Maestà est le mot italien servant à désigner la représentation d’une Vierge en majesté, sur un trône, entouré soit d’apôtres, soit d’anges. L’exemple de Maestà ci-dessous est issu d’un diptyque peint par Cimabue dans les années 1285-90.

Cimabue, un artiste rare
Cenni di Pepo (surnommé Cimabue) est un homme dont l’histoire nous échappe. Les archives de cette époque se font rare mais il semblerait qu’il soit né vers 1240 à Florence. Dans son œuvre sur la vie des peintres (1550), Giorgio Vasari évoque qu’il aurait été apprenti de peintres de l’art byzantins. L’influence de Pisano pourrait également expliquer son œuvre. Dante évoque l’artiste parmi les orgueilleux du Purgatoire : « Cimabue crut dans la peinture, être maître du champ : et aujourd’hui Giotto a pour lui la clameur publique, en sorte que la renommée de celui-là est obscurcie. ».
Les œuvre de Cimabue qui nous sont parvenue, ou connue, sont très peu nombreuse mais il est possible de découvrir beaucoup de l’artiste dans ses œuvres. On y trouve des peinture, des fresques et des mosaïques. Il est admis que Cimabue est un des peintres plus important du Trecento (le XIVème siècle) qui est une pré-renaissance. Cimabue peut être considéré comme un peintre du renouveau. Le retour à la nature est à un certain réalisme semble caractériser l’artiste. Observons deux scènes du diptyque précédemment cité : La Dérision du Christ et La Flagellation (1285-90).

La couleur apparait tout de suite avec sa force et sa vivacité qui donne vie et réalité à l’œuvre. Par ailleurs, les vêtements des personnages ne sont pas ceux de l’époque du Christ mais du Trecento à Florence. Les bâtiments et les ornementations sont également assez contemporaines de l’artiste. L’artiste donne une leçon de spiritualité, d’émotions transmises et fait entrer le spectateur dans le funeste évènement.
Cimabue, la Maestà

L’ordre des franciscains commande à l’artiste une Maestà pour leur église de Pise. Elle est donc peinte en 1280 pour rejoindre le jubé de l’église de Pise. Elle est emportée au Louvre par Dominique Vivant Denon, en 1812, sous le Premier Empire. À la chute de l’empereur Napoléon Ier, nombre de pays envoient des commissaires pour faire revenir leurs œuvres. Des commissaires italiens seront présents à Paris en 1815 mais ne réclameront pas l’œuvre de Cimabue, passée de mode et trop coûteuse à ramener. Restaurée il y a peu de temps, nous pouvons profiter des couleurs formidables de l’œuvre et de sa fraîcheur.
Il convient d’observer l’œil en détail pour en découvrir sa richesse. Le fond de l’œuvre couleur or est une évocation du divin dans la peinture byzantine, fait montre de richesse et permet d’appréhender la technique du peintre avec les minutieux coups de poinçon faisant auréoles.

Le trône de la Vierge surprend par sa forme sculptée presque fantastique, finement représenté dans ses détails aux formes géométriques ou naturalistes. Ce trône va marquer l’aspect prépondérant de la Vierge sur les anges, la mère du Christ occupe une part d’exception sur un trône de sagesse.


Le trône est tapissé d’un riche tissu aux motifs arabisant, ouvrant la voie vers les échanges commerciaux de cette époque. Il est malgré tout surprenant de voir ses motifs arabisant sur une telle œuvre.

Les anges sont peints en pieds et son inclus dans la scène dans le même temps qu’ils regardent le spectateur. L’on observe également que les anges sont organisés par paires dans une approximative symétrie qui offre de la noblesse à l’œuvre. Leurs visages apportent le style byzantin dans les formes du nez, des yeux, des sourcils et de la bouche. Les ailes des anges montrent le talent de coloriste de Cimabue qui fait naître le mouvement par la peinture de traits de couleurs par touches minutieuses.
La Vierge Marie est habillée d’une belle robe bleu dont les plis sont très nets et sans réel mouvement. Dans l’idée principale de donner vie à l’œuvre, l’artiste innove en faisant lever le bras à l’Enfant, posant les mains de la Vierge sur l’Enfant, posant les mains des anges sur le trône.


Le cadre de l’œuvre est orné de vingt-six médaillons représentants des personnages en bustes : Dieu au sommet, des anges l’accompagnants, les quatre Évangélistes ou encore des saints comme François d’Assise. On remarque le ruban rouge aux caractères arabisant, à nouveau présents.
Le spectateur ne peut qu’être marqué par l’aspect mélancolique des expressions des personnages. L’atmosphère de vérité et de recueillement est induite par l’ensemble de la composition. L’œuvre montre bien la tradition byzantine et le tournant ouvrant la renaissance, l’historien du XVIIIème siècle Luigi Lanzi l’évoque en ces mots : Cimabue « triompha des habitudes culturelles grecques, qui semblaient passer de l’un à l’autre : on imitait sans jamais rien ajouter à la pratique des maîtres. Il consulta la nature, anima les visages, plia les tissus, plaça les personnages avec beaucoup plus d’art que ne l’avaient fait les Grecs ». Finalement, Cimabue cherche à représenter la cohabitation de l’humain et du divin.
