Louvre couture : la Mode revisite les chefs-d’œuvre

L’année 2025 pourra se targuer d’être l’année où la Mode visite le Musée du Louvre, Palais des Rois, des Empereurs et de la République. L’ambition d’organiser un dialogue entre les chefs-d’œuvre bien connu du vieux Louvre et ceux de la Mode contemporaine.  
En effet, le Louvre ne conserve pas beaucoup de pièces de mode, hormis quelques manteaux de l’Ordre de Saint-Esprit. Cela dit, le vêtement est partout. En effet, il habille Mona Lisa, le Chancelier Rolin, Louis XIV ou encore Madame Récamier. N’oublions pas non plus le pagne du Scribe accroupi. La Mode semble être aussi ancienne que les Hommes. Si chaque génération aura son vêtement, il sera souvent utilisé pour faire montre de sa classe sociale, de sa corporation ou d’une appartenance diverse. Le Roi Soleil, Louis XIV, va faire de la Mode une caractéristique essentielle de l’Étiquette Royale.  Cette mode est rendue possible par le travail patient, minutieux, inventif des couturiers. 
Le Louvre présente une centaine de mannequins habillés par 45 Maisons de coutures et créateurs emblématiques comme Karl Lagerfeld ou Cristobal Balenciaga. L’exposition nous permet également de comprendre que les œuvres (peintures, sculptures, ameublement, orfèvrerie, …) vont inspirer les couturiers qui vont en reprendre les lignes, les formes et les couleurs en les sublimant par le travail de la couture.
Les artistes de la Mode, des années 60 à 2025, vont être les dépositaires et les héritiers d’un savoir-faire essentiel qui fait renaître, sous leurs doigts et leurs aiguilles, les grands époques de notre histoire, du moyen-âge au XIXème siècle.

Le moyen-âge

Époque charnière entre l’Antiquité et les Temps Modernes, le moyen âge débute en 476, lorsque que le dernier Empereur Romain d’Occident, Romulus Augustule, est déposé. À l’autorité centrale de l’Empire Romain va se succéder un morcellement d’états liées aux diverses migrations. La société est à dominante agricole avec des paysans asservis à des petits seigneurs. L’époque est aussi celle des splendeurs de Byzance, d’un Empire Byzantin fort de ses talents artistiques, de ses mosaïque aux couleurs d’or et aux réalisme saisissants. La collection « Mosaico Sartoriale » de Dolce & Gabbana rend hommage au travail de la mosaïque présent dans les territoires de l’actuelle Italie, notamment l’ancestrale basilique Santa Maria Assunta de Venise bâtie au VIIème siècle.

 

La foi chrétienne prend une place essentielle dans les sociétés médiévales. En effet, dans une Europe ou les conflits sont monnaie courante, la Papauté prend l’ascendant la religion devient incontournable. L’art va donc se développer autour de la religion. Les vieilles églises romanes sombres et aux décors simples vont laisser la place aux envolées lyriques du gothique. Voûtes vertigineuses, décors végétaux, histoire biblique dans la pierre, accès de la lumière dans le lieu de culte.
Iris van Herpen va reprendre les caractéristiques du gothique dans sa collection printemps/été de 2012. Le résultat est surprenant : les courbes évoque un gothique flamboyant laisse à penser que la robe pourrait être un reliquaire d’époque ou une reprise néo-gothique.

 

La Renaissance

La renaissance, comme son nom l’indique, est une période de grand renouveau dans les arts grâce à la redécouverte des textes, de la pensée et des sciences de l’Antiquité. Le moyen âge cesse avec l’entrée des Turcs à Constantinople, le 29 mai 1453. En France, la renaissance s’affirme avec un renforcement du pouvoir royale et une centralisation progressive et ferme des pouvoirs. François Ier est l’un des grands Rois de France et celui que l’on associe aisément à la renaissance. Le Roi est un homme puissant engagé dans une lutte avec l’Empereur Charles Quint et le Roi Henri VIII d’Angleterre. La Maison Balenciaga nous offre une « robe armure » qui véhicule le souvenir des guerres de la renaissance, reprenant l’idée de l’armure dite de Henri II avec le soutien d’un logiciel de création assistée, la robe fut imprimée en 3D.

La renaissance est également la période faste des chasses et de la tapisserie. Le Roi aime la chasse et s’y rend relativement souvent, le Louvre présente la Galerie des « Chasses de Maximilien », datées des années 1530. Jean-Charles de Castelbajac va revisiter la chasse avec une tenue incluant le personnage de « Bambi », faisant entrer l’univers Disney. Il réussit à faire sortir le faon, l’animal, de la tapisserie dans laquelle on aurait pu l’imaginer représenté.

 

Du Grand Siècle à la fin de l’Ancien Régime

Le Grand Siècle, c’est avant tout un art de vivre à la française qui va être créé par le Roi Louis XIV. Le Roi fait Soleil va user du luxe et de la mode dans son projet de l’Étiquette, de Versailles. Colbert va créer des manufactures pour lancer une large production. Le vêtement est au centre de tout à Versailles, que ce soit pour les femmes ou pour les hommes. Rang, personnages ayant l’oreille du souverain, ecclésiastiques, militaires, chacun aura sa place à la Cour de Versailles et cette place sera indiquée par le vêtement. Pensons au « Mercure Galant », première revue de mode qui paraît en 1672 pour présenter au Royaume et peut-être même au monde la mode au sein de la Cour de Versailles.
La Maison Christian Dior nous plonge dans le baroque avec une proposition riche dans un classicisme aux symboles importants tel la tête du lion, l’armure d’une épaule ou encore un casque digne d’un défilé militaire ou encore d’une pièce de théâtre.

