complexe et nous avons oubliés foule de détails qui en auraient permis une meilleure compréhension.

Marguerite d’Autriche, une enfance complexe

Le 10 janvier de l’an de grâce 1480, Marguerite de Habsbourg, Archiduchesse d’Autriche, naquit en la cité de Bruxelles. Cette jeune enfant est la fille de l’Empereur Maximilien Ier du Saint-Empire-Romain-Germanique et de Marie de Bourgogne, Duchesse de Bourgogne. Deux années avant sa naissance, naquit Philippe le Beau, il sera Roi de Castille et de Leon en 1506 avant de disparaître brutalement. Marie de Bourgogne, la mère de Marguerite, est la fille de Charles le Téméraire, Duc de bourgogne, et la petite fille de Philippe le bon, Duc de bourgogne, Comte de Flandres et d’Artois qui est portraituré d’après une œuvre de Rogier van der Weyden, un primitif flamand.

Baptisée en la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles, elle est nommée Marguerite par référence à Marguerite d’York, sa grand-mère, qui réside à Maline depuis 1477. Marguerite vivra sans doute ses premières années au sein du palais de Marguerite d’York : la Cour de Cambrai (Hof van Kamerijk).

En 1482, le premier malheur de Marguerite survient : sa mère meurt quelques jours après une chute de cheval, elle sera inhumée au sein de l’église Notre-Dame de Bruges
Avec la mort de Marie de Bourgogne, le Duché de Bourgogne gouverné par Maximilien Ier est à nouveau la proie du Roi de France Louis XI. Afin d’apaiser les troubles et de conserver ses possessions, Maximilien Ier n’a pas le choix et négocie le traité d’Arras du 23 décembre 1482 par lequel il offre sa fille en fiançailles avec le Dauphin de France (futur Charles VIII).

De fait, quelques mois après elle quitte Bruxelles pour Amboise où elle sera élevée en tant que fille de France. Les deux fiancés s’apprécient pendant que la jeune fille reçoit une bonne éduction comprenant plusieurs langues et une ouverture sur les arts. 
Le destin n’étant jamais loin, le Duc de Bretagne François II, allié de Maximilien Ier, meurt et la France envahi le Duché dont elle veut la propriété. Alors que Maximilien Ier devait épouser la jeune Anne de Bretagne, Charles VIII rompt ses fiançailles avec Marguerite pour épouser Anne de Bretagne et s’offre un Duché.
Milieu 1493, Marguerite peut reprendre le chemin des Pays-Bas, son père récupérant les comtés de bourgogne, d’Artois et de Charolais présents dans la dote.

Marguerite d’Autriche, épouse

En 1493, Marguerite d’Habsbourg n’a que 13 ans et elle peut encore être mariée. Encore une fois, la politique va choisir son destin : sans le mariage avec la France, une attaque française est possible alors Maximilien Ier se tourne vers l’Espagne pour trouver une bonne alliance. Ce n’est pas un mais deux mariages qui sont entreprise : Philippe se marie avec Jeanne, la fille du Roi de Castille et Marguerite épouse Jean, fils du Roi d’Aragon. Au sein de la cathédrale de Burgos, Marguerite se marie avec Jean d’Aragon le 3 avril 1497. L’entente est bonne et Marguerite tombe enceinte. Malheureusement, Jean d’Aragon meurt le 4 octobre 1497 et Marguerite perd son enfant à naître. Après un deuil de deux années, Marguerite rentre chez elle juste à temps pour assister au baptême de son neveu Charles, à Bruxelles. Son neveu naquit le 24 février 1500 à Gand.
Bernard van Orley va peindre plusieurs Portrait de Marguerite d’Autriche dont-celui-ci où son impassibilité fait montre de la force de son caractère.

Une, puis deux et enfin un troisième mari : Philibert II, Duc de Savoie. Son Duché est entre l’Empire et le Royaume de France, le Duc est donc une bonne alliance à faire. Marguerite est mariée à Philibert le Beau le 3 décembre 1501. Le mariage est une belle réussite, Marguerite y trouve une part de bonheur et prend la place de son époux dans le gouvernement du Duché, le rapprochant des objectifs de l’Empire. Jan Mostaert réalise un Portrait de de Philibert II de Savoie, dont il nous est donne de voir une copie.

Bonheur perdu, bonheur enfuit, Philibert meurt le 10 septembre 1504, « après avoir bu une eau trop froide pendant une partie de chasse » et Marguerite se retrouve veuve une seconde fois. Deux années durant, elle demeure douairière de Savoie. Dans cet intervalle, elle décide de faire bâtir le Monastère Royal de Brou pour y abriter la dépouille de son époux. La construction début le 20 août 1506 et se terminera en 1532. Femme sensible à l’art, Marguerite va choisir les bâtisseurs et les artistes bâtissant Brou dans un style gothique flamboyant. Quinze ans plus tard, elle se fera bâtir un appartement personnel dans le monastère.
En 1506, Marguerite d’Autriche rentre dans les Pays-Bas des Habsbourg.

