Galerie Borghèse – exposition de chefs-d’œuvre

Au XIIIème siècle, Tiezzo de Monticiano, un marchand de laine, fait son commerce au sein de la République de Sienne. Alors que le pouvoir des Médicis croit dans toute la Toscane, Agostino Borghèse se fait remarquer lors de la guerre Sienno-Florentine. Il sera nommé Comte Palatin par le Pape Pie II. L’ascension se poursuit avec Pietro Borghèse nommé Sénateur de Rome par le Pape Léon X. 
La destinée des Borghèse sera finalement écrite à partir de 1541, date à laquelle la famille arrive à Rome. Ainsi, le 16 mai 1605, Camillo Borghèse devient le 233ème successeur de Saint-Pierre sous le nom de Paul V. Dès lors la famille se voit agrémentée de hautes fonctions : général de l’armée papale, Cardinal, mariages, …

Portrait du Pape Paul V (1621), Marcello Provenzale, Galerie Borghèse, Rome

Portrait du Pape Paul V (1621), Marcello Provenzale, Galerie Borghèse, Rome

La Galerie Borghèse, l’ambition d’un Cardinal

La famille Borghèse acquiert une terre au nord de Rome pour bâtir son palais : la Villa Borghèse. Le chantier débute en 1607 avec pour architecte Flaminio Ponzio. Les travaux seront achevés en 1613.
Scipion Borghèse est nommé Cardinal par son oncle le Pape Paul V, il est partie prenante du gouvernement des États Pontificaux mais surtout la position va lui permettre un enrichissement des plus important. Le Cardinal Borghèse est passionné par l’art et il va se servir de sa position et des largesses de son oncle pour étoffer les maigres œuvres reçues en héritage. Dans le début des seize années du Pontificat de Paul V, en 1607, le peintre appelé Le Cavalier d’Arpin qui travaille sur des commandes du pontifie est arrêté et 105 œuvres seront saisis dans son atelier, le Cardinal se voit offrir l’ensemble des œuvres.
Parmi les œuvres saisies, l’œuvre d’un jeune Lombard, qui fut employé dans l’atelier du Cavalier d’Arpin, deviendra l’un des chefs-d’œuvre de la Galerie Borghèse : Garçon à la corbeille de fruit du Caravage. Le jeune homme pourrait être un vendeur de fruit, une divinité païenne ou encore une allégorie de la jeunesse que va représenter le jeune Caravage dans une certaine sensualité. L’abondance et la vitalité sont soulignés par la corbeille et l’épaule dénudée ou les yeux mi-clos sont au service d’une certaine sensualité.

Garçon à la corbeille de fruits (1596), Caravage, Galerie Borghèse, Rome

Garçon à la corbeille de fruits (1596), Caravage, Galerie Borghèse, Rome

Bien que Caravage sera exilé par Paul V, le Cardinal s’intéresse à son œuvre ainsi qu’au caravagisme que l’on peut aisément retrouver chez d’autres artistes de l’époque. Gerrit van Honthorst propose l’œuvre Concert qui fait figurer le clair-obscur, de la couleur, de la fantaisie ainsi qu’une corbeille de fruit rappelant l’œuvre du Caravage La diseuse de bonne aventure peinte en 1595 à Rome.

Concert (1620-1630), Gerrit van Honthorst, Galerie Borghèse, Rome

Concert (1620-1630), Gerrit van Honthorst, Galerie Borghèse, Rome

Le Bernin dans la Galerie Borghèse

La collection intègre nombre d’artistes fameux dont Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin. Artiste connu et reconnu dès ses jeunes années par le Pape Paul V, il va travailler en tant que sculpteur pour les commandes pontificales. Il n’est donc pas surprenant que le Cardinal Borghèse prenne l'artiste sous son aile. Sculpteur de talent, Le Bernin va également s’adonner à la peinture et peindre des portraits dans lesquels les expressions et les émotions montrent un aspect psychologique d’importance.

