Moulins, capitale du Bourbonnais

La fondation de Moulins est relativement mystérieuse. Malgré tout, une légende existe. Archambault, Seigneur de Bourbon, ce serait arrêté près de l’Allier pendant une chasse. Il aurait trouvé refuge dans une moulin où il aurait rencontré une jeune damoiselle dont il serait tombé amoureux. Il vint souventes fois la retrouver et aurait construit un relai de chasse près du moulin à l’emplacement même du château.

Vestige du château, Moulins

Vestige du château, Moulins

Les origines de Moulins

La légende est constable car l’on sait que le territoire est occupé dès la période romaine. En effet, les fouilles archéologiques ont permis de retrouver nombre de villas, postes militaires et des nécropoles sur le territoire de la ville. Quoiqu’il en soit, le nom de villa Molinis est attesté dans les années 990, sur des documents liés à des bâtiments du clergé. Il est probable que le nom provienne du latin molinum qui signifie moulin étant donné leur importante présence sur les berges de l’Allier.
La mention de 1147 fait état de messire Foulques comme gouverneur. La ville aurait donc eu une certaine importance au XIIème siècle. Les moulins de la petite bourgade ont leur importance et c’est sans doute dans une optique de protection que fût bâti le château, sans doute une motte castrale.
Évènement d’importance, en 1232, le seigneur de Bourbon, Archambault VIII accorde à la bourgeoisie de la ville une charte de franchises qui donne un certain nombre de droits et de privilèges à la ville. En 1269 démarre l’édification de l’hôpital Saint-Julien, symbole du développement de la ville. 

Armoiries du Duché de Bourbon, château, Moulins

Armoiries du Duché de Bourbon, château, Moulins

La ville demeure, cependant, d’importance limitée étant donné qu’elle n’est pas élevée en diocèse mais dépend d’une autre. La cathédrale n’est pas encore bâtie. A la place, il existe la chapelle Saint Pierre où la Vierge Noire est déposée. Au XIIème siècle, elle est la Sainte patronne de Moulins, elle protège la ville.

Vierge Noire de Moulins, Cathédrale, Moulins

Vierge Noire de Moulins, Cathédrale, Moulins

Les seigneurs de Bourbon ne résident pas à Moulins. Ils sont fréquemment à la Cour de France au à défaut au château de Bourbon l’Archambault ou à Souvigny. 
En l’an de grâce 1327, le Roi de France Charles IV fait de la seigneurerie de Bourbon un duché. Quelques années plus tard, en 1333, le Duc Louis Ier de Bourbon choisit d’agrandir le château de Moulins.

Moulins, capitale du Duché de Bourbon

Louis II devient Duc de Bourbon, à la mort de son père lors de la défaite de Poitiers, le 19 septembre 1356. Alors que le Roi de France Jean II le bon est fait prisonniers, il devient l’un des otages échangés contre le Roi. Pendant ce temps, le Duché est mis à mal par les barons du Ducs et des mercenaires affiliés. Libéré en 1366, il créera l’Ordre de l’Écu d’Or pour tenter de rétablir l’ordre et amnistie ses vassaux pour les crimes commis …
De 1369 à 1379, le château est transformé pour être une demeure digne de la capitale du Bourbonnais : Moulins. Le château est une disposition de quatre ailes autour d’une cour centrale.

Vestiges du château ducal, Moulins

Vestiges du château ducal, Moulins

Le plus fameux témoignage de ce château est la Tour de la Mal-Coiffée. Cet important vestige du XIVème siècle devait servir de donjon et s’élevait sur 6 ou 7 niveaux. Accolé à cette tour se trouvait un logis de grande taille servant sans doute de lieu de réception et de pouvoir du Duc.

