Poitiers : une histoire du Poitou / 1ère partie

De Limonum à Poitiers

Le promontoire actuellement occupé par la ville de Poitiers était déjà occupé avant la prise de la Gaule par les Romains. En effet, la ville alors appelée Limonum est la capitale du peuple des Picton.

Alors que les Romains, commandés par le Proconsul Romain Jules César, lancent une campagne de conquête de la Gaule, les Pictons rejoignent l’armée de Vercingétorix en envoyant 8 000 hommes à Alésia en 52 avant notre ère. Il semblerait que le soutien des Picton à Rome exista avant la Guerre des Gaules. De fait, après Alésia, Limonum entre dans le giron de Rome et sera dirigé par Duratius. La stabilisation romaine dans le Poitou ne fut pas simple : en 51 avant notre ère, le Poitou se soulève contre Duratius, l’allié de Rome et lance un appel au secours à Dumnacus le chef des Andecavis (peuplade d’Angers). Dumnacus assiège donc Limonum et c’est un Lieutenant de César, Caninius Rébilus qui vient au secours de Duratius. Une seconde armée Romaine, celle de Fabius, marche sur le chef des Andecavis en retraite et l’écrase sur la Loire à Saumur. Duratius sous protection de César aura pouvoir de faire battre monnaie et va fait prospérer la cité.

En l’an 27 de notre ère, Limonum est détachée de la province Celtique pour former la province d’Aquitaine.

Limonum

Vestiges de Limonum découvert sous le musée Sainte-Croix, Poitiers

Il semblerait que la ville fut dotée de nombreux bâtiments d’importance :  l’amphithéâtre, dont subsiste des vestiges, mais également des thermes, des temples ont pu être identifiés, notamment en dessous de la Cathédrale actuelle. On dénombre cinq voies romaines partant de Limonum et également trois aqueducs venant apporter de l’eau de source. L’aspect religieux est également présent : les Romains ont pu tolérer les anciennes croyances des Pictons mais des Temples ont également existés dont celui de Mercure, culte important en Gaule, ou encore Hercule, Mars, Vénus, Apollon, … Lors du Ier siècle de notre ère, le nouveau culte, le christianisme, va faire son apparition au sein de la cité avec Saint-Martial puis plus tard avec Grégoire de Tours.

Déesses de l'Abondance

Groupe de deux Déesses de l'Abondance, IIème siècle, Poitiers

Les années 260 et 275 voient apparaître les invasions des Germains, Francs et Vandales, la ville de Limonum va se resserrer sur elle-même et édifier une puissante fortification.

Les conflits religieux prendront fin grâce à Saint-Hilaire qui devient Évêque en 350 et qui de par son zèle à répandre la parole sacrée sera exilé, mais écrira des Traités qui feront sa réputation et avancer la cause catholique. De retour à Poitiers, il fera de son Évêché la terre d’accueil du futur Saint Martin. Il meurt le 13 janvier 368 et sera enseveli dans l’oratoire de Celle.

Le IVème siècle voit la dénomination gauloise Limonum disparaître pour le nom de Poitiers.

Poitiers conserve un témoignage particulier de la chrétienté du Vème siècle : le Baptistère Saint-Jean. Il aurait été bâti sur l’emplacement d’une salle baptismale d’une domus romaine. Même si le débat d’historiens existe entre la catégorisation de ce lieu comme chrétien ou païen, le VIIème siècle verra une clarification par une modification du lieu qui sera adapté à la liturgie chrétienne.

Baptistère Saint-Jean, Poitiers

Baptistère Saint-Jean, Poitiers

Poitiers, au rythme Mérovingien

Poitiers demeure une ville d’importance et sera intégrée bon-gré ou mal-gré au Royaume des Francs réunit sous la bannière de Clovis, sous l’époque mérovingienne. A sa mort, en 511, Poitiers passe dans le giron du Roi d’Orléans puis en la possession de Clotaire, le Roi de Soissons. Alors que Chramme, le fils de Clotaire, fomente un complot contre son père avec son oncle le Roi de Paris Childebert, Poitiers se trouve au centre du jeu politique. La révolte sera de courte durée et Clotaire y mettra fin en 558.

