Le 22 février de l’an de grâce 1403, Charles naquit à Paris. Il est le onzième enfant du Roi de France Charles VI et de la Reine Isabeau. Il est titré Comte de Ponthieu. Le contexte de l’époque est pour le moins tendu : le Roi Charles est dans l’incapacité de gouverner et c’est le Dauphin qui prend la charge des affaires … mais les Maisons de d’Anjou et de Bourgogne veulent toutes deux prendre la Régence de France …
Recueil poétique (1460), Colin d’Amiens, BNF, Paris
Alors que Jean-Sans-Peur, le Duc de Bourgogne, fait assassiner le Duc Louis d’Orléans, le frère du Roi, Charles est fiancé avec Marie d’Anjou, le 18 décembre 1413.
Le destin de Charles est en passe de changer : le Dauphin Louis décède le 18 novembre 1415 et son « suivant » le Dauphin Jean décède le 5 avril 1417, tout deux d’une maladie inconnue …
Le 5 avril 1417, Charles devient Dauphin de France, il est âgé de 14 ans et il préside le Conseil de Régence. Le Dauphin est entouré d’officier et de gens du parti Armagnac, ce qui n’est pas du goût du Duc de Bourgogne. Après avoir rallié la Reine, Jean-Sans-Peur prend ordonne à ses troupes d’investir Paris … Charles quitte Paris dans la nuit du 29 mai 1418.
N’oublions pas que nous sommes en pleine Guerre de Cent Ans et que le Duc de Bourgogne est secrètement allié des Anglais.
Buste du Roi Charles VII pour son tombeau à Saint-Denis (1463-1465), Musée du Louvre, Paris
Un royaume occupé à reconquérir
En 1420, les Anglais dominent la situation avec leur allié bourguignon … Le Dauphin se réfugie à Bourges, bien qu’en partie défait il conserve la fonction de Lieutenant-général du Royaume et établit le Parlement à Poitiers.
Malgré les veines tentatives de soumission du Dauphin par Jean-Sans-Peur, celui-ci reste fort devant l’épreuve. De fait, Jean-Sans-Peur cherche la paix avec le Dauphin. Lors de la rencontre de Montereau, le 10 septembre 1419, la tension se transforme en affrontement et Jean-Sans-Peur est tué …
Le 21 mai 1420, le Traité de Troyes entre Charles VI représenté par la Reine, Philippe le Bon, le Duc de Bourogne et le Roi Henri V d’Angleterre écarte Charles du trône au profit de la Maison d’Angleterre.
Dès lors, il n’est plus question de paix mais de guerre et le « Roi de Bourges » entend bien reconquérir le trône de France et bouter l’ennemi hors de France.
Les combats sont difficiles pour Charles VII qui trouve du soutien en sa belle-mère, Yolande d’Aragon, à la tête de l’Anjou. Elle favorisera également le rapprochement avec la Bretagne, son duc Jean V devenant un allié de Charles.
Alors que les Anglais marchent sur Orléans, Charles réunit les État-Généraux à Chinon, le 1er octobre 1428. Le miracle arrive : Jeanne d’Arc est présenté au Roi, le 25 février 1429.
Orléans sauvé, quelques batailles gagnée en juin 1429 permettent à Jeanne d’Arc de convaincre le Roi d’aller à Reims se faire sacrer, ce sera chose faite le 17 juillet 1429.
Lettre aux habitants de Reims (16 mars 1430), Jeanne d’Arc
Alors que Jeanne d’Arc est capturée, Charles VII sait qu’il ne peut gagner la guerre sans apaiser les tensions avec les bourguignons. De fait, la paix d’Arras est signée le 21 septembre 1435. Le Roi doit abandonner des comtés et vendre des villes, mais il peut s’attaquer frontalement et avec toute sa puissance aux Anglais.
Traité de paix d’Arras (1435), BNF, Paris
En 1450, l’offensive de Charles VII en Normandie est victorieuse : la bataille de Formigny, le 14 avril 1450, permet de libérer complètement la Normandie du joug Anglais.
Cotte de mailles provenant du champ de bataille de Formigny
Après la Normandie, la Guyenne est libérée en 1453, la Guerre de Cent Ans prend fin avec la victoire française.
Une reconquête artistique
La guerre contre l’Angleterre est gagnée mais le Roi doit reprendre en main la France. Il s’évertue à redonner bonne presse à la Couronne. L’art de la tapisserie, appréciée à l’époque, est mis à contribution.
