En 2008, la ville de Bergues se révélait dans les salles de cinéma comme décor au film « Bienvenue chez les ch’tis ». Dès lors la ville va connaître un certain renouveau mais le visiteur découvre aisément que l’histoire de cette cité débute bien loin en arrière dans le temps et je vous invite à en lire les grandes lignes ci-dessous.
Bergues
Bergues, l’émergence d’une cité
Le nom de Bergues vient de Groen-Berg qui signifie montagne verte. Le nom fut vite trouvé à la faveur d’un territoire verdoyant, de pâturages multiples, la mer fort peu éloignée, de lacs permettant l’approvisionnement en eau mais aussi de belles et grandes forêts, un territoire qui semble parfait pour s’établir et bâtir une communauté.
Le territoire semble avoir été occupé depuis le IIIème siècle, au temps où l’Empire romain régnait sur la Gaule Romaine. Il faut attendre la fin du VIIème siècle pour voir apparaître l’identité de la ville. Un Prince Breton, Winoc, fils de Judicaël, quitte sa terre ainsi que ses droits sur la Couronne, dont il ne veut pas. Rapidement il prendra tonsure, en l’an de grâce 665 au sein de l’abbaye de Sithiu (future abbaye de Saint-Bertin) de Saint-Omer.
Ruine de l’abbaye du Sithiu, Saint-Omer
Winoc est délégué au mont Groen-Berg afin d’y combattre le culte païen à la déesse Baal, un culte qui eût été rendu au Diable. Winoc évangélisera cette population païenne, le lieu de l’idolâtre fût détruit et, en l’an de grâce 685, fût construit un monastère à la place du lieu païen, Bergues commence à émerger.
Hérémare, le Comte de Wormhout, donnera une métairie pour permettre à l’activité de se développer. La population de Groen-Berge s’étoffe assez vite et va jouir à nouveau des largesses des grands personnages.
Saint-Winoc quittera le monde le 6 novembre 717 et sera inhumé dans l’église de Wormhout.
Buste de Saint-Winoc, musée de Bergues
Le grand temps des invasions Normandes arrive ... la première en 846 et surtout la seconde qui se passe en 881 et dévastera de façon complète le monastère de Wormhout, à proximité de l’actuel Bergues.
Bergues et les Comtes de Flandre
L’an de grâce 863 voit naître le Comté de Flandre de par la volonté du Roi de France, Charles le Chauve. Le premier Comte Baudouin Ier, dit Bras de Fer, entame sa gouvernance par un renforcement des places fortes et des villes de son Comté. Groen-Berg bénéficie des dépenses engagées. En effet, un château fut bâti sur la montagne où Winoc vint en retraite, il sera renforcé. En contrebas, il fit bâtir une église dédiée aux Saint Winoc et Martin, en ce lieu fût apporté les reliques de Saint-Winoc, le 30 décembre 902.
A cette époque, la présence de reliques crée un centre d’attractivité et c’est ainsi que les moines de Wormhout sont transférés à Bergues, et que le bourg va prendre rapidement de l’ampleur.
Ruine de l’église Saint-Martin, XVème siècle, Bergues
Baudouin II poursuivit l’ouvrage de son père et dota, au cours du Xème siècle, Bergues de ses premières fortifications et de fossés. Bergues fut fortifié au même moment que Saint-Omer faisant montre de l’importance gagnée par la place de Saint-Winoc, et le droit d’être désigné comme une cité.
Rempart de Bergues
Les Normands tentèrent encore quelques incursions de la cité en 918 et en 928. Ce faisant le Vicomte de Bergues d’alors, Everard, fit renforcer les défenses de la ville avec notamment la fortification de quelques endroits en avant de la cité.
Il faut attendre 958 pour que Bergues évolue à nouveau, le Comte Baudouin III fait procéder à l’agrandissement de la ville, organise un système de muraille et des fossés, donnant à Bergues une partie de son apparence actuelle. Baudouin III, qui aimait la ville, y mourut en 961 et fût enterré dans l’abbaye Saint-Bertin.
