Chefs-d’œuvre de la Collection Torlonia

Le Musée du Louvre nous offre une nouvelle fois la possibilité de découvrir des chefs-d’œuvre nous permettant d’avoir accès à une époque au travers de ses œuvres.

La collection Torlonia

En 1800, la collection de Bartolomeo Cavaceppi est mise en vente. Giovanni Torlonia acquiert une centaine d’œuvres. Au gré des fouilles et des acquisitions, la collection Torlonia s’étoffe. Alessandro Torlonia achète la Villa Albani, propriété d’un ancien Cardinal, en 1866.

Portrait d’Alessandro Torlonia (vers 1840), Natale Carta

Portrait d’Alessandro Torlonia (vers 1840), Natale Carta

En 1893, la famille Torlonia ouvre pour la première fois une partie de ses collections aux visiteurs dans son Palais de Rome. Il faut attendre 2014 pour que le descendant des Torlonia, Alessandro II Torlonia, crée la Fondation Torlonia dont la mission et de protéger et de rendre accessible les 620 sculptures et sarcophages de la plus grande collection privée d’Antiques Romains.
L’exposition débute par une formidable Statue de Bouc. L’œuvre devait orner une riche demeure domaine. Cette œuvre fut restaurée au XVIIème siècle par Le Bernin. En effet, parmi la collection l’on découvre des œuvres ayant eu droit à une restauration à diverses époques, nous permettant de pouvoir continuer à les contempler.

Il Caprone (début du IIème siècle après JC), Collection Torlonia

Il Caprone (début du IIème siècle après JC), Collection Torlonia

Sculptures romaines : le portrait

La sculpture de l’art antique romain comprend les portraits. La collection Torlonia est dotée de nombreux bustes qui permettent d’ouvrir sur l’histoire romaine.
Démarrons notre voyage avec ce portrait d’une jeune fille : La Fanciulla di Vulci. Produit au Ier siècle avant JC, soit à la fin de la République, elle est un témoignage précieux du savoir-faire de l’époque entre géométrie délicate et gracieuse ainsi que la fraîcheur de la composition donnent un souffle de vie à cette œuvre. Elle fût autrefois ornée d’une coiffure enrichie d’or et de pierres précieuses.

La Fanciulla di Vulci (Ier siècle avant JC), Collection Torlonia

La Fanciulla di Vulci (Ier siècle avant JC), Collection Torlonia

Aquilia Severa est un chef d’œuvre du IIIème siècle qui met en avant les expression de la femme, sa sensibilité et sa délicatesse. Sa coiffure est très soignée et témoigne de la mode de l’époque. Le travail sur la tunique est admirable tant il est réaliste, notamment l’enroulement sur le bras retenue par cette main au poing serré.

Aquilia Severa (début du IIIème siècle après JC), Collection Torlonia

Aquilia Severa (début du IIIème siècle après JC), Collection Torlonia

D’Auguste à Septime Sévère, les portraits nous font accéder à l’histoire des Empereurs. Le besoin de l’époque d’une représentativité et d’individualité permet sans doute d’avoir accès aux aspirations de la société d’alors. L’on peut évidemment se poser la question de l’idéalisation ou du réalisme des Empereurs qui sont représentés. L’art est politique, les bustes viennent véhiculer l’image de l’Empereur, tel nos réseaux sociaux.
Le fils adoptif de César, Caius Octavius est présent dans la collection. Mettant fin à la guerre civile, le Sénat lui octroie le pouvoir impérial avec le titre d’Auguste en 27 avant JC, date du début de son règne. Il est le premier Empereur de Rome, sa personne sera donc idéalisée. A cet effet, ses traits incarnent la douceur, surmontés d’un cou puissant et de cheveux ondulés et ordonnés : il est la perfection incarnée. Il est intéressant de noter que ce type de représentation est empruntée à la Grèce antique.

Portrait d’Auguste (15 avant JC), Collection Torlonia

Portrait d’Auguste (15 avant JC), Collection Torlonia

Le portrait suivant est celui d’un vieil homme âgé qui pourrait être celui de l’Empereur Galba qui règne à partir de juin 68 après JC pour seulement quelques mois, à la suite de Néron. La beauté de l’âge est ici représentée : les rides nombreuses et profondes, un visage dès plus austère sans doute composé de sagesse. En l’observant, on a l’impression d’être face à une masque de cire tant la vie est présente dans cette œuvre.

