Eugène de Beauharnais

Le château de Bois-Préau a choisi le Prince Eugène pour sa réouverture. L’exposition nous permet donc d’appréhender le destin d’un homme qui fait partie de la légende napoléonienne tout en étant relativement peu connu par le grand public.

Jeunesse et premières armes

Eugène de Beauharnais naquit en l’an de grâce 1781. Il est le fils du Vicomte Alexandre de Beauharnais et de Joséphine Tascher de la Pagerie. Entré au Collège d’Harcourt, il revient auprès de son père à la Révolution. Le Vicomte de Beauharnais sera président de l’Assemblée Constituante, lorsque Louis XVI entreprit sa fuite à Varennes, en faisant le premier des Français. Alors Commandant de l’Armée du Rhin, le Vicomte quitte ses fonctions pendant la Terreur … le 5 thermidor an III il sera guillotiné … Joséphine de Beauharnais fût également emprisonné mais retrouvera la liberté grâce au député Tallien.
Alors que tous les enfants de la noblesse doivent trouver un métier, il devient l’apprenti d’un menuisier. Son apprentissage fût cours car il est rapidement placé auprès du Général Hoche en tant qu’officier d’ordonnance. 

Eugène de Beauharnais, François Gérard, 1802

Eugène de Beauharnais, François Gérard, 1802

Au cours du mois d’août 1795, Joséphine rencontre un jeune officier dans le salon de son amie Thérèsa Tallien, la destinée est en marche.
L’officier n’est autre que Napoléon Bonaparte, Eugène alors âgé de 14 ans conservera le souvenir de cette première rencontre où il perçoit en Napoléon le père qui lui manque. Joséphine et Napoléon se marient le 9 mars 1796.
Après quelques mois consacrés aux études militaires, Eugène rejoint son beau-père, alors Commande de l’armée d’Italie, qui le prend à ses côtés en tant qu’aide de camp.

Pendule, Eugène au sein de l'armée d'Italie

Pendule, Eugène au sein de l'armée d'Italie

Il suivit le général Bonaparte dans l’expédition d’Égypte, il y découvre un pays à la culture différente mais également il assiste à des combats rapprochés. Il y éprouvera les privations de nourriture et d’eau. 
Le 20 juillet 1798, il est aide de camp chargé de transmettre les ordres pendant la bataille des Pyramides, en retire un premier aperçu du courage. Ce sont les difficultés liées au stationnement de l’armée en Égypte qui font que Bonaparte se confie à son beau-fils, qui devient son confident en plus d’être son protégé. L’on peut découvrir les sentiments d’Eugène dans ses mémoires, que je vous conseille.
« Eugène, tu vas revoir ta mère », l’échec de l’expédition d’Égypte et la situation française poussent le général Bonaparte à revenir en France. Eugène en fût gravement atteint dans le fait d’abandonner ses camarades mais également par la peur de ne jamais arriver en France à cause des Anglais contrôlant la méditerranée. L’accueil de Bonaparte à Fréjus fut émouvant pour Eugène, à sa suite. 
Du haut de son jeune âge, Eugène est dans la situation qui mène au coup d’état du 18 brumaire qui vient changer sa propre position. Bonaparte devenu Premier consul, Eugène devient Capitaine des chasseurs à cheval de la Garde Consulaire.
En mai 1800, il part à la suite de Bonaparte pour la deuxième campagne d’Italie et traverse par le Saint-Bernard, lui permettant d’étudier les capacités de chef de son beau-père.
Après avoir été nommé chef d’escadron de la Garde Consulaire, Eugène est nommé colonel en 1802 pour ses services. En 1804, il se voit offrir la fonction de Grand Chambellan qu’il refuse préférant poursuivre son service dans l’armée.

Eugène, Vice-Roi d’Italie

Le sacre de Napoléon Ier et les honneurs ne sont que peu de chose pour Eugène qui possède un esprit militaire. Malgré tout, lorsqu’il devient Prince Impérial, cette dignité ne l’enivre pas mais la marque de confiance et de chaleur dont l’Empereur l’honore publiquement ne le laisse pas de marbre.
Au cours du mois de janvier 1802, la république cisalpine devient la république italienne du fait de l’exigence des notables italiens, gouvernée par le Premier Consul.
Napoléon devenu Empereur transforme cette république italienne en Royaume d’Italie. Le 7 juin 1805, Eugène devient Vice-Roi d’Italie et se voit chargé de l’administration de ce Royaume.

Le Vice-Roi Eugène de Beauharnais, François Gérard, 1810

Le Vice-Roi Eugène de Beauharnais, François Gérard, 1810

La tâche n’est pas aisée, ce Royaume étant cerné d’ennemis. Bien qu’étant sous la tutelle de l’Empereur, l’homme de 24 ans ne se dérobe pas et devient infatigable au travail, entouré d’hommes éclairés et des conseils de l’empereur qui est bienveillant avec lui.
L’armée, la police, les services administratifs et toutes les autres nécessités de l’État Italien sont organisés par un Eugène en plein apprentissage du gouvernement. Eugène est tantôt prudent, tantôt offensif à la manière de son beau-père mais avec plus de proximité envers son peuple. 
En 1805, l’Autriche attaque l’Italie sans connaître les mesure prises par Eugène pour défendre son pays, de la défense il passe rapidement à l’offensive. 
Après le triomphe de la campagne de 1805, dont Eugène fut acteur, les positions doivent être renforcées.

