Ville à l’histoire plus que troublée, Calais se fait la synthèse d’une partie de l’Histoire de France car ayant été au premier rang. Du hameau de pêcheur d’avant l’an zéro de notre ère, Calais sera presque détruite en 1945 mais la ville renaîtra comme à chacun de ses nombreux tourments.
Des Morins à l’intégration au sein du Royaume de France
Avant l’invasion de la Gaule, Calais semble avoir été habité par les Morins, une peuplade tirant sa richesse de la mer. Les Légions Romaines se pressant vers le nord, pour obtenir des points de passages vers la Grande-Bretagne, les Calètes seraient venus défendre le territoire de la future cité romaine. L’on sait que l’Armée Romaine prit la Gaule. Ce nom de Calais est sans doute une référence au peuple Calète qui vint la secourir.
Par ailleurs, dans le but d’envahir l’Angleterre, Jules César fait rassembler une armée puissante qui aurait eu la vieille ville de Boulogne-sur-Mer comme camp. Cinq Légion aurait été présentes sur place et il est évident qu’une partie de ses troupes ont dû être stationnées à Calais.
Des siècles plus tard, Calais est dans le giron du Comté de Flandre. Le Comte Baudouin IV met le petit port de pêche en sécurité en renforçant les tours romaines toujours existantes, en 997.
Tour, Citadelle de Calais
En 1224, la ville est entre les mains du Comte de Boulogne, le fils du Roi Philippe-Auguste, qui fait fortifier la ville. Le Comte ayant compris l’intérêt stratégique de la position y fera élever un donjon pour sécuriser la ville, en en 1227. De cette époque, Calais conserve une tour de guet du XIIIème siècle.
Tour de guet, XIIIème siècle, Calais
Guerre de Cent Ans
La Guerre de Cent Ans aura en fait durée 116 ans, du 24 mai 1337 au 9 octobre 1453. Elle aura trois causes principales : la crise démographique européenne et la difficulté à nourrir toutes les bouches ; les affrontements entre les Royaumes de Frances d’Angleterre pour la Guyenne (l’actuel bordelais) ainsi que le décès du Roi Charles IV de France et la revendication de la Couronne de France par le Roi d’Angleterre.
Le Roi Édouard III d’Angleterre se trouve être le vassal du Roi de France Philippe VI concernant la Guyenne, ce qui n’est pas sans causer quelques amertumes … Le conflit s’engage en 1337. La position intéressante de Calais en face de l’Angleterre implique la convoitise des Anglais.
Calais assiégée en 1346
En Juillet 1346, Édouard III débarque en Normandie. Après l’avoir dévastée, il marche vers le nord de la France. Le 26 août 1346 Édouard III défait durement la chevalerie française à Crécy. Dès lors, la route du nord est ouverte.
Calais est assiégée le 4 septembre 1346. La ville est fort d’un double rempart et se trouve au milieu d’un marécage la protégeant un tant soit peu. Le Commandant de la place, Jean de Vienne, fait expulser de la ville nombre de personnes n’ayant ni vivres ni fortune pour limiter les bouches à nourrir. Les français se défendent à un contre trois assaillants.
L’accès au ravitaillement par terre est impossible il sera donc effectué par mer. De fait, le Roi Édouard III tente de faire le blocus du port, même si ces premières tentatives seront infructueuses … il réussit le 15 février 1347 à bloquer à l’entrée du chenal à l’aide de 120 bâtiments anglais. En juin 1347, le ravitaillement devient impossible …
Les six bourgeois de Calais
L’armée française arrive aux environ de Calais le 23 juillet 1347 mais les obstacles sont trop nombreux pour pouvoir espérer retourner la situation et dégager la ville …
Manquant cruellement de vivres, Jean de Vienne négocie avec le Roi Édouard III la reddition de la ville en demandant d’épargner la populace et les hommes d’armes de la garnison. Édouard III accepte mais demande qu’on lui remette en échange six bourgeois de la ville habillé d’une simple chemise, les pieds nus et une corde au cou. Les calaisiens s’y soumettent et Jean de Vienne quitte la ville accompagné de cinq autres bourgeois : Eustache de Saint-Pierre, Jean d’aire, Pierre de Wissant, Jacques de Wissant, Jean de Fiennes et Andrieu d’Andres.