Le vieillard d’Otricoli (Ier siècle avant JC), Collection Torlonia

Le vieillard d’Otricoli (Ier siècle avant JC), Collection Torlonia

Souventes fois, les bustes sont produits à partir de statues dans le but d’être posée dans des espaces d’habitations personnelle. Sans doute est-ce le cas de ce buste d’Hadrien dont le regard semble percé l’ensemble de nos secrets et renforcer l’idée de puissance de Rome. Rappelons que l’Empereur Hadrien règne de 117 à 138 après JC. Outre les yeux pénétrants, le visage est renforcé par la barbe ondulée tout comme les cheveux faisant penser à une production grecque. Le portrait est sans doute officiel car Hadrien porte sur sa tunique une cuirasse dont on aperçoit les bretelle.

Hadrien (130 après JC), Collection Torlonia

Hadrien (130 après JC), Collection Torlonia

Septime Sévère monte sur le trône en 193 après JC. L’Empereur est représenté avec la toge contabulata, à la mode à la fin de l’Empire. La douceur d’Auguste se retrouve ici, les traits sont délicats, la barbe et la moustache sont soignées.

Septime Sévère (vers 203 après JC), Collection Torlonia

Septime Sévère (vers 203 après JC), Collection Torlonia

L’art de la copie

A mesure que l’art se diffuse, la copie devient assez répandue. Des techniques de mesures existent, des modèles en plâtre sont créer grâce à des empreintes. Si cette technique peut apparaître comme un emprunt peu honnête de la capacité créatrice d’un artiste, elle nous permet de conserver une trace de chef d’œuvres aujourd’hui disparu mais également de pouvoir restaurer des œuvres originales en s’appuyant sur les copies
 
Thème relativement classique, l’athlète sculpté en Grèce sera copié par les romains. La copie de l’œuvre peut être accessible à un prix moindre et également bénéficier à de nombreux romains.

Statue d’athlète (copie du début du IIème siècle après JC), Collection Torlonia

Statue d’athlète (copie du début du IIème siècle après JC), Collection Torlonia

Les statues féminines comme Hestia Giustiniani sont également largement copiées. Le chef d’œuvre grecque fut copié dans un atelier en Campanie. En Italie fut retrouvé des copies en plâtres qui auront sans doute servies à produire des copies.

Hestia Giustiniani (copie romaine de l’époque de l’Empereur Hadrien), Collection Torlonia

Hestia Giustiniani (copie romaine de l’époque de l’Empereur Hadrien), Collection Torlonia

La copie permet aussi de reproduire un personnage important dans l’antiquité : le philosophe. Les aristocrates romains sont friands de ses œuvres copiées provenant des représentations des écoles philosophiques grecques. L’on remarque le manteau et l’effet complexe du drapé.

Chrysippe Cesarini (copie romaine du Ier siècle après JC), Collection Torlonia

Chrysippe Cesarini (copie romaine du Ier siècle après JC), Collection Torlonia

La Caryatide est également une œuvre largement copiée. Une statue de femme qui sert de support d’architecture dans les bâtiments importants. Cette œuvre-ci est copiée d’un sanctuaire grecque d’Éleusis.

Caryatide (copie romaine du Ier siècle après JC), Collection Torlonia

Caryatide (copie romaine du Ier siècle après JC), Collection Torlonia

La sculpture grecque

Devant le succès de leurs sculptures, nombres de sculpteurs grecs exercent leur profession à Rome à partir du IIème siècle avant JC. La reprise de formes anciennes mélangées entre elles va créer une nouvel art. L’art romain impliquera de nombreuses références à l’art grec qui est une de ses composantes.
Œuvre importante allant dans ce sens présente dans la collection Torlonia : Tazza Albini, le vase aux travaux d’Hercule. Sur un pied en granit oriental, un bassin de marbre est posé. La dimension importante de l’œuvre en fait une pièce d’exception qui a dû être présente dans des demeures d’exception ou des lieux de culte. Le bassin est entouré d’une frise représentants les travaux d’Hercule en alternance avec des paysages et des figures grecques. Le bord est moderne et l’œuvre a sans doute été restaurée à un moment de son histoire mais elle reste une pièce fastueuse qui marque une grande époque.

