Au milieu du XVIème siècle, l’art et l’architecture, la musique et la danse voient une évolution prendre naissance en Italie puis se propager dans tous les pays d’Europe : le baroque. Ce style va rompre avec la rigueur du trait classique pour aller vers un aspect plus mouvant. Le goût du dramatique, de l’exubérance de couleur, la surcharge théâtralisée, la démonstration décorative permet un style qui peut à la fois surprendre et émouvoir le spectateur.
Le Bourbonnais
Avec l’arrivée du christianisme, les premiers seigneurs apparaissent dans la région. Au Xème siècle, un obscur sire de Souvigny acquiert le château de Bourbons, là est le point de départ de la glorieuse aventure du Bourbonnais. François Ier rattache le Duché au Domaine Royal en 1531. Devenant une généralité, le Bourbonnais se trouve Moulins comme capitale.
Carte de la généralité de Moulins (vers 1700), Alexis Hubert Jaillot
Le rattachement à la Couronne de France peut être vu comme la fin de l’indépendance pour le Duché. Cela est vrai au point de vue politique, mais en ce qui concerne les arts la réalité est plus complexe. La Maison de Bourbon n’étant plus à la tête du Duché, les commandes de cette Maison cessent on peut donc penser que la filière artistique installée dans le Bourbonnais va péricliter mais il n’en est rien.
Il reste à Moulins ou aux alentours des grandes familles de noblesses qui vont poursuivre leurs commandes.
Pendant le XVIIème siècle, le Roi Louis XIII et son principal Ministre Richelieu offre leur confiance à Antoine Coiffier-Ruzé, le marquis d’Effiat qui sera le Gouverneur d’Auvergne. Jusqu’à sa mort en 1632, le marquis sera un actif commanditaire d’art dans le bourbonnais.
Portrait d’Antoine Coiffier-Ruzé, marquis d’Effiat (XVIIème siècle)
Avant les Guerres de Religion, une famille est au sommet de sa puissance : la Maison de Montmorency. Devenu Duc de Montmorency en 1614, Henri II épouse Marie-Félicie des Ursins en 1612. Maréchal de France, il s’associe avec Gaston d’Orléans, le frère du Roi, dans l’opposition contre le Cardinal de Richelieu. Il sera exécuté le 30 octobre 1632. Au décès de son époux, Marie-Félicie des Ursins quitte Chantilly pour se retirer à Moulins.
Portrait de Madame de Montmorency (1625), Daniel Dumonstier
Femme pieuse et ouvertes à la charité et aux bonnes œuvres, elle sera influente dans la politique et soutiendra les communautés religieuses de Moulins. Elle fera transférer la dépouille de son mari peu de temps avant de prendre le voile. Marie-Félicie, devenue sœur Marie-Henriette, deviendra supérieure du monastère de la Visitation, elle y décède le 5 juin 1666.
L’ancienne Duchesse de Montmorency et d’autres fameux personnages vont redonner vigueur aux arts dans la région (peinture, sculpture ou encore architecture).
Dans le même temps, à l’échelle nationale, Jean-Baptiste Colbert est ministre du Roi Louis XIV. Après la fondation de l’Académie Royale de Peinture, Colbert fonde l’Académie de France à Rome, en 1666.
Portrait de Jean-Baptiste Colbert, École de Philippe de Champaigne
Piété ou apparat ?
Les grandes demeures du XVIIème siècle sont l’endroit où l’on affiche avec exagération son statut social eu travers des œuvres acquises. Le bon goût est d’afficher des scènes de cultures (mythologie, littératures) dans les salons ou plus encore dans les galeries où ont lieu des fêtes. Le marquis d’Effiat n’est pas en reste de cette pratique, le faste qu’il développe est un art de vivre enivrant dans ses nombreuses demeures où les commandes d’art sont exposées. Bien entendu, il fait travailler les meilleurs artistes que l’on peut trouver.
Angélique fait monter Médor sur le cheval d’un berger (1620-1630)
Les grandes commandes du baroque sont tournées vers des sujets religieux. En effet, la noblesse et la bourgeoisie veut orner la chapelle du domaine, la chapelle familiale dans l’église du coin ou encore faire don d’œuvres d’art aux communautés religieuses.
