Le cristal de roche est issu de la famille des quartz. Parmi les différents quartz, l’on retrouve le plus abondamment le cristal. Le cristal de roche est une forme très pure de quartz, il est incolore ou blanc et son usage dans le passé fut multiple que ce soit pour la fabrication de vaisselle, d’outils optiques, de bijoux, … La visite au musée de Cluny qui présente une exposition sur le cristal permet de s’interroger sur cette matière première et d’apercevoir que le cristal prend place dans l’Histoire de l’humanité.
Extrait du livre des propriétés des choses (1470), Barthélémy l’Anglais
Cristal et antiquité
Dès la préhistoire, le cristal est présent dans les diverses civilisations. Il semble que la fascination pour sa pureté aurait pu avoir une portée symbolique que nous ignorons. De fait, l’on retrouve quelques exemplaires de cristal de roche taillés comme des silex, des armes ou des outils en cristal de roche ou encore des « feuilles de lauriers ».
L’on se pose aisément la question de l’extraction et de la taille du cristal de roche pendant l’époque préhistorique mais également pendant l’antiquité. Le touret sera utilisé pendant l’antiquité pour le tailler, tout comme la scie ou la bouterolle. La dureté de ce quartz implique une expertise de connaissances et de gestes pour que la matière première soit transformée par des mains humaines.
Trois millénaires avant notre ère, le cristal est répandu dans le monde oriental. En Égypte, le cristal de roche est utilisé dans la création d’objets de luxes ou pour figurer dans des yeux, une pureté du regard. Le Musée du Louvre conserve un vase en cristal portant les armes du Roi Roudamon qui date des années 750 avant notre ère, une merveille de cette époque. La Mésopotamie n’est pas en reste et nous offre de remarquables perles dont un exemplaire remonté nous est présenté par le musée de Cluny.
Perle (3500-3000 av JC)
Dans le monde occidental, on utilise également assez couramment les différents quartz mais l’on réserve le cristal de roche pour les bijoux. L’Empire romaine fait usage du cristal et dans des proportions que l’on peut appréhender grâce à cette main en cristal de roche datée des Ier ou IIème siècle de notre ère.
Main (I-IIème siècle), Empire romain
Le monde grec connait également la pratique du cristal désigné par le terme krystallos, terme qui sera donné par Strabon (Ier siècle avant notre ère) qui signifie glace. Cette fameuse glace va servir à concevoir de formidables vases de cultes, des représentations humaines ou encore la représentation de dieux ou déesses. La statuette d’Aphrodite que vous pouvez admirez ci-dessous est une sublime représentation de la déesse dans le thème de sa toilette.
Aphrodite accroupie (avant le IVème siècle)
La pratique se poursuit et s’étoffe de compétences accrues dans la finesse et dans une représentation qui devient plus réaliste, comme on peut le constater avec les deux têtes de lions qui ont peut—être ornés un trône ou ont services d’ornementations diverses d’une pièce de meuble d’un riche seigneur.
Têtes de lions (IVème siècle)
Cristal et moyen-âge
Après la chute de l’Empire Romain s’ouvre le moyen-âge. Époque pleine de promesse à la faveur des apports de l’antiquité qui seront oubliés pour finir par renaître. Malgré tout, le cristal y trouve sa place.
Le moyen-âge est aussi l’époque de la spiritualité, l’Europe se pare de la Chrétienté. De fait, pour magnifier la religion l’on va user du cristal. Les tombes mérovingiennes laissent apparaître des perles de cristal et diverses autres symboles liés aux croyances.
La crucifixion (IXème siècle)
Le baptême du Christ (IXème siècle), Reims
Le prestige du cristal est donc au service de l’Église et l’on va précisément le retrouver dans des églises, il aura pour objet d’incarner le divin. En effet, placer près des ouvertures, il reflète et ce fait vecteur du puissant soleil divin.
Les objets religieux ne manquent pas dans une époque où la religion est omniprésente, l’on retrouve par exemple des crosses qui indique du statut important de certains ecclésiastiques, où le cristal à une importance.
Crosse (XIVème siècle), Abbaye du Lys
L’Église catholique met en avant de saintes personnes qui aurait agi comme exemple pour les fidèles. À leur décès, les corps des saintes et saints sont l’objet d’un culte. Leurs ossements sont divisés entre plusieurs églises ou plusieurs paroisses et leur commerce se développe. Chaque église veut avoir sa ou ses reliques pour faire venir des fidèles et faire montre de sa dévotion. Les reliques ne peuvent être abandonnées sur la pierre froide d’un hôtel, l’on va donc faire faire des reliquaires, et l’on retrouve parfois du cristal pour les composer.