Tazza Albini, Collection Torlonia

Tazza Albini, Collection Torlonia

L’art grec va connaître une évolution pour « plaire » à ses commanditaires romains. N’oublions pas que cet art a vocation à être présent dans les demeures de l’élite romaine qui fut sans doute relativement exigeante en termes de modernité mais également de représentativité de la société romaine. 
Le satyre retrouvé à Herculanum, qui est une copie, montre un goût prononcé pour une physionomie toute étudiée, la chevelure et la barbe ayant un rôle à tenir. Malgré tout, il faut noter que ce satyre ivre a été restauré dans une idée de satyre dansant, ce qui en perturbe le message.

Tête de satyre (copie d’une œuvre grecque du IIème siècle avant JC), Collection Torlonia

Tête de satyre (copie d’une œuvre grecque du IIème siècle avant JC), Collection Torlonia

Une autre œuvre d’importance mérite d’être mentionnée : Ulysse sous un mouton. Groupe statuaire très intéressant qui présente un mouton qui fait figure de force et de virilité qui transporte le héros Ulysse.

Groupe d’Ulysse et le mouton (copie d’une œuvre grecque du IIème siècle avant JC), Collection Torlonia

Groupe d’Ulysse et le mouton (copie d’une œuvre grecque du IIème siècle avant JC), Collection Torlonia

Copie d’une œuvre provenant du sanctuaire de Paix de l’Empereur Vespasien, le Nil de Torlonia est une œuvre de grande taille réalisée en marbre coloré qui montre aussi l’usage de cette matière noble et très coûteuse. Notons la présence du petit crocodile à la mâchoire bien ouvertes le sphinx figure virile égyptienne.

Nil Barberini (Ier siècle après JC), Collection Torlonia

Nil Barberini (Ier siècle après JC), Collection Torlonia

Le renouveau par la sculpture romaine

Les besoins d’art et la mode font que la sculpture va encore évoluer. L’art romain va se pencher vers plus de symétrie vers un grand répertoires de motifs symboliques ou non dans l’idée de représenter une action, un moment particulier.
L’émergence de perspectives réalistes permet à la fois de témoigner d’une époque, d’un lieu mais également de rendre compte de la société romaine.
La représentation du port de Rome, bâti à partir de 42 après JC par l’Empereur Claude pour résoudre des problèmes d’approvisionnement de Rome, ci-dessous montre l’application de ces nouvelles dispositions. L’œuvre en marbre blanc datée du début du IIIème siècle nous offre de nombreux symboles comme celui de la Louve allaitant Remus et Romulus sur la voile du navire, le phare accueillant les marins ou encore la figure de Neptune. Bien que très parlante, l’œuvre laisse apparaître quelques traces résiduelles de polychromie qui suppose que l’œuvre fût colorée.

Figuration du Portus Augusti (début du IIIème siècle après JC), Collection Torlonia

Figuration du Portus Augusti (début du IIIème siècle après JC), Collection Torlonia

A partir du IIème siècle après JC, les commanditaires se font inhumés dans des sarcophages ce qui lance un nouvel art et permet de laisser des récits plus ou moins symboliques de la vie de tel ou tel personnage de l’élite. Le sarcophage, ci-dessous, montre un cortège suivant un magistrat et son épouse. Le cortège symbolise l’accomplissement de la vie du Sénateur.

Sarcophage (250-260 après JC), Collection Torlonia

Sarcophage (250-260 après JC), Collection Torlonia

Un mélange de style permet d’obtenir cette scène de boucherie. On remarque aisément le travail du relief et du réalisme mais l’on suppose que c’est également le témoignage d’une corporation, celle des bouchers, mais également le niveau social qui est questionné dans ce relief.

Relief d’une scène de boucherie (IIème siècle après JC), Collection Torlonia

Relief d’une scène de boucherie (IIème siècle après JC), Collection Torlonia

Nous terminons notre visite dans le monde antique avec le sarcophage d’un centurion. Les rouleaux qui sont attaché au couple nous les présentent comme des gens de cultures. Parallèlement, l’homme est représenté comme l’un des Sept Sages et son épouse comme l’une des neuf Muses. Alors que le portrait de l’homme est achevé et pourrait être réaliste, celui de son épouse n’a jamais été sculpté, ce qui nous en laisse penseur quant à notre compréhension de cette époque et nous laisse poser des hypothèses liées aux connaissances de l’art de notre époque qui malgré ses nombreuses avancées ne peut retranscrire fidèlement la pensée d’une société disparue, mais peut essayer d’en retrouver les indices.

Sarcophage du Centurion Lucius Pullius Peregrinus (IIIème siècle après JC), Collection Torlonia

Sarcophage du Centurion Lucius Pullius Peregrinus (IIIème siècle après JC), Collection Torlonia