Sur les bords de la Loire, entre Cosne et Nevers se trouve l’ancienne cité monastique de La Charité-sur-Loire. Cité du Comté de Nevers, elle rivalise avec d’autres cité monastique comme Cluny ou Vézelay, au moyen-âge.
La Charité-sur-Loire, cité christianisée
En lieu et place de l’actuelle cité de La Charité-sur-Loire se trouvait la petite bourgade de Seyr.
Il paraît probable que la christianisation de la Nièvre remonte au IIème siècle après JC. Saint Eulade fût le premier Évêque de Nevers en l’an 503. Dès cette époque, l’évêque place des membres de son bas-clergé dans un maximum de bourgade pour s’en assurer le contrôle.
De fait, en la cité de Seyr, apparu le sous-diacre Loup autour de l’an 700. Il y fonde une église dédiée à la Vierge Marie ainsi qu’un monastère suivant la règle de Saint-Basile.
Les temps sont incertains et par deux fois les Gascons vont investir Seyr et y détruire l’église et le couvent, en 743 et en 771. Une église primitive sera rebâtie, les fouilles archéologiques en ont retrouvé la trace. Concernant le couvent, l’on peut supposer qu’il ne fut pas rebâti.
Vestige de l’église primitive, église Notre-Dame, La Charité-sur-Loire
La Charité-sur-Loire, la naissance du prieuré clunisien
Au milieu du XIème siècle, Hugues de Cluny, sixième prieur de l’Abbaye de Cluny, envoie le moine Gérard dans l’idée de bâtir un prieuré. Alors sur les terre du Comte de Nevers Guillaume II, Gérard obtient une donation de terres de l’Évêque d’Auxerre Geoffroy de Champallement. La charte de fondation du prieuré est datée de 1059, il est rattaché à l’Abbaye de Cluny. Gérard en devient le premier prieur et va s’activer à début la construction du prieuré.
La cité va bientôt changer de nom. En effet, nombre de pèlerins sur le Chemin de Compostelle, en provenance du nord de la France et de la Germanie, passeront par Vézelay. Pour poursuivre leur périple, ils s’arrêtent au prieuré pour y prendre repos, La Charité devient donc une nomination évidente pour la cité et sur Loire veut sans doute indiquer l’idée du passage des pèlerins.
Le XIIème siècle voit apparaître dans le paysage l’église Notre-Dame, de style roman sur le modèle de Cluny III. L’église d’importance est sans doute la seconde plus grande du Royaume après celle de Cluny. Aujourd’hui, il n’en reste que le chœur et l’abside qui laissent imaginer des proportions de l’édifice. L’église Notre-Dame s’ouvrait part une façade romane percée de deux porte et surmontée du clocher Sainte-Croix et sans doute d’un autre identique.
Clocher Sainte-Croix (XIIème siècle), Prieuré de La Charité-sur-Loire
Parallèlement, une seconde église est construite près du chœur, l’église Saint-Laurent. Bien plus modeste que la première, elle accueille les prières autour des reliques et pour les défunts.
Vestiges de l’église Saint-Laurent, Prieuré de La Charité-sur-Loire
Le cloître et d’autres bâtiments conventuels forment un prieuré puissant qui sera l’un des plus riche et des plus renommé d’Europe.
Salle capitulaire (XIIIème siècle), Prieuré de La Charité-sur-Loire
En 1107, le Pape Pascal II consacre le prieuré. Le développement du prieuré est extraordinaire : il compte 400 dépendances allant du Royaume de France jusqu’à Constantinople, on le surnomme la fille ainée de Cluny.
La sécurité étant à l’époque primordiale tout comme la séparation entre les laïcs et le bénédictins, une enceinte entourant le prieuré sera bâtie. Il n’en reste aujourd’hui que la porterie qui permettait d’accéder à la première cour du prieuré. Bien que toujours existante, elle fût largement remaniée entre les XVème et XVIème siècles.
Porterie, Prieuré de La Charité-sur-Loire
La Charité-sur-Loire, une cité
En 1081, le Roi Philippe-Auguste donne l’autorisation de faire bâtir une première ceinture de remparts. Du fait du développement du prieuré et de l’essor économique qu’il provoque, il s‘ajoute une ville dite « laïque et commerciale » à la cité monastique et son enceinte. Ainsi en 1164, l’on revoit les défense et l’on rebâti les remparts de la ville, dont une partie sont parvenus à nous, bien que sans doute un peu remaniés.