Monument aux Bourgeois de Calais (1895), Auguste Rodin, Calais
Aussi surprenant que puisse sembler cette pratique, elle est assez courante à l’époque, elle vise à humilier l’adversaire. Les prisonniers français sont embarqués pour l’Angleterre avec le Roi qui compte bien y exhiber ses trophées. A la suite de six mois d’emprisonnements, ils seront rançonnés et le Roi Philippe VI de France paiera le prix.
En ce qui concerne Calais, les habitants seront priés de quitter la ville qui seront préparée pour accueillir des colons anglais. Le siège de Calais aura duré onze mois, les deux rois finissent par négocier une trêve qui durera jusqu’à la mort du roi de France.
L’église Notre-Dame est en fort mauvais état et sera reconstruite par les Anglais lors des XIV et XVème siècles dans un style tudor qui peut surprendre mais qui reste un témoin de la période de domination anglaise de la ville.
Église Notre-Dame, Calais
Siège de 1436
En 1435, le Roi Charles VII de France et le Duc de Bourgogne négocient une alliance militaire contre les Anglais. Cette alliance a pour conséquence la mise sur pied d’un nouveau siège de Calais.
Philippe le Bon, Duc de Bourgogne assiège Calais en juin 1436. Ses troupes seront constituées de milices flamandes (notamment de Gand) pour qui la prise de Calais n’a rien de motivant … Ce faisant devant le faible enthousiasme de ses troupes et au vu de la lenteur d’avancement des évènement les troupes se délitent progressivement, le siège est donc levé en juillet 1436.
Carte de Calais, XVIème siècle
L’entrevue du Camp du Drap d’Or
En l’année 1520, François Ier est Roi de France depuis 5 ans. Depuis sa victoire à Marignan le 14 septembre 1515 on le considère comme un adversaire de taille sur l’échiquier européen.
Il a tout de même subi un revers de taille : il a postulé pour être couronné Empereur des romains … mais Charles Ier d’Espagne, Charles Quint, lui fut préféré … s’en suit donc une course aux alliances.
Le Roi d’Angleterre, Henri VIII, va donc rencontrer le Roi de France. Bien que l’emplacement exact fût oublié, l’on sait que l’entrevue eu lieu à proximité de Calais.
Chaque camp, chaque Cour va rivaliser de faste pour montrer à l’autre camp sa supériorité. De fait, l’on se souvient de cette entrevue au Camp du Drap d’Or. L’entrevue fut un échec, le faste français fut sans doute supérieur à celui déployé par l’Angleterre et le Roi Anglais en repart en faisant de vagues promesse … la paix entre les deux paix n’est pas d’actualité et l’Angleterre va entrer dans le conflit entre la France et le Saint-Empire Romain Germanique.
Reprise de Calais
Sous le règne du Roi Henri II, le Saint-Empire Romain bat les français à Saint-Quentin en 1557, ce qui ouvre la route vers Paris.
Le Roi doit répliquer au plus vite … il veut prendre Calais et pour se faire François de Guise est appelé à prendre la tête d’une forte armée.
La géographie autour de la cité et ses remparts font de Calais une ville bien défendue.
L’attaque est lancée le 1er Janvier 1558. Les forces françaises prennent la forteresse de Sangatte et de Nieulay. Le fort de Risban est pris le lendemain. Le 3 janvier 1558, l’armée française établie sur artillerie dans les forts de Nieulay et de Risban ce qui permet de protéger des vaisseaux français qui peuvent dès lors effectués un débarquement de troupes et de canons.
Fort Risban, Calais
Alors qu’une des tours de la ville tombe, les soldats du Roi de France prennent l’avantage et le 7 janvier 1558, le gouverneur de Calais, Lord Wenworth offre les clefs de la ville à François de Guise.
Les habitants et soldats de Calais quittent la ville pour les Pays-Bas et le gouverneur et les officiers sont faits prisonniers. Avec Calais c’est tout le Calaisis qui tombe dans l’escarcelle française.
Le Roi Henri II fait son entrée solennelle dans Calais le 23 janvier 1558.
De la reprise de Calais à la Seconde Guerre Mondiale
La cité est incontestablement française depuis la prise de 1558. A la suite de la conquête française, la citadelle de Calais est bâtie, sur le site d’un ancien château médiéval, pour défendre la ville.