Clotaire est assez brutal et c’est de ce fait que sa quatrième épouse, Radegonde, tient à s’éloigner de lui. Ainsi, elle prend le voile et obtiendra la permission de fonder un monastère à Poitiers. Il faut attendre le 25 octobre 552 pour voir la fin de l’édification de ce monastère capable d’accueillir 200 religieuses. Le destin de Poitiers est à nouveau suspendu aux Rois successifs qui se partagent le Royaume …

Église Sainte-Radegonde, Poitiers

Église Sainte-Radegonde, Poitiers

Le Roi Sigebert sera assez stable et pourra envoyer une ambassade à Constantinople afin d’obtenir un morceau de la Vraie Croix. Saint-Euphrône aura donc l’honneur d’apporter la relique à Poitiers en 568 et dans sa suite, Venance Fortunat, lettré et poète italien, arrive à Poitiers. Il sera touché par l’intelligence, la culture et l’influence de Radegonde dont il deviendra rapidement l’ami, le confident. De fait, Fortunat s’installe à Poitiers, sera élevé prêtre, deviendra le chapelain Radegonde et poursuivra son œuvre littéraire au travers de pieuses biographies et des poèmes éclairés. Le 13 août 587, Radegonde quitte ce monde, son corps rejoindra la crypte de l’église Sainte-Radegonde qu’elle a fait construite. La cérémonie funèbre sera présidée par le célèbre Grégoire de Tours, Évêque de Tours.

Sainte Radegonde

Sainte Radegonde, Poitiers

Alors que Childéric II règne sur le Royaume, le monastère Sainte-Croix connait des affaires légères mêlant des religieuses et des civils … dans ce cadre, Fortunat est élu Évêque de Poitiers en 597. Il dirigera son Évêché fort peu de temps et décède à Poitiers le 14 décembre 600.

Il faut attendre le « règne » de Pépin d’Héristal en tant que Maire du Palais d’Austrasie et ses conflits avec la Neustrie pour qu’Eudes d’Aquitaine n’en profite pour faire reconnaître l’indépendance de Poitiers et de toute l’Aquitaine en 717.

Dans le même temps, Charles Martel fait son œuvre et réunit les territoires sous la bannière franques et fera la guerre à Eudes.

En octobre 732, Eudes et Charles Martel seront réunis contre un ennemi commun : les Sarrazins. Alors que l’ennemi marche sur Tours, c’est à proximité de Poitiers que Charles Martel choisit de combattre et vaincre.

Eudes décède en 735 et Charles Martel envahi l’Aquitaine mais le fils d’Eudes négocie et devient vassal du Roi des Francs. En 742, la vieille monarchie Mérovingienne est à l’agonie et les deux fils de Charles Martel, Pépin et Carloman se partagent l’ensemble du Roi et de ses vassaux, Poitiers tombent sous leur assaut. L’indépendance de l’Aquitaine était belle et bien perdue et c’est en souverain que Pépin séjourne à Poitiers en juillet 768, il en profite pour prendre sous son aile l’abbaye de Saint-Hilaire.

Poitiers sous l’ère des Carolingiens

A la mort de Pépin le Bref, le 23 septembre 768, Charlemagne devient Roi des Francs. Souhaitant en terminer avec les conflits internes et les malheurs de sa terre il légifère et crée les missi dominici qui sont en quelque sorte des Inspecteurs royaux qui vont contrôler les affaires des provinces Impériales, rendre la Justice ou encore limiter les abus des seigneurs dans leurs terres.

Au décès de Charlemagne, son fils Louis devient Empereur. Il confie le Royaume d’Aquitaine à son fils Pépin qui se révolte avec ses frères et kidnappent l’Impératrice Judith qui sera retenue captive à Poitiers entre 830 et 831 au sein du monastère Sainte-Croix.

La paix revenue Judith et le Roi Charles d’Aquitaine resterons à Poitiers où ils apprendront la mort de l’Empereur. Charles le Chauve devra se battre pour conserver ses terres et c’est le 7 juin 844 que son armée est battue, Pépin II devient donc souverain d’Aquitaine par le Traité de Fleury.

Plus que ces dissensions interne, la menace extérieure va se faire des plus menaçante avec notamment les invasions normandes qui vont venir dévaster le Poitou et Poitiers, la seule enceinte romaine ne suffisant pas à repousser l’ennemi il faudra payer rançon pour éviter que la cité ne soit détruite.

L’an 888 voit accéder au trône Eudes, Comte de Paris qui se proclame également Roi d’Aquitaine et va devoir déchoir le Comte Ranulf qui finira empoisonner sans doute sur ordre du Roi.

Ainsi va l’histoire de Poitiers, faite de retournements liés aux hommes et aux batailles, rendez-vous pour la suite de cette formidable histoire dans une seconde partie.