Il est évident que l’on acquiert des œuvres religieuses pour faire offrande ou montrer sa dévotion pour tenter d’assurer le salut de son âme. Dans l’ancienne église Sainte-Claire d’un couvent de Moulins se trouvait Le Martyre de saint Étienne, une œuvre de Jean Richier. La famille Richier est une « dynastie » de peintre qui officiant dans temps où la Maison de Bourbons régnait. Jean peint cette œuvre pour en orner la chapelle où reposaient ses ancêtres.
Le Martyre de Saint Étienne (1602), Jean Richier
L’on retrouve également des commandes effectuées pour orner des maîtres-autels comme pour celui de l’église des Cordeliers de Montluçon, commune marquée par les Ducs de Bourbon. Le commanditaire offrira l’œuvre à l’église dans laquelle il se fera inhumer.
Le Couronnement de la Vierge (1627), Jean Boucher
Entre Paris et le Bourbonnais
Paris est la capitale du Royaume et avec la présence du Roi, il est évident que les artistes gravitent autour de la ville. Cependant, la province peut solliciter le concours d’artistes. La Duchesse de Montmorency sollicitera Rémy Vuibert, élève de Simon Vouet et connaissance Nicolas Poussin, deux grands noms de l’époque. Vuibert offre à Moulins sa dernière œuvre, une merveille, le plafond de la chapelle de la Visitation, en 1652. Il peint également d’autres formats comme l’œuvre suivante.
Moïse sauvé des eaux, Rémy Vuibert
Autre artiste de l’époque, Laurent de la Hyre, exporte ses œuvres dans le Bourbonnais, il faut dire qu’à l’époque les artistes se déplacent en fonction de leurs chantiers.
Panthée conduite devant Cyrus (1631-1634), Laurent de la Hyre
L’on trouve également des œuvres d’autres artistes venus spécialement d’Italie pour la Duchesse de Montmorency comme Jean-Baptiste, artiste dont l’on ne sait que peu de choses. Elle commande une paire de tableaux pour le couvent de la Visitation dans le thème de Saint Joseph : Le Mariage de Joseph et La Mort de Joseph.
Le Mariage de Joseph (XVIIème siècle), Jean-Baptiste
Le même peintre réalise une allégorie intéressante concernant l’ordre de la Visitation. Elle replace la fondation de l’ordre sur le Golgotha au pied du Christ en croix, l’on y aperçoit Saint François de Sales à gauche.
La Fondation spirituelle de l’ordre de la Visitation (XVIIème siècle), Jean-Baptiste
Les peintres du Bourbonnais
Quelques sculptures se glissent parmi les commandes du Bourbonnais, certaines en pierre, d’autres en bois.
Saint-Georges (XVIIème siècle), entourage de Thomas Regnaudin
Installé à Moulins avec son frère, Jean Deloisy peint pour la noblesse de la ville. En témoigne la Pietà offerte au Prieuré de Souvigny par Jean de Champfeu, auguste Trésorier de France au bureau de Moulins, puis Maire de Moulins. De noblesse, Champfeu fait apposer son blason au bas de l’œuvre.
Pietà (1613), Jean Deloisy
Un portrait d’un peintre est également présent, il s’agit de Pierre de Sève, l’un des huit enfants d’un peintre de Moulins. Figure artistique importante du Bourbonnais, Pierre partira étudier à l’Académie Royale en 1640, il travaillera à Versailles puis à la Manufacture des Gobelins.
Portrait de Pierre de Sève (XIXème siècle), Marie Joséphine Nicolas
Son père Gilbert de Sève a laissé quelques œuvres, avec pour certaines la thématique de la Vierge.
L’Assomption de la Vierge (1626), Gibert Ier de Sève
L’exposition Trésors du Baroque du Musée Anne de Beaujeu de Moulins, permet d’apporter un regard nouveau sur la province Bourbonnaise mais également de comprendre la circulation des artistes et le fait que la capitale ne fut pas le seul foyer d’art de cette période.
Sainte Marie-Madeleine (XVIIème siècle)