En la belle cité de Bruges se dresse le musée Gruuthuse. Le musée est installé dans un palais du XVème siècle dont l’extérieur conserve une partie de son origine. Il n’en est pas de même pour l’intérêt qui évoluera au fur et à mesure des pratiques et finira par être aménagé au XIXème en musée, dans l’idée de rétablir une partie de sa beauté. L’endroit tient son nom de la célèbre famille qui l’habitat, l’Histoire en retiendra surtout le nom de Louis de Gruuthuse.
Portail du palais Gruuthuse, Bruges
Louis de Gruuthuse, Seigneur des Pays-Bas bourguignons
Louis de Gruuthuse naquit en 1422 à Bruges. Il est issu d’une famille de la haute noblesse flamande. Le nom de Gruuthuse provient sans doute de gruit, un ensemble d’épices et de plantes utilisé pour donner son goût à la bière. On suppose que la riche famille aurait pu recevoir le droit de collecter l’impôt sur le gruit et se serait installée à l’emplacement actuel en faisant bâtir un entrepôt qui se transforme au début du XVème siècle en palais urbain par Jan van der Aa (futur van Gruuthus), le père de Louis de Gruuthuse. Il hérite de la devise familiale : « Plus est en vous », l’idée est d’être ambitieux, de se dépasser, de faire montre de son talent, …
Plafond du vestibule, Musée Gruuthuse, Bruges
Louis est donc le fils aîné du seigneur de Gruuthuse mais il est également le fils de Marguerite de Trazegnies, princesse de Steenhuyse. De fait, Louis est un homme important, titré Prince, Comte et Seigneur, il entre donc à la Cour de Philippe le Bon, le Duc de Bourgogne, en 1445 en tant qu’écuyer échanson. Au moment de la révolte de Gand, en 1447, Louis est gouverneur de Bruges et sera l’un des principaux officier de l’armée du Duc de Bourgogne. Il sera nommé chevalier le 23 juillet 1453, juste avant la soumission de Gand.
Portant haut et fort ses titres, il est admis dans l’Ordre de la Toison d’Or, en 1461. Il affichera la Toison autour de ses armes pour faire montre de son prestige.
Armes et devise, Musée Gruuthuse, Bruges
Deux années passent et il prend la charge de stathouder (gouverneur) des Comtés de Hollande, de Zélande et de Frise.
Il est à savoir que Louis constituera une collection de plus de 190 volumes, une bibliothèque extraordinaire pour l’époque, nombre de ses ouvre seront acquis par le Roi de France Louis XII, après son décès.
Homme de haute noblesse, le seigneur de Gruuthuse se doit d’être pieu et d’assister à l’office. L’église Notre-Dame jouxtant le Palais semble être sa paroisse. De fait, dans les années 1470, Louis de Gruuthuse fait bâtir un oratoire donnant sur le chœur de l’église Notre-Dame.
Oratoire, Musée Gruuthuse, Bruges
Cet oratoire témoigne de la richesse de Louis mais également de la richesse et de l’élégance d’une époque. La décoration intérieur est prodigieuse tout comme ses angelots qui parsèment la voûte.
Détail de l'oratoire, Musée Gruuthuse, Bruges
Suivant la politique en tant que conseiller de Charles le Téméraire, Louis est un homme de confiance, il accueille le Roi Édouard IV d’Angleterre en fuite, celui-ci le récompensera plus tard d’un titre.
Statue équestre de Louis de Gruuthuse (1465), Musée Gruuthuse, Bruges
La guerre oppose le Duc de Bourgogne au Roi de France Louis XI, Louis devient Chambellan de la Duchesse Marie de Bourgogne qui s’unit à Maximilien d’Autriche. La duchesse meurt et un conseil de Régence de la Flandre est constitué, comprenant Louis de Gruuthuse. La populace opposée à ce conseil se rebelle, Louis finira emprisonner.
Portrait Louis de Gruuthuse (1480), Maître des portraits princier
Louis s’évade. Il sera donc accusé de trahison par les membres de la Toison d’Or, en mai 1491.
Le 24 novembre 1492, Louis de Gruuthuse meurt dans son palais de Bruges.
Bruges, cité commerciale
La réussite de Louis de Gruuthuse est aussi celle d’une époque et celle de la cité. Au XVème siècle, Bruges est sous le contrôle des Ducs de Bourgogne, Philippe le Bon à cette époque. La prospérité de la cité lui permet de devenir un centre d’art européen, les notables suivent Philippe le Bon qui passe des commandes importantes. Le vitrail suivant installé dans la chapelle de la corporation des peintres témoigne de la richesse et de la délicatesse de l’époque.
Vitrail avec Saint-Georges, le dragon et Saint-Michel (vers 1500), Musée Gruuthuse, Bruges
L’élite de la population ne s’arrête pas à quelques œuvres d’art, non elle va ponctuer son existance dans la délicatesse du luxe et des objets précieux tels des tapisseries, du mobilier précieux et ouvragé.
Tapisserie représentant une scène de combat antique (vers 1576), Musée Gruuthuse, Bruges
Cette élite n’est pas apparue du néant, elle a pu être exportée d’autres villes du Duché mais plus souvent elle découle d’une fortune liée au commerce. Le commerce étant une des possibilités de réussite pour les brugeois qui ne renient pas leur ville.
