La Tour Jean-sans-Peur

Au départ de la Place des Victoires, l’on accède à la Rue Étienne Marcel. Elle détient son nom d’un ancien prévôt des marchands. Crée en 1868, elle est large de 20 mètres et longue de 702, rejoignant le Boulevard de Sébastopol. Ainsi donc, cette rue est une création de la période des travaux de restructuration de la capital lancés par le Baron Haussmann et qui s’étaleront entre 1853 et 1870.
Dans ce Paris moderne du XIXème siècle, l’on trouve un page d’histoire de la capitale et de la France au numéro 20 de la rue : la Tour Jean-sans-Peur sur le tracé du rempart de Philippe-Auguste dont il nous est parvenu un témoignage.

Rempart de Philippe-Auguste, rue Clovis, Paris

Rempart de Philippe-Auguste, rue Clovis, Paris

Le numéro 20 de la Rue Étienne Marcel nous permet donc de plonger dans un univers perdu, le Paris médiéval dont il ne reste que peu de traces. Les quelques traces restantes étant quelques peu oubliées ou négligées … Cela n’est pas surprenant car l’expérience de Paris ce n’est pas le moyen-âge mais la ville rayonnante de l’Ancien Régime, des fêtes du Second Empire ou encore des Expositions Universelle.

L’hôtel des Ducs de Bourgogne

Il convient de remonter en 880 pour évoquer les Ducs de Bourgogne. En effet, ce duché est issu du Royaume des Burgondes qui se voit aspirer par les Rois Mérovingiens. En 1004, Robert le Pieux, le fils d’Hugues Capet, devient duc de Bourgogne avant de monter sur le trône des Francs. Dès lors, le Duché de Bourgogne est doté de grandes considérations. Trois siècles passent avant que le Duché n’arrive entre les mains de la Maison Valois-Bourgogne. Jean II le Bon futur Roi de France en hérite avant de le transmettre à son propre fils, Philippe le Hardi qui va constituer un véritable État Bourguignon. 
En 1270, Robert d’Artois acquiert une demeure adossée au rempart de Philippe-Auguste.

Rempart Philippe-Auguste, Hôtel de Bourgogne, Paris

Rempart Philippe-Auguste, Hôtel de Bourgogne, Paris

Le 13 juin 1369, Philippe de Bourgogne, dit le Hardi, épouse Marguerite de Flandres à Gand. Ce mariage prestigieux rehausse de Duché de Bourgogne en état puissant. En 1384, Louis de Male Comte d’Artois et beau-père de Philippe décède, lui permettant ainsi d’acquérir l’hôtel d’Artois futur hôtel de Bourgogne.

Jean-sans-Peur

Jean naquit le 28 mai de l’an de grâce 1371, au Palais des ducs de Bourgogne de Dijon. Il est le fils aîné de Philippe de Bourgogne et de Marguerite de Flandres. Destiné à hériter des états de son père, il accède à des fonctions militaires dont celle de commander une armée contre les Ottomans partis à l’attaque du Roi Sigismond de Hongrie. Si la guerre est un désastre, c’est à cette époque qu’il acquiert son titre de « sans Peur ».
Philippe le Hardi meurt le 27 avril 1404. A cette même date, son fils Jean Ier de Bourgogne hérite du Duché de Bourgogne.
L’arrivée de Jean Ier à la tête des États Bourguignons signe le début du conflit avec le trône de France.

Vitrail, Tour Jean-sans-Peur, Paris

Vitrail, Tour Jean-sans-Peur, Paris

En 1368, monte sur le trône le Roi Charles VI. Il sera un Roi « fou », lors de nombreuses périodes, la Reine Isabeau de Bavière devra prendre les commandes avec ses fils mais également avec l’assistance de deux personnages d’importance : Louis Ier d’Orléans et Jean Ier de Bourgogne.
Très vite, Louis Ier d’Orléans prend la tête du Conseil Royal et impose ses vues. Jean Ier de Bourgogne guète le moindre faux-pas de son rival pour prendre l’ascendant. Louis veut augmenter la taille (impôt destiné à financer la guerre avec l’Angleterre).
Alors que Jean s’occupe de ses États, les subsides qui lui sont transmis par le Trésor Royal sont divisés par deux. Dans le même temps, Louis Ier d’Orléans acquiert le duché de Luxembourg, le Comté de Soissons, venant contrer la puissance des États Bourguignons.

