Né le 30 mars 1853 à Zundert, au Pays-Bas, Vincent Van Gogh laisse derrière lui une œuvre exceptionnelle de par sa richesse et son style inégalé.
Ayant grandi dans une famille bourgeoise, il se prédestine à une carrière de marchand d’art, bien qu’il répugne à voir l’art comme tout autre marchandise. Après avoir été licencié, il tente de devenir pasteur, comme son père, mais échoue aux examens théologiques. La peinture entre dans sa vie dans les années 1880, il quitte alors les Pays-Bas pour la Belgique puis finit sa course en France.
Autoportrait (septembre 1889), Vincent Van Gogh
Il va visiter nombre de musées et de galeries d’art, il suivra des cours de peinture et de dessin. Il sera en quelque sorte un autodidacte, ayant eu un peu d’aide. Son instabilité mentale et ses connaissances en art vont faire naître un style à part.
En témoigne, son activité de peinture à partir de gravures comme c’est le cas de sa Pietà, peinte d’après l’œuvre d’Eugène Delacroix.
Pietà, (septembre 1889), Vincent Van Gogh
En effet, l’on retrouve un assez vaste mélange de techniques empruntées à l’impressionnisme et au pointillisme, mises au service d’un naturalisme assumé. Le naturalisme est un mouvement artistique de la fin du XIXème siècle qui est en rupture avec le romantisme par la mise en œuvre du réalisme. Le réalisme est un courant artistique qui implique la recherche du réel et de la vérité dans l’exercice du quotidien et de la routine, sans aucunes fioritures.
Auvers-sur-Oise
Du 20 mai 1890 à son décès, le 29 juillet 1890, Vincent Van Gogh, alors à Auvers-sur-Oise, va produire 74 tableaux et 33 dessins. Le Musée d’Orsay nous permet de redécouvrir cette période essentielle de la vie de l’artiste. L’exposition présente les œuvres par thématique mais j’ai choisi, pour ma part, une approche plus chronologique nous permettant de suivre l’artiste dans son aventure à Auvers-sur-Oise.
Alors à Arles, Vincent fait des crises de démences … le 8 mai 1889, il quitte Arles pour l’asile de Saint-Rémy-de-Provence. Il y restera une année pendant laquelle il peint frénétiquement … Son frère Théo est mis en relation avec le Dr Paul Gachet.
Le Dr Paul Gachet (6-7 juin 1889), Vincent Van Gogh
Instruit de l’état de santé de Vincent, le docteur préconise une mise au vers à Auvers-sur-Oise. Située à une trentaine de kilomètres de Paris, la petite commune du Vexin a déjà connu des peintres, ceux de l’École de Barbizon et certains Impressionnistes.
Van Gogh arrive donc le 20 mai 1889 à Auvers-sur-Oise où il loue la chambre n °5 de l’auberge Ravoux.
Mai 1890
Quelques jours après son arrivée à Auvers-sur-Oise, Van Gogh s’essaye au dépaysement de la campagne en commençant par visiter la petite ville aux charmantes couleurs. Il y découvre les petites maisons et leurs charmants accents paisibles de la campagne, comme celle du père Pilon.
La maison du père Pilon (25-26 mai 1890), Vincent Van Gogh
Comme dit précédemment, Vincent est venu dans la commune pour s’y trouver avec le Dr Gachet. Le Dr Gachet n’exerce pas en tant que médecin dans la commune mais pour la Compagnie des Chemins de Fer. Malgré tout, Vincent pourrait être soigné et accompagné dans ses éventuelles crises par le docteur. Fait important, le Dr Gachet est amateur d’art et fût l’ami de Cézanne, alors à Auvers-sur-Oise. Ainsi, le bon docteur saura éclairer Vincent qui fréquentera sa demeure comme il l’évoque dans sa représentation du jardin du docteur.
Dans le jardin du Dr Gachet (27 mai 1890), Vincent Van Gogh
Par ailleurs, tout comme Cézanne en son temps, Van Gogh va nouer une relation d’amitié avec le Dr Gachet, introduit dans le cercle intime du docteur il fréquentera sa famille. Une fréquentation qui pourra apaiser son esprit et débattre d’art avec un ami éclairé.