Vestige du logis du château ducal, Moulins

Vestige du logis du château ducal, Moulins

Moulins est forte de 5 000 habitants, au début du XVème siècle. Louis II meurt en 1410 après avoir renforcé son Duché, qui reste néanmoins enserré entre les Duché de Bourgogne et de Berry.
Son fils Jean Ier, s’engage aux côtés des Armagnacs qui soutiennent Charles VII pendant la Guerre de Cent Ans. De fait de sa proximité avec la Bourgogne, Moulins est assiégé en 1412, sans succès. Combattant à la bataille d’Azincourt en 1415, le Duc Jean Ier est fait prisonnier et mourra en captivité à Londres. En son absence, son fils futur Charles Ier de Bourbon gère les affaires du Duché. Au vu des évènements, il épouse Agnès de Bourgogne, la fille du Duc de Bourgogne, Jean-Sans-Peur, en 1418. Aidant au ravitaillement d’Orléans assiégé par les Anglais, il convainc le Duc de Bourgogne de se rapprocher du roi de France. 
Parallèlement, Jeanne d’Arc est de passage à Moulins en novembre 1429. Elle viendra se recueillir auprès de la Vierge Noire de Moulins et séjournera dans une maison de la rue d’Allier et sans doute Charles Ier qui fût l’un de ses compagnons d’armes.

Maison où Jeanne d’Arc séjourna, Moulins

Maison où Jeanne d’Arc séjourna, Moulins

Malgré les conflits en cours, Moulins se porte plutôt bien et prospère. Marchant dans les vieilles rues de Moulins, le tracé des rues médiévales est toujours présent. L’on peut admirer des maisons de l’époque, telle celle de Lorin des Barres, et comprendre l’atmosphère de l’époque de ces rues autrefois accueillant à leurs rez-de-chaussée des commerces.

Maison Lorin des Barres (milieu du XVème siècle), Moulins

Maison Lorin des Barres (milieu du XVème siècle), Moulins

Lorin des Barres fut l’Argentier du duc Charles Ier de Bourbons. Notable du Duché, outre les pans de bois sur les étages, il fait bâtir le rez-de-chaussée de sa demeure en pierre qui sera orné d’une frise de style renaissance.

Maison Lorin des Barres (milieu du XVème siècle), Moulins

Maison Lorin des Barres (milieu du XVème siècle), Moulins

Autre personnage d’importance, Thierry de Clèves. Il fut chirurgien et barbier du Duc Jean II. Au cœur du quartier marchand de Moulins, il se fait bâtir une belle demeure en 1460. Le rez-de-chaussée est en gré de Coulandon. Chaque étage est bâti en encorbellement, recouvert de pans de bois en croix de Saint-André, un décor courant à l’époque.

Maison de Thierry de Clèves (1460), Moulins

Maison de Thierry de Clèves (1460), Moulins

Jean II devient Duc de Bourbon en 1456. A la même époque, sera construit la Tour Jacquemart, le beffroi de la ville. Malheureusement, le beffroi que nous connaissons est sans doute très éloigné du projet initial de flèche surmontée de gargouille, qui rebâtie à cause de deux incendie, un en 1655 et l’autre en 1946.

Tour Jacquemart, Moulins

Tour Jacquemart, Moulins

La Cour Ducale d’alors est très réputée et accueille des artistes fameux comme Michel Colombe ou François Villon. 
Jean II finit par entrer dans la rébellion contre le Roi et participe à la Ligue du Bien Public en 1465. La réaction royale est forte : le Roi Louis XI assiège et prend Moulins. Le gothique s’invite au sein du Duché : la première pierre du cœur de la cathédrale est posée en 1468 par la duchesse Agnès de Bourbon.

Chœur (XVème siècle), Cathédrale, Moulins

Chœur (XVème siècle), Cathédrale, Moulins

Plus tard pardonné par le Roi, Jean II deviendra Connétable de France. Il décède en 1488.

Moulage de Jean II en prière (original daté de 1470), Musée Anne de Beaujeu, Moulins

Moulage de Jean II en prière (original daté de 1470), Musée Anne de Beaujeu, Moulins

Au décès de Jean II sans héritier, un Cardinal devient Duc et abdique rapidement en faveur de Pierre, sire de Beaujeu

Anne de Beaujeu, Duchesse de Bourbon

Anne de France naquit en avril 1461 dans le Duché de Brabant. Elle est la fille aînée du Roi de France Louis XI. A l’époque, le Roi dispose de sa fille dans sa politique : un contrat de mariage est établi le 27 juillet 1473 avec le futur Duc de Bourbon, Pierre de Beaujeu. Le mariage aura lieu l’année suivante : Anne est âgée de 12 ans et son époux de 35 ans. L’image du couple est affichée dans le Vitrail des Ducs que l’on peut retrouver au sein de la cathédrale de Moulins, les époux de rouge vêtus et leurs enfants Suzanne et Charles habillés de vert.

