La capitale de Flandre est une ville assez méconnue et, pourtant entre ses canaux et ses bâtiments, nous laissant songeur sur un temps passé de grandeur, cette cité mérite d'être connue. Gand est un secret bien gardé tout comme son histoire qui mérite d'être étudiée, ses grandes lignes vous attendent ci-dessous.
Vue de Gand avec l'Abbaye Saint-Bavon au premier plan, STAM, 1564
Gand, l’émergence d’une cité
Gand, c’est d’abord un nom. La ville est à la croisée des chemins d’une rivière et d’un fleuve : la Lys et l’Escaut, on parle d’un confluent. Ce terme de confluent est particulièrement approprié pour parler de la future cité et c’est ainsi que l’on choisira le mot celte Ganda pour la nommer, Ganda deviendra plus tard Gand ou Gent.
Portus Ganda, Gand
Il semble important de noter qu’avant le Vème siècle, ce ne sont que quelques hameaux qui parsèment çà et là le futur territoire de la cité. Au Vème siècle, les Francs saliens s’installent dans la région et apportent avec eux les prémices de la future langue flamande.
L’émergence de cette cité ne suit pas le schéma relativement classique de nombre d’agglomérations : l’émergence d’un premier quartier prenant de l’ampleur vers l’extérieur.
Non, Gand est la réunion de « deux quartiers », deux anciennes villes bâties il y a fort longtemps. Fort longtemps, en effet, Saint Amand arrive en « Gaule Belgique » au VIIème siècle. En 630, il vint christianiser la Flandre et arriva sur le territoire qui nous concerne. Il fera édifier deux monastères ayant chacun leur couvent et leur simple église, commandés par un seul abbé.
Réfectoire, STAM, Gand
Le temps passant, au IXème siècle, la rivalité de la communauté religieuse signe sa scission. Dès lors, il existera deux communautés : l’Abbaye Saint Pierre et l’Abbaye Saint-Bavon.
Abbaye Saint-Bavon, Gand
Autour de ses deux ensembles va naître les premiers quartiers de la ville. Ainsi, ce sont deux « quartiers » qui sont à l’origine de la ville de Gand.
La cité se développe et commence à devenir florissante mais c’était sans compter l’arrivée des Vikings qui vont ravager le pays de Gand lors de la seconde moitié du IXème siècle.
Gand et les Comtes de Flandres
Au vu des troubles que subit le continent, il convient de garder les Flandres et pour se faire, le Comté de Flandre est créé. Ainsi, en 863, Baudouin Ier gouverne la Flandre, qui devient un Comté héréditaire. Son fils, Baudouin II devient Comte de Flandre en 879. Son Comté est ravagé par les hordes de Vikings et il doit reprendre les terres qui lui reviennent de droit. Pour protéger ses terres, il va faire ériger nombre de forteresses dont le château de Gand, l’actuel château des Comtes de Flandres étant une version remaniée du château de Baudouin II.
Château des Comtes de Flandres, Gand
Autour de ce château de Gand va se construire un petit bourg qui va en quelques sorte devenir le centre-ville de la cité, ou du moins l’un de ses quartiers importants. Avec le développement de ce nouveau bourg, la ville émerge enfin véritablement.
Marché couvert médiéval, Gand
Le Comté est alors l’un des joyaux de la Couronne de France qui s’enorgueillit de son avenir prospère.
Au XIème siècle, Gand est l’une des villes les plus peuplée d’une Europe. A cette époque, Gand devient une cité industrielle florissante grâce à ses voisines Ypres et Bruges qui sont active dans le drap de laine. La matière première, la laine, est importée d’Angleterre et c’est donc par Gand qu’elle arrive en Flandres. Gand va donc profiter de cette filière pour se développer.
Sur le plan religieux, la christianisation de Saint Amand est une réussite. L’Évêque Transmar de Noyon-Tournai vient, en 942, consacrer la chapelle Saint-Jean. Cette chapelle est à l’origine de la Cathédrale Saint-Bavon. La chapelle a depuis disparue mais il est possible de situer son emplacement au-dessus de la crypte romane de la cathédrale qui peut être datée des années 1150.
Crypte de la Cathédrale Saint-Bavon, Gand
Dans un temps annexe, l’Église Saint-Nicolas est bâtie près de Korenmarkt (la place du marché) à partir de 1200, son chantier pour en arriver à l’actuelle église durera sans doute au moins deux siècles. Il en reste une merveille de l’architecture gothique, l’un des monuments les plus anciens de Gand et peut-être l’un ou l’esprit de la cité d’alors est jalousement conservé.
Église Sint-Niklaasker, Gand
À l’époque, la construction du beffroi n’a pas encore commencé et c’est l’imposante tour de l’église qui fait office de beffroi.
Non loin de là débute au XIIIème siècle, la construction de l’Église Saint-Jean. Elle connaîtra divers travaux d’agrandissement au cours de son histoire.
Vitrail, Cathédrale Saint-Bavon, Gand
Parallèlement, Gand qui a su se développer doit s’organiser au niveau politique et c’est ainsi que se développe un conseil formé de 13 échevins ayant pour rôle de rendre la justice.