Combat de Mautern, Hyppolite Lecomte, 1839

Combat de Mautern, Hyppolite Lecomte, 1839

Pour ce faire, Eugène épouse la Princesse Augusta-Amélie, fille du Roi Maximilien Ier de Bavière.

Mariage du Prince Eugène et de la Princesse Auguste Amélie de Bavière, François-Guillaume Ménaceot, 1806

Parallèlement à cela, l’Empereur élève Eugène au rang de Prince de Venise, fils adoptif et Héritier de la Couronne d’Italie.

Auguste Amélie de Bavière, Joseph Stieler, 1820

Auguste Amélie de Bavière, Joseph Stieler, 1820

L’exil après la chute de l’Empire

Eugène participe à toutes les campagnes militaires de Napoléon Ier. En 1812, lors de la malheureuse retraite de la campagne de Russie, il a l’occasion de s’illustrer.

Portrait du Prince eugène de Beauharnais, Butz, 1839

Portrait du Prince eugène de Beauharnais, Butz, 1839

Il commande le 4ème corps de la Grande Armée. La politique de « terre brûlée » de la Russie et l’ordre de retraite de Napoléon donne une situation des plus délicates … La défaite est consommée, déjà Napoléon regagne la France pour recruter de nouvelles troupes et Eugène perd toutes les troupes du 4ème corps ce qui ne l’empêche pas de poursuivre la lutte. Il réunit habillement les débris de la Grande Armée afin d’organiser une retraite ordonnée. Les troupes Russes épuisées par les combats laisse l’armée française partir …

Buste d'Eugène de Beauharnais, 1826

Buste d'Eugène de Beauharnais, 1826

Il évite les batailles rangées jusqu’au 9 mars à Leipzig pour tenir l’Elbe. Le comportement irréprochable, le courage et la bravoure seront récompensées par un mot de l’Empereur : « Nous avons tous commis des fautes. Eugène est le seul qui n’en ait pas fait. ».
L’année suivante, 1813, est marquée de difficulté pour Eugène. En effet, il rentre en Italie où la défense des frontières est rendue difficile par la campagne d’Allemagne qui ne fut pas bénéfique à l’Empereur. D’un côté, l’Empereur le pousse à attaquer frontalement les Autrichiens et d’un autre côté son beau-père, le Roi de Bavière, le pousse à trahir Napoléon, la place est difficile et Eugène tente de rester loyal envers les deux partis ce qui ne lui donnera que défiance de la part des deux camps. 
Alors que la situation est un échec généralisé et que Napoléon négocie son abdication, en mai 1814, l’ex-Impératrice Joséphine, la mère d’Eugène, reçoit le Tsar Alexandre de Russie à toutes fins de pouvoir assurer l’avenir de ses enfants en marge de la chute de l’Empire et de l’Empereur.

L'Impératrice Joséphine reçoit à la Malmaison la visite de l'Empereur Alexandre à qui elle recommande ses enfants, Hector Viger, 1864

L'Impératrice Joséphine reçoit à la Malmaison la visite de l'Empereur Alexandre à qui elle recommande ses enfants, Hector Viger, 1864

La malheureuse situation se dégrade encore quand Joséphine contracte une pneumonie dont elle décède le 29 mai 1814. Eugène hérite du château de Malmaison.
Alors que le congrès de Vienne s’ouvre en septembre 1814, Eugène qui a rompu les relations avec l’Empereur espère recevoir une principauté. Dans l’entrefaite, Napoléon fait son retour pour les Cents-Jours qui se terminent par sa seconde abdication après la défaite de Waterloo face aux armées anglaises et prussiennes.
Eugène est débouté de ses ambitions et rejoint son beau-père à Munich. Il obtient le Duché de Leuchtenberg ainsi qu’une vie relativement confortable, il permettant une certaine proximité avec ses enfants.

Les cinq enfants d'Auguste Amélie de Bavière et d'Eugène de Beauharnais, Joseph Stieler, 1816 

Les cinq enfants d'Auguste Amélie de Bavière et d'Eugène de Beauharnais, Joseph Stieler, 1816 

Son mariage avec Augusta Amélie de Bavière fut couronné de bonheur, il en naîtra sept enfants : Joséphine (future Reine de Suède et de Norvège) ; Eugénie (future Princesse de Hohenzollern-Hechingen) ; Auguste (futur Duc de Leuchtenberg et de Santa Cruz, Prince consort du Portugal) ; Amélie (future Impératrice du Brésil) ; Théolinde (future Comtesse de Wurtenberg) ; Caroline et Maximilien (futur Duc de Leuchtenberg et Prince Romanowsky).
Somme toutes, le sang d’Eugène a alimenté l’Europe des Rois et certains de ses descendants continuent de régner, le projet de Napoléon d’inonder l’Europe du sang impérial aura donc réussit grâce à un enfant qui n’est pas de son propre sang.
Le couple prend soin de sa demeure et l’on y retrouve les plus belles créations de l’Empire mais également le faste de la modernité.

Service à déjeuner, Sèvres, 1812

Service à déjeuner, Sèvres, 1812

Eugène ne profitera que peu de sa vie calme en Bavière, il décède le 21 février 1824 d’une crise d’apoplexie à Munich. Alors que le deuil est porté par le Roi de Bavière, le corps du plus fameux des Prince Impériaux est conduit dans un monument à la mesure de ce dernier dans l’église Saint-Michel de Munich.

Eugène de Beauharnais, Joseph Stieler, 1823

Eugène de Beauharnais, Joseph Stieler, 1823