Au début du XIème siècle, Baudouin IV règne sur le Comté de Flandre. En homme pieu et protecteur des ecclésiastiques, il procède à une inspection des couvents de Bergues en 1028 et sera surpris d’y découvrir un manque de dévotion qui sera sévèrement réprimandé et supprimera nombre de privilèges et prendra leurs biens qui seront transférés.
En parallèle, à partir de 1022, sur la montagne verte, l’ancien château fait place du château à l’abbaye bénédictine Saint-Winoc dont quelques restes nous sont parvenus.
Porte de marbre, Abbaye Saint-Winoc, Bergues
Les chroniques indiquent que le Comte aurait logé au sein de cette abbaye qu’il a tant voulue. L’on sait également que la flèche de l’église Saint-Winoc fut élevée en 1031.
Tour flèche, Abbaye Saint-Winoc, Bergues
Alors que le millénaire est atteint, les gueux pensent à la fin du monde … 1083, leur donnera en partie raison, à cause de certains tisserands imprudents, la ville est en flammes pendant 5 jours, rien n’y sera épargné et surtout pas l’abbaye Saint-Winoc, qui sera rétablit 3 ans après le grand malheur.
Estaminet « Le Bruegel », 1597, Bergues
Tandis que la Flandre et Bergues passent de mains en mains parmi les héritiers, la ville prend de l’ampleur mais la sécurité se fait plus difficile et il faudra encore faire face à des incendies comme en 1133.
La ville se développe et devient drapière avec l’érection de nombre de manufactures de toiles et de draps, l’incendie du 10 octobre 1212 viendra réduire à néant les efforts de la cité …
Le Comte Gui voulant montrer sa suprématie sur le Roi de France Philippe-le-Bel et ne tarda pas à préparer sa défense en augmentant les murailles de Bergues en hauteur et en densité.
Défense de la cité, Bergues
En 1297, les Flamands perdent la bataille de Furnes contre Robert II d’Artois, aussitôt la ville de Bergues tombe dans les mains du vainqueur, le Roi la visitera 3 ans plus tard. Les troubles durèrent et les Flamands, rebelles, finirent par reprendre Bergues qui sombra sans une certaine anarchie et un manque constant de sécurité … pour faire la paix avec le Roi de France, la Flandre dut payer 10 000 livres, dont Bergues du s’acquitter d’une partie …
Bergues dans la tourmente
Sous le Comte Louis de Crécy, la Flandre poursuit ses déboires avec le Roi de France, la ville se rebelle très souvent … la Flandre est excommuniée et, en 1346, le corps d’un hérétique sera déterré à Bergues avant d’être brûlé par l’évêque de Thérouanne pour faire montre de ce qui attends les rebels …
L’importance de la ville est acquise à cette époque car l’abbaye Saint-Winoc sera le siège des fiançailles de Louis de Male, jeune Comte de Flandre, et d’Isabelle d’Angleterre, le 1er mars 1347. Cependant, le jeune Comte rompt vite ses fiançailles et quitte les Anglois. Le 30 août 1350, il s’installe à Bergues où sa seigneurie est confirmée.
Au milieu de ses difficultés, sera construit en 1448, le beffroi de la ville, qui sera dynamité en 1944 et reconstruit en 1961, dans un style ressemblant à l’œuvre détruite.
Beffroi, Bergues
Peu ou prou la ville s’enfonce dans les méandres de la Guerre de Cent Ans, et sera tantôt du côté et Français et tantôt du côté Anglais selon ses intérêts …
Une troisième voie est choisie : en 1470, Charles II Duc de Bourgogne devient Comte de Flandre, par serment fait à Bergues. 15 ans plus tard, le Comté change de mains et se retrouve dans celles de l’Archiduc Maximilien d’Autriche, il accordera à Bergues le droit de foire ce qui fera sa richesse pendant quelques décennies.
