Paul Charlemagne, de la noirceur vers l’obscurité

L’artiste m’est totalement inconnu et c’est au détour d’une balade à Bergues pendant la visite du musée du Mont-de-Piété. Plusieurs dizaines d’œuvres viennent présenter le travail de l’artiste sous le thème de « L’œuvre au noir ».Portrait de Paul Charlemagne, Alain Charlemagne, 1933 
Portrait de Paul Charlemagne, Alain Charlemagne, 1933

 

L’attrait pour l’art

A Paris, le 9 août 1892 naquit Paul Charlemagne. Il est le fils d’Hyppolyte Charlemagne et de Marthe Isabelle Sandélis. Hyppolyte, son père, est un enfant de Toulouse ayant vu son père exercer la profession de maître verrier. Hyppolyte entre à l’École de Beaux-Arts où il obtiendra des prix. En 1875, Hyppolyte monte à Paris et intègre l’atelier d’Alexandre Cabanel. Plus tard, il deviendra spécialiste de la peinture militaire et du portrait.
Ainsi donc, comment Paul aurait pu échapper à la passion du père et faire un autre métier que celui de l’art ?
Le jeune Paul furète dans l’atelier paternel et se prend à rêver avec le papier à dessin, les pastels, les couleurs, les œuvres en cours de son père … Alors déjà le père, fier de son fils, lui apprend le dessin et cet enfant rêveur se passionne pour la botanique et remplit moult carnets d’études.

Les barques à Saint-Valéry, Paul Charlemagne, 1937
Les barques à Saint-Valéry, Paul Charlemagne, 1937

Cette enfance heureuse porte également dans le domaine musical, les parents jouent d’instruments tout comme leurs amis. 1900 marque l’apogée d’un bonheur familial avec l’achat d’un petit domaine à Marcq.
Le temps de l’insouciance et du bonheur de l’enfant s’envole le 4 octobre 1905 avec la mort d’Hyppolyte, le père sans doute admiré. Marthe fait ce qu’elle peut mais il est bien difficile de maintenir l’ancien train de vie et c’est dans une relative pauvreté financière que la famille s’enfance. Ce faisant et pour tenter de pallier aux difficultés familiales, Paul devient l’apprenti du peintre décorateur Marcel Jambon. L’apprentissage sera difficile et ne lui apportera pas ce qu’il cherche.

L’invitation au voyage, Paul Charlemagne, 1927
L’invitation au voyage, Paul Charlemagne, 1927

 

Le réveil de l’artiste


Alors apprenti, Paul découvre les impressionnistes, notamment Manet et Courbet. Il a la volonté de revenir vers la peinture et s’en donne les moyens : en 1909, il entre au cours du soir de l’école de dessin de Montparnasse. Il étudie les mœurs au sein d’un quartier de prostitution et fréquent le musée des arts décoratifs. 

La présentation, Paul Charlemagne, 1930
La présentation, Paul Charlemagne, 1930

Il quitte l’atelier où il fut apprenti et rejoint celui d’Eugène Ronsin où il va renouer avec son activité artistique et y rencontrer sa future épouse, Agnès Jallet.
S’en suit une période moins gaie pour Paul : la première guerre mondiale est lancée et il rejoint son régiment, il sera blessé mais repartira au combat avant de rejoindre la vie civile à la fin de la guerre.
De retour dans l’atelier de Ronsin, il participe à la décoration des Folies Bergères et de la Comédie de Paris. A cette période, Paul jouit d’une meilleure situation financière lui permettant de se relancer dans la peinture. 

La danseuse à la glace, Paul Charlemagne, 1939
La danseuse à la glace, Paul Charlemagne, 1939

Paul expose pour la première fois en 1923, au Salon d’Automne son œuvre Le Hangar. La sélection n’est pas due au hasard, le style de l’artiste se fait moins brut, moins inquiétant et plus délicat.
L’artiste voyage à travers pas mal de régions françaises et va découvrir des paysages inconnus, des régions aux couleurs nouvelles pour lui et va peindre des aspects de ces lieux qui vont se transformer en études.

La chapelle de Pénerf, Paul Charlemagne, 1926
La chapelle de Pénerf, Paul Charlemagne, 1926


La reconnaissance
 

L’apogée de son œuvre est datée aux années 20. Après avoir quitté l’atelier de Ronsin en 1924, l’artiste introverti devient une des figures du néo-réalisme français. La critique, quoique bonne, met en avant la tristesse et l’austérité de son œuvre, Paul est en phase de spleen et évoque ses souvenir. 
En 1927, le musée du Luxembourg lui achète une toile renforçant par là sa réputation. Ayant remporté un prix, il formalise un contrat avec la galerie Allard où il expose jusqu’en 1939. Il loue un atelier et vit la vie d’artiste qu’il aura tant cherché.

Khéra en blanc, Paul Charlemagne, 1941
Khéra en blanc, Paul Charlemagne, 1941

La crise de 1929 n’est pas sans conséquence pour lui, il quitte son atelier alors que son couple est en difficultés et qu’il angoisse sur sa mort.
Paul est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur en 1938, et travaille pour le théâtre et l’opéra pour un apport financier. Parallèlement, il collabore avec la manufacture de Sèves.
Ombre au tableau pour cet artiste, pendant l’occupation, il travaillera avec le Régime de Vichy en réalisant de la propagande mettant en scène le Maréchal Pétain. Il ne sera pas inquiété pour cette participation du fait de l’aspect alimentaire à la participation à la propagande de Vichy.

Rosaline aux gants bleus, Paul Charlemagne, 1949
Rosaline aux gants bleus, Paul Charlemagne, 1949 

De 1943 à 1962, il enseignera à l’École Supérieur des Arts Décoratifs.
Le temps glorieux de Paul est passé, il peint encore des natures mortes et expose mais sans la renommée d’autres de ses contemporains.
Depuis son enfance, il aura toujours peint et il s’éteint le 10 mai 1972 à Paris.               

Le Baladin, Paul Charlemagne, 1957
Le Baladin, Paul Charlemagne, 1957