Portrait d’un jeune garçon (1623-1624), Le Bernin, Galerie Borghèse, Rome

Portrait d’un jeune garçon (1623-1624), Le Bernin, Galerie Borghèse, Rome

Parmi les nombreuses peintures que Le Bernin aurait réalisées entre les années 1620 à 1640, il en est une qui mérite notre attention : Autoportrait à l’âge mûr. L’artiste y est âgé d’une quarantaine d’années, son buste est placé sur un fond abstrait. L’œuvre est intense : le regard est profond et énergique, les traits montrent le vieillissement de l’artiste. L’habit du peintre est simple pour laisser le spectateur se concentrer sur le visage, un style qui n’est pas sans rappeler les artistes espagnols contemporains du Bernin.

Autoportrait à l’âge mur (1638-1640), Le Bernin, Galerie Borghèse, Rome

Autoportrait à l’âge mur (1638-1640), Le Bernin, Galerie Borghèse, Rome

Les Écoles de Venise et de Florence

Les collections modernes du Cardinal doivent faire montre du pouvoir de sa famille l’on va donc y mêler l’Antiquité, la Renaissance et les œuvres contemporaines dans un mélange fait pour le plaisir des yeux. Tout au long de sa vie, le Cardinal va acquérir des centaines d’œuvres qui seront transmises aux générations de Borghèse à venir. Comme ses contemporains, le Cardinal est amateur de l’art italien de la Renaissance. Deux Écoles principales seront présentes dans la collection Borghèse : l’École de Venise et celle de Florence.
Maître Vénitien, Véronèse est présent dans la collection. La prédication de Saint Jean Baptiste est l’une des premières acquisitions du Cardinal. Haute de deux mètres, elle est occupée par le saint au corps basculé dans un mouvement présentant le Christ. Les couleurs vives et le dynamisme de l’œuvre sont typiques du maniérisme vénitien. Le déséquilibre de l’œuvre va créer un éventail fixant plusieurs scènes en une seule.

La Prédication de saint Jean Baptiste (1562), Véronèse, Galerie Borghèse, Rome

La Prédication de saint Jean Baptiste (1562), Véronèse, Galerie Borghèse, Rome

Jacopo Bassano, maître vénitien est également présent dans les collections avec La Cène. Le sujet est classique mais le traitement de l’artiste avec les codes du XVIème siècle rend la Cène plus familière, même chaleureuse. En effet, Bassano use d’une lumière douce et chaude, de couleurs vives, le repas semble avoir été simple et les apôtres habillés en pêcheurs auxquels les fidèles peuvent s’identifier. Notons aussi la présence d’animaux.

La cène (1547-1548), Jacopo Bassano, Galerie Borghèse, Rome

La cène (1547-1548), Jacopo Bassano, Galerie Borghèse, Rome

Parallèlement, le Cardinal possède également des œuvres de l’École Florentine. Sandro Botticelli est présent dans la collection, avec notamment un tondo représentant La Vierge à l’Enfant avec saint Jean Baptiste enfant et six anges. A la tête d’un atelier, Botticelli est l’artiste le plus célèbre du Florence de l’époque. Le raffinement des oeuvres de Botticelli correspond au goût des Médicis : la qualité des visages, les couleurs bien employées et la beauté idéale.

Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste enfant et six anges (1488-1490), Sandro Botticelli, Galerie Borghèse, Rome

Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste enfant et six anges (1488-1490), Sandro Botticelli, Galerie Borghèse, Rome

Parmi les œuvres du Cardinal, l’on trouve un chef-d’œuvre de Raphaël : La Dame à la Licorne. Si l’œuvre nous paraît lisible, elle est le fruit de nombreux repeins. Toutefois, le statut social de l’inconnue est élevé comme le montre ses bijoux ou ses vêtements à la mode florentine. L’artiste peint ce portrait au début de sa carrière, sans doute en inspiration des œuvres de Léonard de Vinci. La Joconde pourrait être reprise dans cette composition : l’architecture simple, l’arrière-plan et la posture de l’inconnue.