Sint-Baafsplein, construit à partir de 1425, Gand
Rappelons que les échevins sont des magistrats municipaux qui tiennent lieu d’administration sous la direction du bourgmestre, le maire de la cité. Il sera reconnu par le Comte de Flandre, Philippe d’Alsace, qui accorde une chartre de franchise, un statut privilégié par lequel il reconnait le conseil, en 1178.
Cette organisation politique lisible permet de développer un peu plus les corporations déjà bien étoffées.
Gand, en quête d’un pays
A la mort du Roi de France Charles IV, le Roi Édouard III d’Angleterre prétend monter sur le trône de France. Le Comte de Flandres reste fidèle à la France mais c’était sans compter sur Gand … l’Angleterre ne vends plus sa laine à Gand et l’industrie du drap s’effondre. La ville est forte et veut conserver sa superbe, elle cherche donc à négocier en dehors du Comte de Flandre avec les Anglais. Tisserands et bourgeois de Gand vont s’unir et vont se choisir Jacques Van Artevelde comme représentant, c’est donc une révolte qui veut rallier toutes les villes côtières, qui éclate en 1337.
Statue de Jacob Van Artevelde, Vrijdamarkt, Gand
Allant plus loin, Édouard III d’Angleterre est proclamé Roi de France à Gand en 1340.
Malgré tout, Jacques van Artevelde ne parvient pas à maintenir durablement l’ordre dans cette Flandre révoltée et sera assassiné par le doyen des tisserands, Thomas Denys, en 1345.
Toreken, XIVème siècle, Vrijdamarkt, Gand
Le Comte de Flandre, Louis de Male, revient dans le jeu avec l’ambition de regagner l’intégralité de son Comté. Il fera des promesses aux villes de son Comté et au Roi de France. Il va pouvoir reprendre la main grâce à un mariage, celui de sa fille héritière et l’un des fils du Roi de France.
Louis de Male parvient donc à reprendre le contrôle de son Comté mais Gand a été malmenée par ce conflit et l’avenir n’apparaît comme guère plus réjouissant pour la cité.
Château de Gérard le diable, XIIIème siècle, Gand
L’an de grâce 1363 voit la majorité de Philippe, fils du Roi de France Jean II. Avec sa majorité, il est fait Duc de Bourgogne. 6 ans plus tard, il épouse l’héritière du Comte de Flandre, Marguerite.
L’époque est troublée et, en 1379, la Flandre se lève contre son Comte, Louis II. Celui-ci demande l’aide du Roi de France Charles VI et l’écrase à la bataille de Roosebeke en 1382.
Grootkanonplein, 1431, Gand
A la mort du Comte Louis II, Philippe II le Hardi hérite de la Flandre. Ajoutée à ses autres possessions, le Duc de Bourgogne semble fort, très fort, trop fort pour le Roi de France qui voit là un adversaire. Ainsi, Gand qui fût française devient bourguignonne, tout en se renforçant car en 1407 le Conseil de Flandre alors à Bruges prend place au sein du Château des Comtes de Flandre.
Gand et la Flandre vont voir ouvrir une nouvelle page de leur Histoire.
Hôtel de ville, partie XVIème siècle, Gand
La cité est puissante et accueille un des plus grands chef-d’œuvre des primitifs flamands, en 1432 : l’Agneau Mystique, exécuté par Jan et Hubert van Eyck.
L’Agneau Mystique, 1432, Cathédrale Saint-Bavon, Gand
La ville est toujours dans le giron du Duché de Bourgogne et, en 1467, Charles le téméraire accède à la fonction de Duc. S’en suit la même année le soulèvement de Gand, il sera vivement réprimé et les privilèges de la commune seront annulés, cet acte ne permet pas à la Bourgogne d’obtenir la loyauté de la Flandre qui rêve toujours de son indépendance.
Charles le téméraire meurt le 5 janvier 1477 lors de la bataille de Nancy. Son héritière Marie de Bourgogne régnant depuis Gand est à la merci de nombres d’opposants de Flandres et des Pays-Bas qui vont jusqu’à s’en prendre à deux proches conseillers de l’ancien Duc. Ce faisant, la duchesse n’a d’autres choix que de rendre son statut privilégié à la Flandre.
Achtersikkel, XVème siècle, Gand
Le 18 août 1477, Marie de Bourgogne, souveraine du Duché de Bourgogne, épouse Maximilien de Habsbourg. A cette date, la Flandre passe aux mains des Habsbourg.
L’activité de draperie de Gand étant presque inexistante, la ville se tourne à nouveau vers la France pour assurer sa survie, elle devient ainsi une étape dans le commerce des céréales, le commerce devient florissant et la ville se réveille peu à peu. En témoigne la construction d’édifice public et notamment défensif comme le Rabot, une porte d’eau datée de 1491.
Rabot, 1491, Gand
Le commerce fait à nouveau prospérer les guildes qui peuvent d dès lors partir de belles maisons de guildes dont certaines nous sont parvenues.
Une nouvelle page va s’écrire à Bruges le 24 février 1500 à Gand. Charles, le petit-fils de Marie de Bourgogne naquit à Gand au Prinsenhof.