Bâti en 1629 et 1633, le Mont-de-Piété de Bergues est un fameux exemple du baroque flamand conçu par l’architecte Wenceslas Cobergher. Outre ses deux pignons, il est une façade rectangulaire de brique parcourues de nombreuses fenêtres.
Mont-de-piété, Bergues
Bergues, une cité française
Gaston de France, Duc d’Orléans, prend part à l’affrontement entre les Maisons de France et d’Autriche et prend Bergues le 30 juillet 1646.
Alors que le jeune Roi Louis XIV monte sur le trône de France, la Fronde éclate et les Espagnols reprennent Bergues en 1651.
Les Anglais ayant repris possession de Dunkerque deviennent alliés de la France et s’allient contre les Espagnols. Sous le commandement du Vicomte de Turenne, l’armée anglo-française est victorieuse à la bataille des Dunes, ce qui conduit au traité des Pyrénées du 7 novembre 1659, Bergues redevient Espagnole … Pour peu de temps, en 1667, la ville est définitivement reprise par la France.
Comble de l’intégration dans le Royaume de France, le Roi Louis XIV visite Bergues le 28 mai 1670, l’on en retrouve le souvenir dans la porte sud de Bergues.
Porte de Cassel, Bergues
Alors que le roi accorde nombre de facilités, l’économie reprend vie. Par ailleurs, le Roi missionne Vauban de fortifier la ville. Vauban lui donnera la forme que l’on connait actuellement : 5 300 mètres de remparts un mix de restes médiévaux et d’élévations du XVIIème siècle.
Porte de Bierne, Bergues
Notons également la présence d’une citerne militaire dont la construction s’achève en 1725, un ouvrage intéressant à plus d’un titre.
Citerne militaire, XVIIIème siècle, Bergues
La belle cite de Bergues étant sur le chemin de Dunkerque verra passé nombre de personnages d’importance : le Roi Louis XV en 1774, le Comte d’Artois en 1775, le Prince de Condé en 1788, Napoléon en 1803 en 1810 ou encore le Roi Charles X en 1827.
Pendant la Révolution Française, Bergues est partie prenante des évènements avec une retenue qui permet une agitation lointaine même l’abbaye Saint-Winoc est détruite …
Il faudra attendre 1812 pour que la Tour Pointue en soit rebâtie. La ville toujours fière de sa grandeur passée est clairement éclipsée par Dunkerque et poursuit ses activités sans coups férir.
La vie poursuit son cours et la ville change encore tout en restant à l’abris de ses remparts, les abattoirs seront bâtis en 1811.
Ancien abattoir, 1811, Bergues
Il est anecdotique mais essentiel de rapporter qu’Alphonse de la Lamartine fut le Député de Bergues entre 1833 et 1838.
Canal de la Basse Colme, Bergues
Le XXème siècle et les deux guerres mondiales n’épargneront pas la ville. Pendant la première guerre mondiale, la cité sera tour à tour hôpital, poste de commandement mais sera surtout a portée des canons de longues portées et des bombardement aériens qui vont ravager la ville qui recevra la Croix de Guerre de 1914-1918 suite à ses douleurs.
Pompe et incendie, Bergues
La seconde guerre mondiale marque aussi la cité : pendant le repli sur dunkerque et le sauvetage de l’armée franco-anglaise par la mer, la 60ème division d’infanterie française s’établie à Bergues et tient face à l’armée allemande … le 2 juin 1940, la ville est à 60 % ravagée … La libération arrive le 16 septembre 1944 mais avant de partir les allemands dynamitent le beffroi et l’église … la ville est à 80 % ravagée mais elle se relèvera.
Abbaye Saint-Winoc, Bergues
Cette chronique a vocation de résumer de façon très synthétique, l'intéressante histoire de Bergues de sa naissance à nos jours. Je vous invite à vous y rendre pour plonger dans ce formidable endroit.
Mont de piété, Bergues