La Dame à la Licorne (1506), Raphaël, Galerie Borghèse, Rome

La Dame à la Licorne (1506), Raphaël, Galerie Borghèse, Rome

D’autres œuvres de la Renaissance italienne vont figurer dans la collection. Gardons à l’esprit que le Cardinal choisit ses œuvres pour leur qualité artistique et non pour leur complexité, l’émotion est plus vivement suscitée que la reflexion. De fait, les sujets profanes pourront entrer dans sa galerie malgré son statut de Cardinal. 
Ainsi, en 1617, Scipion Borghèse acquiert Sibylle du Dominiquin. Rappelons que dans la mythologie grecque une sybille est une prêtresse d’Apollon ayant un don divinatoire, elles sont au nombre de douze. L’œuvre, avec le violon et la partition, ouvre la voie au monde de la musique, une des passions du Cardinal.

Sibylle (1617), Dominiquin La cène (1547-1548), Jacopo Bassano, Galerie Borghèse, Rome

Sibylle (1617), Dominiquin La cène (1547-1548), Jacopo Bassano, Galerie Borghèse, Rome

Les portraits

Les arts italiens du Quattrocento et du Cinquencento cherche à mettre en l’individualité de chaque personne représentée. De fait, le portrait est d’une grande importance. Le Portrait d’homme de Francesco Mazzola dit Parmesan montre cette individualité au travers des traits du visages, de la couleur des pommettes, de l’habit montrant la condition sociale, …

Portrait d’homme (1528), Parmesan, Galerie Borghèse, Rome

Portrait d’homme (1528), Parmesan, Galerie Borghèse, Rome

L’art sacré

La Contre-Réforme Catholique engendre une transformation profonde de Rome : nouvelles églises, chantiers importants dans la ville avec de nouvelles place autour des monuments catholiques. L’art sacré autrefois réservé aux églises va sortir pour aller vers les intérieurs mêlés aux autres thèmes de l’art. 
Andrea Solario représente le sacré dans un style typiquement Renaissance aux influences de Léonard de Vinci dont il fut l’un des peintres.

Le Christ portant la Croix (1524), Andrea Solario, Galerie Borghèse, Rome

Le Christ portant la Croix (1524), Andrea Solario, Galerie Borghèse, Rome

Dans un style relevant d’influences du nord dont Albrecht Dürer, Lorenzo Lotto est présent au sein de la Galerie Borghèse dans sa représentation d’une « conversation sacrée ». Sur un fond noir, l’Enfant Jésus est porté par sa mère et se penche vers le martyr saint Ignace qui lui offre son cœur de l’autre côté l’on retrouve Saint Onuphre un ermite dont la simplicité vestimentaire tranche avec le saint martyr. La couleur lumineuse et les expressions tout comme le mouvement de Jésus en font une œuvre dynamique. Le choix des personnages aura sans doute incarné un choix du commanditaire en accord avec la Contre-Réforme.

Vierge à l’Enfant avec les saint Ignace et Onuphre (1508), Lorenzo Lotto, Galerie Borghèse, Rome

Vierge à l’Enfant avec les saint Ignace et Onuphre (1508), Lorenzo Lotto, Galerie Borghèse, Rome

Annibal Carrache est considéré comme un des artiste du renouveau de la peinture italienne. Il met en avant un style différent vers le classicisme, vers l’esthétique comme dans la Sainte Famille.

Sainte Famille (1605), Annibal Carrache, Galerie Borghèse, Rome

Sainte Famille (1605), Annibal Carrache, Galerie Borghèse, Rome

Le Baroque du corps

À la faveur du Pape Borghèse, l’art n’est plus aussi austère mais s’enrichit d’émotions et de la représentation du corps humain.
De fait, le Cardinal acquiert La Flagellation du Christ, une œuvre du Titien. L’œuvre se réduit à quelques caractéristiques importantes telles que la lumière sur le corps torturé du Christ, le physique athlétique, le regard tourné vers le Ciel et surtout l’héroïsme d’un christ qui ne se soumet pas.