Blason de Jean-Sans-Peur, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Blason de Jean-Sans-Peur, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Ce faisant, Jean-Sans-Peur rassemble son armée et entoure la capitale à des fins de « sauvegarder la Cour Royale de la corruption et de la mauvaise gestion du domaine royal », c’est en réalité un coup de force qui est amorcé. Jean devient maître de Paris.
En faisant de même, Louis Ier d’Orléans rassemble ses propres troupes. Il va renvoyer du Conseil Royal les conseillers à tendances Bourguignonnes, c’est ainsi que Jean-Sans-Peur se décide à agir.
Le 23 novembre 1407, Louis Ier d’Orléans fut assassiner sur ordre de Jean-sans-Peur.

Une tour « moderne »

Après l’assassinat de Louis Ier d’Orléans, Jean-sans-peur voit sa puissance et celle de ses états être renforcés. Charles Ier d’Orléans va demander justice pour le meurtre de son père. Bien que le peuple soit majoritairement rangé derrière Jean, il veut assurer sa protection et c’est ainsi qu’il va renforcer les défenses de l’Hôtel des Ducs de Bourgogne en faisant bâtir entre 1409 et 1411, la tour aujourd’hui connue sous le nom de « Tour Jean-sans-Peur ».

Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Tour Jean-Sans-Peur, Paris

La Tour ressemble à un donjon. A cette époque, un donjon permet d’affirmer la puissance d’un seigneur. En effet, la puissance de Jean est affirmée par cette Tour dotée de créneaux et de mâchicoulis qui vont protégés la personne du Duc de Bourgogne.
D’autres part, l’escalier à vis de la tour permettait de desservir les trois étages de l’Hôtel des Ducs de Bourgogne, aujourd’hui disparu.

Escalier à vis, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Escalier à vis, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Au sommet de ses trois étages l’on trouve la merveille de cette Tour et l’un des merveilles médiévales de Paris : la voûte végétale de l’escalier à vis.

Voûte végétale, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Voûte végétale, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Provenant de l’atelier de Claus de Werve, elle est un chef d’œuvre de la sculpture du XVème siècle.
Le pilier central est vu comme le tronc d’un chêne duquel émergent les branches du chêne vers les quatres angles de la voûte. Ce chêne préfigure sans doute de l’ordre de l’arbre d’or crée par Philippe le Hardi. L’aubépine est un rappel de Marguerite de Flandres, la mère de Jean. Enfin le houblon fut l’emblème reçu par Jean au moment de son mariage.

Voûte végétale, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Voûte végétale, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

En poursuivant notre ascension, l’on accède aux trois derniers étages. Au-dessus de la voûte, la chambre de l’écuyer s’ouvre à nous. 

Chambre de l’écuyer, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Chambre de l’écuyer, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

En montant un autre volet de marches, nous accédons à la chambre de Jean-sans-Peur, protégé des difficultés de la capitale, assortie de sa latrine permettant de voir le confort préexistant dans la demeure du duc de Bourgogne et préfigurant de son importance. 

Chambre de Jean-sans-Peur, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Chambre de Jean-sans-Peur, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Enfin, l’on peut accéder aux combles qui permettent d’apercevoir les personnages de l’époque.

Combles, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Combles, Tour Jean-Sans-Peur, Paris

Au sein de cette Tour, l’on accède à un espace résidentiel qui est pratiquement dans son état d’origine du XVème siècle. Il est heureux que la Tour puisse avoir été oubliée car elle est ainsi dans un bel état qui nous permet de glisser nos pas dans ceux d’un des grands de l’époque : le Duc de Bourgogne, Jean-Sans-Peur.
 
Tour Jean-Sans-Peur, Paris