Reliquaire quadrilobé (milieu du XIIIème siècle), Limousin
D’autres pièces témoignent du savoir-faire de l’époque comme la monstrance aux anges. Une monstrance est un objet exposé aux fidèles et contenant l’hostie consacrée.
Monstrance portée par deux anges (XVème siècle)
Parmi ces objets cultuels, on découvre des objets surprenants tel cette croix discoïdale qui ressemble plus à un éventail. Fait de cuivre, de cristal de roches et de pierres précieuses, la croix est surprenante par sa création, une dentelle de finesse et de techniques rehaussés par le cristal qui apporte sa lumière.
Croix discoïdale (1140), Hildesheim
Le moyen-âge est aussi le temps des Croisades pour libérer la Terre-Sainte mais également le moment de découvrir et de s’approprier des reliques du Christ et notamment celle de la Sainte-Croix. De fait, l’Empereur Otton III ayant en sa possession des reliques de la Sainte-Croix en offrira à l’évêque Bernward. Les reliques seront enchâssées au centre et aux extrémités de la croix nouvellement crée. L’œuvre faite de chêne, d’or et d’argent intègre le cristal, il protège les reliques et permet d’exercer un effet loupe qui les rends bien visibles.
La Grande Croix dite de saint Bernward (1150), Hildesheim
Parallèlement à cela, le cristal vu comme un symbole du divin sera aussi usité sur les tables des grands de l’époques qui témoignent ainsi de leur richesse et de leur raffinnement. Témoin de cette vaisselle d’exception le calice dit de Mazarin : il est la résultante d’un montage du XVIIème siècle, un pied égyptien de cristal de l’an 1000 et la coupe plus récente, il aurait appartenu à Louis XIV, comble du prestige.
Calice dit de Mazarin (XVIIème siècle)
À la fin du moyen-âge, les progrès de l’artisanats impliquent encore la mise en avant du cristal. Les reliquaires sont toujours importants et le cristal permet d’observer la relique, de l’offrir aux fidèles mais sur le buste reliquaire de Philon d’Alexandrie le cristal fait partie entière de l’œuvre.
Buste reliquaire de Philon d’Alexandrie (1390), Münster, Allemagne
Cristal et Renaissance
Au XVème siècle, à la Renaissance, le cristal figure toujours parmi les matières premières importantes. Giovanni Bernardi nous offre la Chute de Phaéton, une merveille de finesse sur un cristal d’une grande pureté.
Chute de Phaéton (1533), Giovanni Bernardi
Parallèlement, l’on retrouve toujours du cristal dans les garnitures d’autel, notamment pour représenter des scènes de la vie du Christ, telle la Crucifixion.
La Crucifixion (fin XVIème siècle), Giovanni Bernardi
La Renaissance permet d’avoir une vision plus extraordinaire encore du cristal par des réalisations toujours plus luxueuses les unes que les autres et notamment en Italie du Nord. Par ailleurs, à cette époque, la curiosité scientifique reprend du service et l’on se met à revoir les écrits des grands penseurs de l’antiquité et l’on s’interroge à nouveau sur le cristal, sa composition, ses formes, ses facettes.
Les découvertes ne tardent pas. Soumis à de l’électricité, le quartz a des vibrations fréquentes qui permettent sont utilisation sur les mécanismes des montres. La structure du quartz va également être déterminante dans la découverte de l’ADN. Summum de la découverte, le XXème siècle se rend capable de produire du quartz artificiel.
Cristal et monde contemporain
Les siècles défilent et le cristal attire toujours autant. En ce début de XXème siècle, il va inspirer des artistes peintres : les cubistes Pablo Picasso et Georges Braque dont la production sera évoquée comme du cubisme cristal …
Le Sacré-Cœur de Montmartre (1910), Georges Braque
D’autres artistes seront inspirés par le cristal comme le célèbre Hergé qui lie une de ses aventures au cristal avec un titre évocateur de la matière et de ses propriétés parallèles : Les 7 boules de cristal.
Album de Tintin, Hergé
Nombres d’artistes ont pu être inspirés par le cristal, sa beauté et ses facettes, il reste néanmoins qu’il est une des matières premières qui aura accompagné l’Humain dans son évolution.
Crâne de cristal, (XIXème siècle)