Remparts, La Charité-sur-Loire
La Guerre de Cent Ans va marquer de son empreinte la cité. Ainsi, en 1356, la ville est pillée par des anglais. En 1364, la place est occupée par des troupes de la Navarre, alliés aux Anglais. Quelques mois plus tard, 20 000 hommes des troupes du Roi Charles V assiègent et reprennent la ville. La ville naguère sous la coupe de l’évêché passe sous le contrôle du Roi. Les fortifications seront en parties rasées pour éviter de futures occupations.
Cour du château, La Charité-sur-Loire
Apparait dans l’histoire de la cité le seigneur Perrinet Grissart. Le petit seigneur, homme de guerre, homme brutal, mercenaire tantôt à la solde des Anglais et tantôt à la solde des Bourguignons va piller le prieuré en 1419. Il sera excommunié ce qui atteste des méfaits sans doute commis. Il va tenir les places importantes du Nivernais pour le compte des Anglais et rançonner Bourges, déstabilisant en cela la fragile Royaume de France du Roi Charles VII. De fait, en 1423, il s’installe au sein de la cité qui lui sert de base pour piller les cités alentours. Jeanne d’Arc tentera de reprendre la ville en 1429. Malheureusement les remparts, sans doute consolidés par le seigneur occupant, des troupes trop peu nombreuses et l’arrivée de l’hiver font qu’un mois plus tard, le siège est un échec. Il faudra attendre quelques années supplémentaire ainsi que la nomination de Grissart gouverneur à vie de La Charité-sur-Loire pour que la ville revienne dans le giron royal.
Remparts, La Charité-sur-Loire
La Charité-sur-Loire et la Renaissance
La période Renaissance s’ouvre avec la construction du « vieux pont » sur la Loire par le prieur, en 1520.
Vieux pont, La Charité-sur-Loire
Lors des Guerres de Religion, la position de la cité sur la Loire étant primordiale, elle devient un bastion des forces protestantes. De fait, par le biais des combats, la cité et son prieuré brûlent en 1559. La nef de l’église Notre-Dame est à jamais perdue à cette époque … le déclin de la cité est en marche.
Vestiges de la nef, église Notre-Dame, La Charité-sur-Loire
La paix du 8 août 1570 entre le Roi Catholique et les Protestants marque le passage officielle de la cité dans les rangs protestants. En 1576, le Massacre de la Saint-Barthélemy atteint la cité qui est reprise par le Duc d’Anjou, frère du Roi.
Maison du XVIème siècle, La Charité-sur-Loire
La Charité-sur-Loire, du XVIIème siècle à notre époque
Bien que le prieuré ne soit plus que le pâle reflet de ce qu’il fût, la charge de prieur et du pouvoir qui va avec reste présente. Des prieurs intéressé par le sort du prieuré vont se succéder et tenter de lui redonner son lustre d’antan. Ainsi en 1695, Jacques-Nicolas Colbert, le fils du ministre, va être de ceux qui vont sauver le prieuré. En effet, il va faire relever la nef de l’église Notre-Dame, plus précisément une partie : quatre travées sur dix. Parallèlement, il va refaire une partie du cloître.
Cloître, La Charité-sur-Loire
Lorsqu’arrive la Révolution Française en 1789, le prieuré n’est presque plus fonctionnel. Il sera fermé en 1790 et saisi pour être vendu par lots.
La cité se replie sur elle-même est survie grâce à l’activité de la pêche.
Cellier, La Charité-sur-Loire
Dans la première moitié du XIXème siècle, le prieuré est menacé par la création d’une route en son centre. Fort heureusement, Prosper Mérimée intervient et permet la sauvegarde des vestiges. L’église est classée Monument Historique en 1840, pour les remparts il faudra attendre 1937.
Devanture, La Charité-sur-Loire
De cité monastique florissante en vestiges sauvés par Prosper Mérimée, la cité de La Charité-sur-Loire aura connu milles vies et rebondissement de par sa proximité avec la Loire et de son engagement religieux. Tout comme sa grande sœur, l’église de Cluny, la cité monastique aurait pu disparaître mais les hasards du temps l’auront en partie sauvegardé pour qu’encore aujourd’hui nous puissions contempler et surtout imaginer la puissance qui fût autrefois la sienne.