Mlle Gachet dans son jardin (31 mai 1890), Vincent Van Gogh
Ainsi, donc quelques jours après son arrivée, l’artiste est déjà établi à Auvers-sur-Oise et va y prendre ses habitudes et y trouver une inspiration de par les paysages pittoresques.
Juin 1890
L’artiste tombe très rapidement sous le charme de la petite ville, il dira : « il y a beaucoup de bien-être dans l’air. », à cette époque il peint une vue remarquable de la ville où le jaune du champ de blé tranche avec le bleu-vert de la ville plus lointaine et laisse à penser qu’il est charmé par la réalité de la ville mais également par celle de la nature environnante.
Vue d’Auvers-sur-Oise (début juin 1890), Vincent Van Gogh
L’on retrouve quelques natures mortes parmi les œuvres de cette dernière période de sa vie, il avait pour idée de les offrir ou de les vendre. En témoigne, l’œuvre carrée ci-dessous. Un problème est posé dans cette œuvre, la décoloration des œuvres … la laque rouge devenue orange ou pire encore les renoncules violettes devenues bleue … ainsi certains œuvres ne sont plus que le pâle reflet de l’ingéniosité de leur créateur.
Roses et renoncules (1er-3 juin 1890), Vincent Van Gogh
Bien avant son périple à Auvers-sur-Oise, Vincent s’est penché sur le couleur, ses associations et la naissance du contraste qui semble l’inspirer. Le Vexin lui apparaît comme étant moins lumineux que la Provence, il y trouve plus d’ombres et va en faire le jeu. Ce jeu apparaît sur l’une de ses œuvres qui retient notre attention : l’église d’Auvers-sur-Oise. On y retrouve le combat de la couleur, de l’ombre et du contraste, il décrira lui-même l’œuvre dans une lettre : « un effet où le bâtiment paraît violacé contre un ciel d’un bleu profond & simple de cobalt pur …le toit est violet et en partie orangé. ».
L’église à Auvers-sur-Oise (4-5 juin 1890), Vincent Van Gogh
L’on retrouve quelques jours plus tard, une œuvre aux couleurs plus chaudes où chemine un habitant entre la maison en toit de chaume et les maisons d’ardoises. Le mouvement est ici perceptible dans cet instant que Van Gogh a pu capturer dans son esprit et retranscrire avec son pinceau.
Maison à Auvers-sur-Oise (9-10 juin 1890), Vincent Van Gogh
Cheminant à travers les rues, il découvre une vigne dans un espace relativement pentu, il y exerce une belle palette de verts, sublimés par les traits de l’artiste qui y applique une vivacité et comme à son habitude un mouvement, celui de la vie et du temps qu’il cherchera toujours à capturer.
Vignes à Auvers-sur-Oise (12 juin 1890), Vincent Van Gogh
Comme d’autres yeux aguerris aux œuvres d’art, je me suis arrêté sur la vision d’une œuvre où un escalier est représenté. Outre les maisons et cet escalier, l’on y découvre deux sœurs en robes blanche, deux femmes têtes bonnetés et un homme avec sa canne descendant l’escalier. Une forte émotion est présente dans cette œuvre dont on cherche a comprendre où se rendent les cinq personnages, peut-être suivent-ils le sens de leur existence vers un chemin qui nous est caché et qu’il nous faudrait découvrir.
Un escalier à Auvers-sur-Oise (mi-juin 1890), Vincent Van Gogh
Une fois n’est pas coutume, Vincent donne une égalité entre la terre et le ciel mais quelle égalité celle d’un contraste saisissant … un ciel jaunissant comme sorti d’un imaginaire qui contraste avec deux arbres noirs par l’absence de lumière du soleil. Cette œuvre de nuit nous apporte l’idée d’un crépuscule bien que celui de l’artiste ne soit pas encore arrivé en ce mois de juin 1890, peut-être déjà le sent-il arriver ?
Paysage au crépuscule (20-22 juin 1890), Vincent Van Gogh
Vincent Van Gogh évoque le fait de peindre des individus comme « la seule chose qui m’émeut le plus profondément et me fait ressentir l’infini, plus que toute autre chose ».
De fait, alors que les modèles sont rares à Auvers-sur-Oise, il choisit parmi son entourage quelques personne pour toucher l’infini et notamment Adeline Ravoux, la fille de l’aubergiste, dont il peint trois portraits à dominante bleu, le bleu que l’on sait être sa palette préférée. Les deux tableaux suivant nous montrent deux représentations de la jeune fille à quelques jours d’intervalles et laissent apparaître la volonté exploratoire de l’infini de l’artiste et peut-être sa difficulté de saisir l’âme de son modèle.