Citadelle de Calais, XVIème siècle, Calais
La ville suit son chemin et l’on aperçoit des traces de son embellie en entrant dans l’église Notre-Dame où l’on découvre le magnifique retable baroque en marbre des mains d’Adam Lottman, un sculpteur flamand, achevé en 1629. La Vierge à l’Enfant y est entourée de Charlemagne et de Saint-Louis qui veillent sur elle.
Retable, église Notre-Dame, Calais
Vers la fin du XVIIème siècle, l’activité de pêche décline et la ville sommeille jusqu’à l’arrivée des guerres napoléoniennes. En 1805, Calais est une annexe du Camp de Boulogne de Napoléon Ier.
À la suite du Premier Empire, le Roi Louis XVIII rentre en France en débarquant à Calais le 24 avril 1814.
Colonne Louis XVIII, Calais
Remplaçant de tour du guet, le phare de Calais st construit en 1848, sera automatisé en 1987.
Phare de Calais
Fin XIXème siècle, la ville renaît et se développe comme peut l’affirmer l’arrivée d’un tramway.
En avril 1903, alors en visite à Calais, le Président de la république Émile Loubet pose la première pierre du théâtre de style baroque qui sera inauguré en 1905.
Théâtre de Calais
La ville est fusionnée avec une citée industrielle voisine pour devenir la ville la plus peuplée du Pas-de-Calais. Cette fusion est l’occasion de bâtir un nouvel Hôtel de Ville. La décision est prise en 1901 mais les travaux tardent et ne débutent qu’en 1911. Suspense en 1914, le chantier reprend après la guerre. Le bâtiment est inauguré en 1925, il sera inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2005.
Hôtel de Ville, Calais
Pendant la première guerre mondiale, bien que n’étant pas sur la ligne du front Calais est à proximité. La ville devient l’état-major de l’armée belge et par la suite verra un nombre conséquent de soldats passés par ses hôpitaux.
Monument aux morts, Calais
Des raids auront lieu tout au long de la première guerre mondiale et la ville subira quelques dégâts. Les vitraux de l’église Notre-Dame seront détruits par des tirs de Zeppelin.
Parmi toutes les entreprises de Calais, on peut citer la Biscuiterie Vendroux. Le choix n’est pas le fruit du hasard, il s’agit de l’usine familial d’Yvonne Vendroux. Née le 22 mai 1900 à Calais, elle épouse le 7 avril 1921, Charles de Gaulle. Le mariage est célébré à l’église Notre-Dame, une stèle en rappelle le souvenir.
Stèle Charles et Yvonne de Gaulle, Calais
Seconde guerre mondiale
Calais n’en avait pas fini avec les sièges. En effet, pendant la guerre de 1940, qui oppose la France à l’Allemagne, l’armée française vacille prise à revers par les Allemands ayant débouchés de la forêt des Ardennes. Alors que l’armée tente de temporise une ligne de front et de se conserver un espace pour réembarquer les troupes alliés à Dunkerque, Calais va tenter de résister à l’ennemi. Du 22 au 26 mai 1940, les alliés tiennent en échec l’ennemi mais avec le soutien de 200 avions de la Luftwaffe, l’Allemagne finit par obtenir la reddition de la ville.
Comme l’on peut aisément l’imaginer la ville fut très endommagée par les raids aériens.
Calais ayant été pensé comme le lieu du débarquement allié, le port est bien protégé par le Reich. Le dernier siège de la ville eu lieu du 22 septembre au 1er octobre 1944. La ville proche de Wissant fut prise en premier. Ensuite, l’on s’attaque aux batteries des Caps Blanc-Nez et Gris-Nez.
La côte
Les batteries de Calais furent réduites au silence et l’armée finit par obtenir la capitulation des troupes allemandes.
A la fin de la seconde guerre mondiale, Calais sera détruite à 73 % … même si certains de ses monuments ont pu être conservés et restaurés, l’histoire de toutes les familles de la cité ont sans doute étaient perdues dans cette effroyable guerre.
Comme à son habitude Calais saura sortir de l’ombre et se reconstruire. Cette reconstruction est illustrer par les statues du Général de Gaulle et de Winston Churchill au sein du parc Richelieu.
Statue De Gaulle-Churchill, Calais
Calais aura connu une histoire mouvementée faite de développement et de destructions se succédant à une vitesse assez surprenante. Elle est aujourd’hui une ville incontournable dans la compréhension et dans la lecture de l’Histoire de France.
Beffroi, Hôtel de ville, Calais