La Tapisserie des Cerfs Ailés est une œuvre à dessein politique. En effet, les deux cerfs pourraient symboliser les reconquêtes de la Normandie et de la Guyenne. Les lions dans l’enclos laissent à entrevoir l’ennemi Anglais vaincu. Les banderoles font la part belle à la victoire française en clamant les symboles français et en invitant les sujets du royaume et à rester fidèles au Roi.
Tapisserie des Cerfs Ailés (vers 1450), Musée des antiquités, Rouen
D’autres part, le Roi refonde l’État en s’assurant le soutien de l’Église, en réformant la justice, en limitant le pouvoir des seigneurs ou encore en ouvrant des procès à titre d’exemples.
Sceau du Roi Charles VII (1449), ANF, Paris
En effet, le Roi garantit les droits de l’Église de France avec la Pragmatique Sanction (7 juillet 1438) tout en renforçant le pouvoir du Roi de France qui devient le chef de l’Église de France.
Sanctio Pragmatica et Ordonnances royaux pour la réformation de la justice (1457-1458), Maître du Boccace de Genève, BNF, Paris
Même pendant la guerre, les membres des grandes maisons de France restées fidèles au Roi vont poursuivre leurs commandes artistiques.
Fragment de tapisserie de la famille Jouvenel des Ursins, musée du Louvre, Paris
L’homme de culture et de lettre qu’il fût va encourager les commandes de livres, dont certains nous sont parvenus.
Livre des ordonnances de la chambre des Comptes de Paris (1490), ANF, Paris
Charles VII aura bien compris l’intérêt de l’art pour le royaume et pour assurer la position personnelle. Nombres d’œuvres ont dû être perdues et nous empêchent sans doute d’appréhender l’art de l’époque à sa juste valeur … Malgré tout, le Roi est représenté par les arts notamment symboliquement dans le dais royal suivant avec l’usage de ses couleurs : le rouge, le vert et le blanc.
Dais de Charles VII (1440-1450), musée du Louvre, Paris
Le renouveau dans l’art
L’occupation de Paris par les bourguignons va changer la donne dans la capitale : les commandes d’art se font rare et les artistes fuient vers les villes périphériques.
Dans les territoires restés fidèles au Roi, le Berry, la Touraine et l’Anjou, les arts continu leurs chemins. Angers, capitale du duché d’Anjou en est un bon exemple, la cathédrale d’Angers va se voir parer de nombres de vitraux comme ceux de sa rosace.
Détail d’un des vitraux de la rosace de la cathédrale d’Angers
La rose sud fut exécutée par le Maître André Robin en utilisant du verre coloré, de la grisaille et du jaune d’argent. L’œuvre exceptionnelle fût réalisée entre 1451 et 1454.
Détail d’un des vitraux de la rosace de la cathédrale d’Angers
Poursuivons notre tournée de France vers Lyon. La ville est préservée des affrontements et restera prospère. Le Maître du Roman de la Rose de Vienne laisse sa touche ou du moins son inspiration sur une fenêtre civile nommée en raison de son thème Les Joueurs d’échecs. Datée des années 1450, elle représente un couple autour d’un jeu d’échec dans un intérieur luxueux, sans doute seigneuriale. Une fois encore l’on retrouve l’usage du verre, de la grisaille et du jaune d’argent réhaussé sur du plomb.
Les Joueurs d’échecs (vers 1450), Maître du Roman de la Rose de Vienne
La Bretagne n’est pas en reste dans le domaine. Le ralliement du Duc François Ier avec le Roi en 1442 permet au Duc d’affermir son pouvoir et ce pouvoir doit être représenté, il le sera dans toutes les cathédrales magnifiées et par une belle production de manuscrits enluminés. Un exemple important est celui d’un vitrail qui portraitise Jean de Saint-Gilles et son épouse Jeanne de Tilly, conseiller du Duc Jean V de Bretagne.
Portrait de Jean de Saint-Gilles et de son épouse (1425-1430)
La Picardie, quant à elle, va profiter de sa proximité avec le nord et les innovations des primitifs flamands alors à l’œuvre dans les état bourguignons. Outre les manuscrits enluminés, le Maître des Heures Collins offre des peintures tel Le Sacerdoce de la Vierge, dans lequel on retrouve l’inspiration des sujets de Jan van Eyck, ce qui n’est pas si surprenant étant donné que le Maître des Heures Collins travailla à Amiens mais également à Bruges.
