« La naissance est le lieu de l’inégalité », célèbre phrase de Jean d’Ormesson qui convient bien à Julie Manet. Fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet, frère d’Édouard, Julie est bercée dans la peinture.Le travail de sa vie sera de rendre hommage aux impressionnistes qu’elle a connu dès son plus jeune âge.
Le Musée Marmottan Monet rend hommage à Julie Manet en y développant trois aspects fondamentaux de sa vie : modèle des grands peintres, artiste, collectionneuse. Vous trouverez ci-dessous mon coup de cœur de cette exposition, Julie Manet sous le pinceau d’Auguste Renoir.
Portrait de Julie Manet, 1894, Pierre Auguste Renoir.
Julie, jeune modèle
Le 14 novembre 1878, Julie naquit à Paris de parents artistes : Berthe Morisot et Eugène Manet. Son enfance semble avoir été heureuse et richement entourée. Très tôt, sa mère fait d’elle une muse qu’elle peint et que d’autres impressionnistes auront peinte à 3ans, à 7 ans, à 10 ans, à 16 ans, et faisant ses poses Julie à l’occasion de se lier avec ses grands noms de la peinture.
Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival, 1881, Berthe Morisot.
Elle voit autour d’elle de grands artistes, comme Renoir qui la peindra plusieurs fois et notamment avec le chat, sans doute son premier tableau de la jeune fille.
Julie Manet ou L’Enfant au chat, 1887, Pierre Auguste Renoir.
Il est un autre homme qui aura une place importante pour Julie, et qui sera son tuteur à la mort de son père : Stéphane Mallarmé. En effet, le poète est proche de la famille Manet, Édouard peindra un portrait de lui que nous pouvons retrouver dans l’exposition. Plus encore, il vit près de Fontainebleau et c’est en sa compagnie que Julie visitera le château de Fontainebleau dont elle pourra admirer la richesse des appartements de Napoléon Ier mais également celui de Marie-Antoinette. Ainsi, la jeune Julie évolue dans un univers où l’art est omniprésent et l’on peut le comprendre en lisant la précision avec laquelle elle décrit la visite dans son journal à la date du 2 septembre 1893.
Julie rêveuse, 1894, Berthe Morisot
Julie, une artiste
Dans cette même année 1893, Julie commence à esquisser avec ses crayons la forêt de Fontainebleau. Comment ne pas avoir le « virus » du dessin et de la peinture avec un père qui esquisse et une mère qui cofonde le mouvement impressionniste ?
Lorsque Berthe Morisot décède, en 1895, Renoir et Mallarmé portent une véritable attention sur la jeune Julie dont ils ont tous les deux connus les parents.
Julie va poursuivre son œuvre avec de brillants percepteurs : Edgar Degas l’emmène à la découverte des chefs d’œuvres du Louvre, Mallarmé l’éveille à la beauté et au sens des choses, Renoir l’instruit sur la manière de peindre et, comble de l’expérience, elle visite Claude Monet à Giverny. Quel amateur d’art ou peintre en devenir n’oserait pas esquisser le rêve de suivre la jeune Julie ainsi accompagnée ?
Elle aura également quelques talents dans la musique, elle joue du violon et du piano.
Julie esquisse et peint d’une belle façon qui a dû émouvoir ses brillants percepteurs. Son nom ne restera pas parmi les grands peintres, car évoluant dans leur ombre, mais la jeune héritière du nom des Manet est satisfaite de son œuvre et une voue un amour inconditionnel à la peinture.
Elle exposera ses œuvres dans plusieurs salons d’indépendants. Elle peindra des scènes de la vie quotidienne dans un style impressionniste.
Portrait de Jeannie au piano et de Paule l’écoutant, 1899, Julie Manet.
Julie, une collectionneuse
L’arrière-grand-père de Julie, Clément Manet, décède, et alors que les autres descendants décèdent à leur tour, Julie devient l’héritière de la fortune Manet en 1894.
A 22 ans, Julie rêve de se marier pour atteindre un nouveau bonheur, encore inconnu, à deux. Chez des amis, elle rencontre Ernest Rouart, un peintre qui partage son amour de la peinture. Ils se marient en mai 1900, il est l’enfant de trois générations de collectionneurs.
Julie Manet peignant, 1905, Ernest Rouart.
Ainsi, Julie muse et peintre devient collectionneuse. La collection du couple est assez impressionnante car ils rachètent des œuvres de la collection du père d’Ernest qui possédait des Degas, Corot, Delacroix, Courbet, … Julie hérite de sa mère certaines de ses œuvres, des œuvres de son oncle Édouard Manet dont la dame aux éventails, des dessins de Renoir ou encore un Fragonard.
La Dame aux éventails, 1873, Édouard Manet
La vie de Julie mariée est celle d’une épouse, d’une mère et d’une collectionneuse d’œuvres du XVIIIème et du XIXème siècle. L’appartement du couple est un écrin pour un certain nombre de portraits privés de la famille qui sont aujourd’hui offerts au monde. Elle aura à cœur de défendre le nom de son oncle mais également de faire connaître et reconnaître celui de sa mère, d’où le nom de l’exposition du musée Marmottan : « La mémoire impressionniste ». La plus belle œuvre de Julie serait peut-être de faire exister ce courant formidable. Plus tard, Julie offrira des tableaux de sa mère dans les grands musées tel le Petit Palais ou le musée des augustins de Toulouse pour faire rayonner son œuvre.
Julie Manet lisant, Ernest Rouart.