La Flagellation du Christ (1568), Titien, Galerie Borghèse, Rome

La Flagellation du Christ (1568), Titien, Galerie Borghèse, Rome

Annibal Carrache se retrouve dans les collection avec Samson enchaîné. Le prisonnier est ici représenté en héros aux mains liées dont le corps est totalement offert au spectateur. Un physique puissant qui s’impose et qui rappelle d’autres œuvres contemporaines de l’artiste.

Samson enchaîné (1594), Annibal Carrache, Galerie Borghèse, Rome

Samson enchaîné (1594), Annibal Carrache, Galerie Borghèse, Rome

L’Amour

La galerie Borghèse accueille également des œuvres représentant l’amour, la sensualité et l’érotisme. Le sujet bien que profane se retrouve dans la collection du Cardinal dans une époque d’exhumation, de redécouverte de nu antiques dans les chantiers.
La Cardinal Sfondrati, neveu du Pape Grégoire XIV offre, en 1608, au Cardinal Borghèse, Vénus bandant les yeux de l’Amour du Titien est une des pièces maîtresse du Palais Borghèse. Les couleurs chaudes et les effets lumineux produits un effet esthétique qui ne pouvait que plaire au Cardinal. Le style est maîtrisé et exceptionnel. L’œuvre mélange des thèmes mythologiques dans une époque où les mythes, les symboles et la littérature sont prépondérants.

Vénus bandant mes yeux de l’Amour (1565), Titien, Galerie Borghèse, Rome

Vénus bandant les yeux de l’Amour (1565), Titien, Galerie Borghèse, Rome

La mythologie et ses héroïnes est également présente avec deux toiles du même artiste : Michele di Ridolfo del Ghirlandaio. Fortement influence par l’œuvre de Michel-Ange, l’artiste met les corps en tensions, appose des couleurs fortes et s’applique sur les drapés. Léda est peinte avec des couleurs chaudes parée de bijou et d’une coiffure complexe.

Léda (1565-1570), Michele di Ridolfo del Ghirlandaio, Galerie Borghèse, Rome

Léda (1565-1570), Michele di Ridolfo del Ghirlandaio, Galerie Borghèse, Rome

Lucrèce, quant à elle, est peinte dans des couleurs plus froides peut-être pour représenter la vertu, le pinceau est plus net et les détails plus expressifs.

Lucrèce (1560-1570), Michele di Ridolfo del Ghirlandaio, Galerie Borghèse, Rome

Lucrèce (1560-1570), Michele di Ridolfo del Ghirlandaio, Galerie Borghèse, Rome

Autre chef-d’œuvre de la collection : La Fornarina de Raphaël. Le modèle aurait été la maîtresse de l’artiste, la fille d’un boulanger d’où le nom de l’œuvre. Sa pose en Vénus et sa main couvrant pudiquement son sein s’inscrit dans le registre antique pour faire montre de sensualité et d’amour entre le modèle et celui qui la représente.

La Fornarina (1520), d’après Raphaël, Galerie Borghèse, Rome

La Fornarina (1520), d’après Raphaël, Galerie Borghèse, Rome

Le Cardinal Scipion Borghèse, qui sera membres du gouvernement pontifical montre dans ses collection une certaine liberté. Si les œuvres sacrées ne sont pas surprenantes dans sa collection, les œuvres profanes sont moins attendues et révèlent différentes facettes de l’homme. Rappelons qu’il attache plus de valeur à l’esthétisme qu’a l’intellect, ce qui permettra une telle diversité dans la collection Borghèse. Cette collection reste également l’occasion d’admirer nombre d’artistes de premier plan et de chefs-d’œuvre. Scipion nous emmène donc dans un voyage fait de personnalités d’artistes et de beauté.

Léda et le cygne (avant 1517), d’après Léonard de Vinci, Galerie Borghèse, Rome

Léda et le cygne (avant 1517), d’après Léonard de Vinci, Galerie Borghèse, Rome