Au XVIIème siècle, la décoration, l’ameublement, la Mode sont basés sur un vocabulaire précis comme les fleurs mais également certaines couleurs symbolisent le luxe et d’autre une petitesse. La Maison Gucci reprend ce code floral et coloré pour en faire un vêtement masculin élégant qui se fond dans le décor. La forme du vêtement est plus moderne et usuel que les tenues masculines de cette époque.

La tenue masculine n’est pas en reste de richesse, de beauté et de complexité au XVIIIème siècle. La Maison Louis Vuitton va ainsi mettre en œuvre une silhouette masculine qui nous laisse rêveur. Le défilé de Vuitton de 2018 aura lieu dans les fossés de la forteresse du Louvre et c’est une des raisons qui fait que Nicolas Ghesquière va reproduire un habit d’époque en y ajoutant de la décoration, une allure remarquable et un short. Cet habit à lui seul aura la capacité de représenter la Cour d’Ancien Régime.

 

 

La Mode va atteindre des sommets sous le règnes de Leurs Majestés Louis XVI et Marie-Antoinette. En effet, le Comte d’Artois, futur Roi Charles X, est amateur du beau. Aux influences orientales, il lui sera créé un ensemble d’ameublement sur les tons jaunes. Le bustier de Donatella Versace reprend parfaitement ce motif. Les détails sont soignés et le bustier se font dans le mobilier tant son décor reflète le mobilier d’exception de l’époque.

 

Yves Saint-Laurent reprend la tissus des bergères du XVIIème pour créer une « robe de mariage » aux plis étonnant qui semble avoir pour origine les célèbres tableaux du peintre Antoine Watteau.

L’histoire a retenu le nom de Léonard, le coiffeur de la Reine Marie-Antoinette, mais surtout celui de Rose Bertin qui fut la « Ministre des modes ». Rose exercera une forte influence sur son époque, elle va sans doute être à l’origine de ce qui est appelé la haute-couture. Elle sera la marchande de mode de Marie-Antoinette. Forte de sa notoriété, la famille royale et tous les grands s’habillent chez elle à fort grand prix. Dans son magasin parisien « Le Grand Mogol », elle vendra ses modèles et habillera la Reine jusqu’à son exécution. John Galliano de la Maison Dior s’inspire de la Reine, des tissus, du mobilier précieux du XVIIIème pour produire une robe à la fois simple et luxuriante.

 

Le XIXème siècle

A la chute de l’Ancien Régime et devant le désordre d’une République inadaptée à l’époque, Napoléon Bonaparte prend le pouvoir et devient Empereur des Français en 1804. Si l’empire ne déploie pas les fastes de l’Ancien Régime, il se doit tout de même de vivre selon un certain luxe, pour être respecté par les autres Cours. De fait, le 2 décembre 1804 Napoléon pose la Couronne lui-même sur son front portant sur le dos un manteau de sacre rivalisant avec nos Rois. L’abeille et l’Aigle seront les emblème de l’Empereur. Lee Alexander McQueen de la Maison Givenchy s’est emparé de l’Empereur et de son sacre pour créer une robe qui ressemble à la fois à un uniforme militaire avec un certaine grâce et reprend les abeilles d’or du sacre, un ensemble prodigieux.

 

Quelques décennies plus tard, Napoléon III est Empereur des Français et son épouse la fameuse Impératrice Eugénie est portée sur la mode. L’Empereur fait mettre au goût du jour un ensemble de pièces au sein du Louvre, dont elles ont gardé le souvenir, dans un décor à l’impériale autrichienne avec une proéminence du rouge et de l’or, les couleurs du régime. John Galliano de la Maison Dior va s’inspirer du portrait de sacre de l’Impératrice pour faire naître une robe qu’Eugénie aurait pu porter, en y ajoutant des motifs au décor sur fond bleu provenant de l’actuelle Turquie. 

 

La mode du XIXème siècle est liée à la crinoline. La crinoline est une structure ressemblant à un cage permettant de donner de l’ampleur à la jupe d’une dame, jusqu’à 10 mètres de diamètres. Jean-Paul Gaultier reprend avec intelligence la crinoline en la plaçant au-dessus de la robe, alors qu’elle était destinée à ne pas être vue. Il use d’une matière voyante de couleurs, pour évoquer l’aspect fastueux des appartement et du régime du Second Empire.

99 robes composent cette exposition au sein du Louvre. La richesse de ses œuvres apparaît comme évidente surtout dans leur aspect d’usage du temps passé. J’ai choisi de vous en montrer quelques-unes affichant une préférence maison surtout permettant une facilité dans ma chronique. Je vous invite donc à aller y faire un tour. Je clos cette chronique avec une robe d’Iris van Herpen, de sa collection « Syntopia » de 2018-2019. Cette robe se veut transformant la personne qui la porte en un oiseau.