Adeline Ravoux (22 juin 1890), Vincent Van Gogh
Adeline Ravoux (24-29 juin 1890), Vincent Van Gogh
Juillet 1890
Alors que s’ouvre le dernier mois de la vie de Van Gogh, l’œuvre tend petit à petit vers plus d’ombres, vers ses ténèbres … Le carmin laqué a disparu du portrait des deux fillettes qui laisse un aspect plus pastel plus doux …
Deux fillettes (début juillet 1890), Vincent Van Gogh
L’œuvre ci-dessous tranche avec les autres et en effet, les aplats y sont peu nombreux, il s’agit d’un dessin préparatoire à une œuvre jamais réalisée.
Deux femmes à travers champs (1er juillet 1890), Vincent Van Gogh
Grandiose et puissant, tel est la description que nous pourrions faire du Champs de blé aux corbeaux. L’extrême contraste renvoi à l’extrême tristesse ressentie par l’artiste à cette époque. Les trois chemins laissent libre cours aux perspectives funestes de l’artistes, les corbeaux renforcent l’idée de noirceur, de malheur que l’artiste cherche a extérioriser.
Champs de blé aux corbeaux (8 juillet 1890), Vincent Van Gogh
Chacun aura ses préférences, la mienne vient pour Le jardin Daubigny. Pour rendre hommage à la veuve du peintre auversois, Van Gogh réfléchit à une œuvre représentant son jardin. Celle-ci est la troisième version, il en dira qu’elle est : « une de mes toiles les plus voulues ». Il prend des libertés avec la réalité et impose l’église dans une perspective où elle ne peut pas se trouver mais peu importe, le réel se plie à l’œuvre. L’œuvre est complexe et la palette de couleurs révèle tout le génie de l’artiste, son sens du détail mais aussi sans doute sa rêverie …
Le jardin Daubigny (10 juillet 1890), Vincent Van Gogh
La pluie est également peinte par Vincent. L’œuvre est surprenant de par son sujet mais également par un traitement élégant, complexe et aussi simple et efficace quant à la palette usitée.
Pluies, Auvers-sur-Oise (18 juillet 1890), Vincent Van Gogh
L’avant dernière œuvre de l’artiste est la retranscription d’une de ses balades avec des fermes mises à l’honneur. L’œuvre ne fût pas terminée et ne le sera jamais … la réalité semble présente mais la force des aplats caractéristiques de Vincent manquent cruellement dans une œuvre qui semble n’être guère plus qu’un dessins préparatoire manquant d’ambition.
Fermes près d’Auvers-sur-Oise (25-26 juillet 1890), Vincent Van Gogh
Le 27 juillet 1890, Van Gogh quitte son logement de l’auberge Ravoux avec son matériel et s’arrête 150 mètres plus loin pour représenter des racines entrelacées. Les racines et la terre, l’ancrage de tout être. Est-ce pour cela que Vincent va les représenter ces jours-ci comme une œuvre testament ?
Racines d’arbres (27 juillet 1890), Vincent Van Gogh
Les analyses ont montré que les derniers traits de peintures sur sa dernière œuvre, ci-dessus, ont été donnés en fin d’après-midi. Ayant terminé sa dernière œuvre Van Gogh se tire une balle dans la poitrine … Le coup n’est pas fatal, il revient à l’auberge Ravoux : « J’ai voulu me tuer », d’où l’on court chercher le Dr Gachet. La balle s’est logée dans l’aine et ne pourra être enlevée, elle lui sera fatale. Il pourra revoir son frère, Théodore, et tirer à nouveau sur sa pipe avant de s’éteindre dans de violentes souffrances le 29 juillet 1890.
État-civil d’Auvers-sur-Oise, 1890
Van Gogh disait : « il n’est pas donné à l’homme de jouir de son travail ». En effet, il ne sera pas reconnu de son vivant et son œuvre n’aura aucune valeur, si bien qu’il ira reposer au cimetière d’Auvers-sur-Oise entouré de quelques rares amis parisiens et de quelques auversois.
Bords de l’Oise à Auvers-sur-Oise (fin juin 1890), Vincent Van Gogh