Le Sacerdoce de la Vierge (1437), Maître des Heures Collins
La Normandie fut reprise après la bataille de Formigny, près de Bayeux le 15 avril 1450. Pendant l’occupation Anglaise, Rouen attire des Maîtres et des chantiers y sont ouverts. La production des manuscrits s’y poursuit même après le retour dans le giron français.
La Bouquechardière (entre 1457 et 1461), Maître de l’Échevinage de Rouen
Pendant ce temps, à Paris, dans une capitale sans son Roi occupée entre 1418 et 1437, la production est fortement réduite par le manque de débouchés.
Anne de Bourgogne, la sœur du Duc de Bourgogne et l’épouse du Duc de Bedford sera inhumée à Paris, son gisant est l’œuvre de Guillaume Vluten.
Gisant d’Anne de Bourgogne, Guillaume Vluten
La France et l’ars nova
Alors que le gothique international s’apprête à laisser la place à la Renaissance, la France est entourée des deux importants foyers du renouveau : celui de l’Italie et de son retour à l’antique et celui du réalisme flamand.
En effet, les années 1420 voient émerger l’ars nova au sein des Pays-Bas Bourguignons. Philippe le Bon est entouré de peintre pionnier : Rober Campin, Jan van Eyck et Rogier van der Weyden.
Les œuvres circulent et l’on en vend à Paris à des grands officier ou des institutions.
Inspire de Rogier van der Weyden, André d’Ypres réalise sur parchemin un livre d’heures qui bien que démembré nous livre une part de l’évolution des manuscrits enluminés.
Saint-Luc écrivant (entre 1446 et 1450), André d’Ypres
Dreux Budé, notaire et secrétaire du Roi, fait une commande à André d’Ypres, pour sa chapelle dans une église parisienne, un triptyque qui nous est parvenu et nous permet de porter regard sur la peinture du XVème siècle à Paris et nous fait montre influence de l’ars nova.
Crucifixion, triptyque de Dreux Budé (vers 1450), André d’Ypres
Parallèlement, dans les états de René d’Anjou, en Provence, la Cour suit le rythme de l’art et se voit investie de nouveautés et notamment de Barthélémy d’Eyck, venu de Liège, qui se met au service du Roi René.
Ce peintre de cour exécute le livre des Heures de René d’Anjou avec son somptueuse Vierge si expressive bien qu’atteinte d’une grande tristesse.
Heures de René d’Anjou (1459), Barthélémy d’Eyck
Le peintre va aussi honorer une commande de René d’Anjou concernant un tournoi l’opposant au Duc de Bretagne, en utilisant l’aquarelle.
Le livre des tournois (1462-1465), Barthélémy d’Eyck
Connu et reconnu dans la région, l’artiste va également réaliser un retable pour de l’un des fournisseur du Roi, affichée dans la chapelle où il repose. L’œuvre est magistrale dans sur l’architecture et ses bonnes perspectives que sur les volumes, la lumière, les couleurs ou les matières utilisées.
Retable de l’Annonciation (1443), Barthélémy d’Eyck
Autres artistes important en Provence, Enguerrand Quarton va réaliser un missel pour le chancelier de Provence, Jean des Martins. La lumière, les couleurs et la tonicité des matières en font une œuvre importante pour l’époque.
Missel de Jean des Martins (1466), Enguerrand Quarton
Jean Fouquet est un autre artiste connu à cette époque, notamment pour son travail sur le verre.
Rondelle au monogramme LG (1455), Jean Fouquet
Fouquet avait des talents de portraitiste que nous pouvons observer dans la commande d’Étienne Chevalier, trésorier du Roi, pour orner le cadre du diptyque de Melun. L’artiste s’y représente en homme lettré appuyé sur le savoir antique.
Autoportrait en médaillon (1453), Jean fouquet
Ce voyage au sein de l’émergence de la Renaissance aidé par l’ars nova en France sous le Roi Charles VII nous permet de décrire la situation d’un État, les arts étant en partie tributaire de la force de l’État mais également de la paix et de la richesse. Toujours est-il que l’art fût au service du Roi autant que ses officiers et l’on peut rendre grâce à Charles VII d’avoir compris l’importance de l’art et de son importation depuis les foyers flamand et italien.