Barbara Ommejaeghere avec vue sur Bruges (vers 1551), Musée Gruuthuse, Bruges
Le commerce est la meilleure option pour la petite cité de révéler son potentiel et de devenir la merveille que l’on connait. En effet, le drap est exporté depuis le IXème de Bruges. Le réel succès est celui de l’arrivée d’une voie de commerce maritime qui prend son départ en 1277, avec l’accueil des premiers marchands génois par mer.
L’argent est au centre de la cité, elle est son pouvoir.
Lame funéraire d’Abel Porcket (vers 1509), Musée Gruuthuse, Bruges
De fait, la ville pullule d’auberges et d’hôtels. Les hôteliers peuvent parfois proposer leurs services pour le stock de marchandises, mise en contacts entre marchands ou encore pour les transactions, la famille Van der Beurze sera de ceux-là et de leur nomme émergera la Bourse.
La monnaie reste le principal moyen d’échange mais certaines matières comme l’ambre ou l’ivoire sont également prisées pour les paiements.
Une ville commerciale comme Bruges ne peut qu’attirer nombre de négociants venus des quatre coins du monde comme l’Espagne ou l’Angleterre. Certains négociants vont même acquérir une demeure à Bruges qui accueillera leur famille, c’est le cas de l’Espagne. Juan Lopez Gallo est le Président de la Nation Espagnol de Bruges. L’on parle bien de nation, du fait que ce regroupement exerce une influence sur la cité de Bruges. La nation parade dans des habits de leur propre pays et arborent fièrement leurs blasons.
Juan Lopez Gallo, président de la nation espagnole et ses fils (1568), Pieter Pourbus, Musée Gruuthuse, Bruges
Bruges au XVIIème et XVIIIème siècle
Chaque métier est séparé des autres, on parle d’une corporation. En effet, pour accéder à chaque corporation, il faut hériter d’une charge ou en acheter une, ce qui ne permet pas à n’importe qui d’exercer une métier à Bruges. Ainsi, en entrant dans une corporation, il faut prêter serment d’allégeance.
Le serment des tailleurs (1754), Pieter Deuckels, Musée Gruuthuse, Bruges
De la serrurerie à la tapisserie, les riches familles de la ville s’offrent tout ce qui existe de plus beau et délicat voire de prestige et font vivre l’économie brugeoise. Ce faisant, la corporation peut avoir un impact sur la qualité du travail de ses membres mais aussi contrôler qui fait quoi dans la cité. Observez ci-dessous cette plaque où figure les poinçons des orfèvres de bruges.
Plaque à insculper avec les poinçons des orfèvres brugeois (vers 1567), Musée Gruuthuse, Bruges
Pour faire montre de la qualité des artisans de Bruges, je vous laisse admirer l’Antependium, une pièce de lin, d’argent, d’or et de soie coloré destiné à décorer le devant d’un hôtel, provenant d’un atelier de Bruges.
Antependium (vers 1540), Musée Gruuthuse, Bruges
Autre témoignage important de la qualité des objets de l’époque est le poids à godets. Il est créé à partir de 30 kg de bronze et servait autrefois à peser l’or, l’argent, les épices au gramme près.
Poids à godets (1568), Albertus Weinmann, Musée Gruuthuse, Bruges
Les guerres de religion auront également un impact sur Bruges qui se retrouvent accueillant nombre d’ordres religieux. L’Église est puissante à Bruges et son évêque l’est d’autant plus qu’il exerce une communication en faveur du catholicisme paré de ses plus beaux atours.
Portrait de l’évêque Van Susteren (1740), Matthias de Visch, Musée Gruuthuse, Bruges
Il est possible que ces ordres religieux aient pu apaiser les brugeois des difficultés liées au Zwin qui rend l’accès à la mer plus difficile. Malgré le contexte et les difficultés, un canal vers Ostende est ouvert : le commerce reprend avec l’Asie et l’Amérique du Sud. Ainsi, la porcelaine, le tabac, le café et le thé s’invite à Bruges qui les acceptent avec plaisir.
Art de la table, Musée Gruuthuse, Bruges
Les riches bourgeois de la ville se prennent à se croire nobles et adoptent peu ou prou leur style de vie, qu’ils envient. La famille Veranneman-De-Massiet, prend donc le goûter à quatre heures moins cinq., quelle folie !
Le goûter (1778), Jan Anton Garemijn, Musée Gruuthuse, Bruges
La vêture est également transformée dans ce XVIIIème siècle aux accents perclus de luxe. LA soie, les broderies, la dentelle, les gilets, les coiffes, la mode est présente partout et ne sera pas en reste à Bruges.
Salle 13, Musée Gruuthuse, Bruges
Petit à petit, la cité tombe avec son économie décroissante … mais l’histoire n’en avait pas finie avec Bruges : le XIXème siècle et sa quête du passé redécouvre Bruges la belle et va l’aimer toujours plus.
A cette époque, le Palais Gruuthuse transformé à toutes les époques aura droit à des travaux pour tenter de lui redonner l’allure du XVème siècle …
Escalier, Musée Gruuthuse, Bruges
Si la réalité historique n’y est pas, la rénovation permet au moins de s’en approcher et de rêver à une autre époque, et surtout de tenter de la comprendre. Considérée comme la « Venise du Nord », Bruges est une des cités européenne les plus fameuses.
Tapisserie évoquant les sciences (1673), Musée Gruuthuse, Bruges