Vitrail des Ducs (XVème siècle), Cathédrale, Moulins

Vitrail des Ducs (XVème siècle), Cathédrale, Moulins

Il faut attendre 1483 pour voir émerger Anne de Beaujeu dans notre histoire. En effet, le Roi Louis XI meurt le 30 août 1483, laissant sa fille Anne à la tête du Royaume en tant que Régente entre 1483 et 1491
Parallèlement, en 1489, Pierre de Beaujeu devient Duc de Bourbon, tout en gérant la Régence avec son épouse. Il va renforcer son autorité sur son duché mais également procéder à des réformes administratives et sécuritaires.

Bas-relief aux armes des Bourbons (entre 1488 et 1503), Musée Anne de Beaujeu, Moulins

Bas-relief aux armes des Bourbons (entre 1488 et 1503), Musée Anne de Beaujeu, Moulins

Anne de Beaujeu va convoquer les états généraux à Tours pour raffermir le pouvoir royal en limitant l’influence et le pouvoir des grands du royaume. Son influence sur la France est importante avec sa réussite de marrier son frère le Roi Charles VIII avec Anne de Bretagne qui finira par organiser le rattachement du Duché de Bretagne à la France. La Duchesse prendre également le rôle d’organiser l’éducation des filles de l’aristocratie telles que Louise de Savoie ou Diane de Poitiers.
 
En 1491, après le mariage royal, elle est écartée des affaires de France. Elle poursuit ses conseils au Roi, qu’elle reçoit souventes fois à Moulins. Moulins devient l’une des cour les plus courue du Royaume. Le duché de Bourbons est en pleine apogée.
Alors que Charles VIII s’engage dans une guerre contre le Royaume de Naples, la France découvre la Renaissance italienne. Fort de cette découverte, Anne et Pierre de Bourbon feront bâtir une nouvelle aile de style renaissance au château de Moulins : le pavillon Anne de Beaujeu.

Pavillon Anne de Beaujeu, Moulins

Pavillon Anne de Beaujeu, Moulins

La construction de cette nouvelle démarre en 1500, sous la direction de l’architecte Marceau Rodier. L’on peut y retrouver le monogramme des époux, ce qui pourrait suggérer l’achèvement du bâtiment avant la mort du Duc en 1503.

Détail du Pavillon Anne de Beaujeu, Moulins

Détail du Pavillon Anne de Beaujeu, Moulins

Anne de Beaujeu meurt le 14 novembre 1522 dans le Duché de Bourbon. 

Moulins, cité de la Couronne de France

1523, le Duché vacille. Charles III, alors Duc de Bourbon et connétable de France fait l’erreur de se rallier à l’Empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique, Charles Quint. La réaction est immédiate, le Roi de France François Ier met sous séquestre ses domaines. A la suite du procès du duc Charles III, en 1531, le Duché de Bourbon et saisi par la Couronne de France
Moulins perd immédiatement son importance étant reléguée au rang de ville de moindre importance du royaume. En 1548, la ville est l’écrin du mariage d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, les parents du futur Roi Henri IV. Le futur Roi de France Henri III sera fait Duc de Moulins, cela marque la réconciliation entre la France et l’ancien Duché.
Dans les mêmes années, la population augmente et l’on érige une seconde muraille englobant les faubourgs.

Vestige de la première muraille de Louis II, Moulins

Vestige de la première muraille de Louis II, Moulins

Suivant les troubles liés aux Guerres de Religion, le gouvernement de Moulins fait bâtir de nouveaux lieux comme les halles couvertes faisant face au chœur de la cathédrale, sur la place des Vosges.

Anciennes halles couvertes (XVIIème siècle), Moulins

Anciennes halles couvertes (XVIIème siècle), Moulins

En 1589, l’ancienne Reine Louise de Lorraine vient finir sa vie au château de Moulins, elle y décède en 1601. 
Le XVIIème siècle marque un tournant à Moulins. Le marquis d’Effiat, gouverneur d’Auvergne, sera un grand commanditaire d’art dans le Bourbonnais, l’un de ceux qui va permettre de faire vivre l’art en dehors de Paris, dans l’ancien duché de Bourbon. Nombre de couvent et de monastères s’ouvrent. En 1606, Moulins voit l’ouverture d’un collège des Jésuites sous la direction du Père Martellange, devenu aujourd’hui le Palais de justice de la ville.