Donkere Poort, Prisenhof, Gand
Ce Charles n’est autre que le futur Empereur Charles Quint qui de par sa parenté et les morts devient souverain des possessions de la Maison d’Habsbourg, Roi de Castille et d’Aragon, de Naples et de l’empire colonial espagnol sans oublier Comte de Flandre. A 20 ans, Charles sera sacré Empereur du Saint Empire Romain Germanique.
Le nouveau maître de Gand sera d’abord très populaire de par sa naissance dans la cité mais le temps faisant et les impôts ne cessant de s’alourdir. Comme à son habitude, Gand se lève et en 1539 le peuple s’empare du gouvernement de la cité.
En 1540, Charles Quint se présente devant la ville dont les portes lui sont ouverte, preuve d’un reste d’attachement. Ne pouvant risquer de perdre la cité qui l’avait vu naître, Charles Quint décide d’établir un château fort sur un emplacement stratégique près du centre de la cité, à la place de l’Abbaye Saint-Bavon dont certaines parties sont conservées et utilisées dans la nouvelle construction.
Vestige de l’Abbaye Saint-Bavon, Gand
Suite à la destruction partielle de l’Abbaye Saint-Bavon, l’église Saint-Jean devient la cathédrale Saint-Bavon, en 1559.
La paix revient et la ville poursuit son développement mais les troubles liés à la religion apparaissent tout comme le désir de s’affranchir du souverain.
Maison des Maçons, XVIème siècle, Gand
Gand est fier de son histoire et des divers personnages qui ont pu l’administrer et nous pouvons en découvrir un témoignage avec les Maison des Têtes couronnées qui est ornée des portraits des Comtes de Flandres de Baudouin VI à Philippe II, dont Charles Quint.
Maison des Têtes Couronnées, Gand
La Guerre de Quatre-Vingt-Ans éclate : les Pays-Bas entendent s’affranchir du gouvernement espagnol. Gand joue encore un rôle, des états généraux y sont tenus et permettent de faire cesser le conflit par l’autonomies des anciennes provinces.
Entre 1577 et 1584, Gand prend son indépendance guidée par des calvinistes qui y forment une république. Le 17 septembre 1584, la ville est reprise par Alexandre Farnèse qui met fin à l’aventure d’indépendance et ramène avec lui le catholicisme.
Église Sint-Michielsplein, XVème siècle, Gand
La ville devient française en 1678 après la prise de Vauban.
Hôtel de Ville, partie début XVIIème siècle, Gand
Gand revient dans le giron de la Maison Habsbourg plus tard et devra attendra 1789 pour chasser les troupes impériales lors des évènements des 13 au 16 novembre 1789 appelés les « quatre journées de Gand ».
Église Sint-Pietersplein, XVIIème siècle, Gand
L’année 1800 marque une nouvelle période de développement de la ville qui voit arriver grâce à Liévin Bauwens une nouvelle filature de coton mécanique, la vapeur y sera bientôt introduite et Gand se rêve à son passé médiéval de ville drapière.
Après la défaite de l’empereur Napoléon Ier en 1814, Gand intègre la Couronne Hollandaise. En 1815, elle accueille le Roi de France Louis XVIII en exil lors des Cents Jours.
L’université de Gand s’ouvre en 1817 et, en 1824, le chantier d’un nouveau canal maritime débute.
Gand, cité du Royaume de Belgique
En 1830, le moment qu’attendait Gand est enfin arrivé. La Belgique se lève afin de gagner son indépendance et d’acquérir le statut de Nation. Bien que de nombreux troubles doivent être contenus, la révolution belge finit par apporter la paix autour de la création du Royaume de Belgique dont Léopold Georges Chrétien Frédéric de Saxe-Cobourg-Saalfeld devient le premier souverain sous le nom de Léopold Ier.
La ville change encore au rythme de l’évolution de la société avec par exemple l’édification du bureau de poste en 1898.
Bureau des postes, Gand
Par ailleurs, au début du XXème siècle, l’on assiste à la valorisation du centre histoire qui a accueilli des activités commerciales depuis le XIème siècle : Graslei et Korenlei.
Graslei, Gand
Dans cet esprit, le Pont-Saint-Michel qui relie les deux rives permet d’offrir un élégant point de vue sur les trois clochers mais également sur le Korenlei.
Pont-Saint-Michel, Gand
Preuve de sa légitimité, Gand accueille en 1913 l’Exposition Universelle, elle est l’occasion de restaurer nombre de monuments faisant fierté de la cité et nous permettant de pouvoir encore les contempler.
Parallèlement, la ville n’est pas en marge du progrès à la veille de la Première Guerre Mondiale. En effet, la gare Sint-Pietersstation est inaugurée en 1912.
Gare de Gand
Ainsi, Gand est une cité à l’histoire aussi passionnante que mouvementée dont j’ai tenté de vous retranscrire les grandes lignes. Gand est surtout la résultante de ses fiers habitants qui se soulevèrent quand ce fût nécessaire pour que leur cité puisse éternellement rayonner.