 

Marguerite d’Autriche, Gouverneur des Pays-Bas

La vie de Marguerite évolue encore, son frère Philippe le Beau meurt à Burgos, en septembre 1506. Certains des enfants natifs des Pays-Bas vont y rentrer : Éléonore qui naquit à Louvain en 1498, Charles qui naquit à Gand en 1500 ; Isabelle qui naquit à Bruxelles en 1501 et Marie qui naquit à Bruxelles en 1505. L’Empereur Maximilien Ier charge sa fille, Marguerite, de prendre en charge ses petits-enfants. La tante devient donc une seconde mère pour les enfants. Les enfants logeront donc à la Cour de Cambrai, l’ancien palais de Marguerite d’York.

Le 18 mars 1507, Maximilien Ier charge sa fille de gouverner les Pays-Bas. Signe de confiance et d’intérêt, Marguerite prend très à cœur se rôle de régence. Parmi les provinces faisant les Pays-Bas des Habsbourg, Marguerite décide de s’installer dans le Duché de Brabant à Malines. Elle s’installe donc en face de la Cour de Cambrai, à la Cour de Savoye.

Dirigeante ferme et intelligente, Marguerite tient la position face à la France. En parallèle, elle se crée une Cour à sa hauteur : les artistes, poètes et écrivains de l’époque s’y retrouvent comme Érasme, Albrecht Dürer, Thomas More, Jan van Eyck, Jérôme Bosch, … Dans ce paysage vont être élevés les neveux de Marguerite dont le future Charles Quint et Anne Boleyn, la future seconde épouse d’Henry VIII. Les enfants vont profiter d’une éduction stricte mais dans des domaines variés, comme ce fût le cas pour Marguerite mais profiteront également de moment de plaisir que représente William Geets quelques siècles après avec un théâtre de marionnettes au sein de la Cour de Savoye.

L’autorité de Marguerite d’Autriche n’est plus contestée lorsque que Maximilien Ier meurt le 12 janvier 1519.  Philippe étant décédé, Charles devient donc le chef de la Maison d’Habsbourg et il se présente à l’élection pour la Couronne Impériale. Un autre souverain veut également remporter l’élection : François Ier, Roi de France. L’élection n’est pas gagnée d’avance et Marguerite va ouvrir sa bourse pour que des cadeaux soient offerts aux électeurs. Les sept princes-électeurs voteront pour Charles qui est élu à la tête du Saint-Empire-Romain-Germanique le 28 juin 1519. 

En récompense de la loyauté de Marguerite, il la confirme dans la régence des Pays-Bas. Leur proximité demeurera, une œuvre du début du règne de Charles Quint montre une chasse où l’Empereur est présent sur un cheval blanc dans une posture souveraine et l’on aperçoit, au-devant de lui, une dame dans une chaise à porteurs qui est sans doute Marguerite d’Autriche.

Les années suivantes voient la guerre entre Charles Quint et François Ier. Marguerite arrive à s’entendre avec la mère du Roi de France, Louise de Savoie, pour mettre fin à la guerre : la Paix des Dames signée le 3 août 1529 à Cambrai. La paix par la diplomatie est un cadeaux que les deux femmes offrent à leur peuple respectifs et qu’elle offre à son neveu Charles Quint pour lui faciliter la vie et apaiser son peuple.

N’oublions pas que Marguerite fut mariée à des hommes fort riche, sa dote fut récupérée, ses rentes mises au bout font une fortune qui va lui permettre de devenir une mécène généreuse pour nombre d’artistes. 
Marguerite possédait également une bibliothèque bien fournie de plus de 300 volumes, dont les ouvrages ont été éparpillés, perdus ou détruits. Nous pouvons malgré tout parler du Livre de chœur de Malines. Réalisé après 1508, ce livre est un manuscrit de musique réalisé dans l’atelier de Petrus Alamire pour la Maison d’Habsbourg. Un livre que nous avons la chance de pouvoir contempler.

De fait, la Cour de Malines rayonne au sens de la renaissance tout comme ses merveilleux jardins de la Cour de Savoye aux belles briques de leur teint ocre-rouge. 

Elle se fait portraiturée par Bernard van Orley dans les années 1520, comme le font les souverains. Sept versions de son portrait vont exister et circuler au sein des Cour européennes, une véritable consécration pour une grande femme de pouvoir. 
1530, Marguerite gouverne toujours les Pays-Bas. En novembre, elle se blesse au pied, la gangrène s’en mêle. On lui fera des saignées et l’on finit par l’amputer. Rien ne marchera, Marguerite d’Autriche meurt le 1er Décembre 1530