Ancien collège des Jésuites (XVIIème siècle), Moulins

Ancien collège des Jésuites (XVIIème siècle), Moulins

A cette époque, la monarchie évolue vers l’absolutisme et ses opposants seront exécutés. Ce sera le cas pour le Duc de Montmorency. Son épouse, Marie-Félicie des Ursins sera exilée et gardée dans le château de Moulins. Sa liberté retrouvée, elle fera venir la dépouille de son époux dans la chapelle du couvent des Visitandines.

Chapelle du couvent des Visitandines, Moulins

Chapelle du couvent des Visitandines, Moulins

Moulins se voit doté de la Fontaine Saincy à la faveur d’un riche personnage de la ville. La colonne en gré de Coulandon laisse échapper l’eau par deux masques. Le dénommé Saincy fut guillotiné pendant la Révolution Française.

Fontaine Saincy, Moulins

Fontaine Saincy, Moulins

Moulins après la Révolution Française

La Révolution Française reste relativement calme au sein de Moulins. La noblesse renonce rapidement à ses privilèges. Malgré tout, nombre de personnes seront exécutées. Les révolutionnaires prennent les lieux religieux et vont détruire nombre des clochers de la ville.  Le Second Empire semble panser cette blessure en faisant bâtir l’église du Sacré-Cœur.

Église du Sacré-Cœur (XIXème siècle), Moulins

Église du Sacré-Cœur (XIXème siècle), Moulins

Par ailleurs, il faut attendre le milieu du XIXème siècle pour voir la cathédrale parée d’un portail réhaussé de deux flèches.

Cathédrale, Moulins

Cathédrale, Moulins

Les grands magasins font leur entrée dans la ville, comme dans les autres villes d’importance de l’époque, comme nous le rappelle le bâtiment des Nouvelles Galeries.

Façade des Nouvelles Galeries, Moulins

Façade des Nouvelles Galeries, Moulins

La ville conserve l’important souvenir du XIXème siècle au travers de la Maison Mantin qui est aujourd’hui ouverte au public.

Maison Mantin, Moulins

Maison Mantin, Moulins

La ville poursuit son évolution au sein du XXème siècle. Crée en 1899, le Grand Café de Moulins est le témoignage d’une époque avec son style néo rococo des années 1900. Cette idée de café-brasserie est très moderne à l’époque de sa construction.

Grand Café, Moulins

Grand Café, Moulins

La Belle Époque s’invite assez largement à Moulins. On la retrouve dans la façade du Café Américain, datée de 1905.

Café Américain, Moulins

Café Américain, Moulins

La seconde guerre mondiale et surtout l’occupation allemande vont laisser leur empreinte sur Moulins. En effet, la tour de la Mal-Coiffé est transformée en prison allemande en juin 1940 et accueillera nombre de résistants et de juifs jusqu’en août 1944. Elle restera une prison jusqu’en 1984.

Vestige de la prison, château, Moulins

Vestige de la prison, château, Moulins

Le 12 mai 1946, le premier anniversaire de la Libération est fêté à Moulins. Un feu d’artifice a lieu … il cause un incendie qui vient ravager la Tour Jacquemart. La reconstruction à l’identique est très vite décidée. Les travaux prennent fin en 1949. Autrefois, un sonneur unique s’exerçait sur la cloche mais à la reconstruction, c’est une famille qui prend la charge : Jacquemart et son épouse Jacquette frappent toutes les heures la grosse cloche pendant que les enfants, Jacquelin et Jacqueline, sonnent des petites cloches tous les quarts d’heures.

Les Jacquemarts, Tour Jacquemart, Moulins

Les Jacquemarts, Tour Jacquemart, Moulins

L’histoire de Moulins demanderait bien d’autres développements mais la chronique deviendrait alors une série en plusieurs tomes. Cependant, c’est une ville fière de son histoire et de son patrimoine agréable à vivre à ses habitants, qui attire des touristes.

Moulins