Jean de La Fontaine

L’histoire de l’illustre poète bien connu des écoliers débute dans la petite cité de Château-Thierry
Les restes des murailles et quelques pans du château dominent les faubourgs. Au sein de ses faubourgs, dans l’actuelle rue Jean de La Fontaine, nos pas nous portent vers un hôtel d’un style renaissance agréable au regard. Cet hôtel qui fut bâti en 1559, nous est parvenu malgré quelques remaniements.

Maison natale de Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Maison natale de Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Charles de La Fontaine, le père de Jean, fût maître des eaux et forêts du duché de Château-Thierry, une position de notable et c’est de ce fait qu’il acquiert en 1621, cet élégant hôtel particulier.
Cette même année 1621 est synonyme de naissance : Jean ouvre les yeux dans ce bel hôtel style renaissance sur un monde qui est à découvrir. Sa date de naissance n’est pas connue mais l’on sait qu’il fût baptisé le 8 juillet 1621.

Rue Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Rue Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Jean de La Fontaine, en quête de sens

Passée à Château-Thierry ou allant faire ses études ailleurs, l’on peut considérer que Jean ne garde pas un souvenir heureux de son enfance et de son passage à l’École comme le suggère sa fable l’Écolier, le Pédant et le Maître d’un jardin : 

« Certain enfant qui sentoit son collège,
        Doublement sot et doublement fripon,
        Par le jeune âge, et par le privilège
        Qu'ont les Pédants de gâter la raison (…)
Et ne sais bête au monde pire
               Que l'Écolier, si ce n'est le Pédant.
Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire,
               Ne me plairoit aucunement »

La mauvaise expérience de l’École le pousse à se destiner à une carrière religieuse. En 1641, il entre comme novice à l’Oratoire de la rue Saint-Honoré. Alors que son frère Claude suit l’exemple et rentre comme novice, Jean quitte le noviciat qui ne semble pas lui convenir. Ce faisant il se trouve une nouvelle vocation : le droit et devenir avocat au Parlement. Bien que recevant son diplôme d’avocat en 1649, il quittera bien vite cette nouvelle vocation pour s’en revenir à Château-Thierry.
Parallèlement, son père lui trouve une épouse en novembre 1647 : Marie Héricart, fille du Lieutenant du baillage de La Ferté-Milon. Bien qu’étant porté sur le beau sexe, Jean ne peut qu’être ennuyé par ce mariage : il a 26 ans, en 1647, et son épouse n’en a que 14.

Musée Jean de La Fontaine, Château Thierry

Musée Jean de La Fontaine, Château Thierry

Au décès de son père, il reçoit la charge de maître des eaux et forêts de Château-Thierry. La tâche ne l’enchante guère, la passion n’est pas de mise et c’est ainsi qu’il revendra sa charge en 1672.
Son mariage ne restera pas inabouti. En effet, en 1652, le petit Charles vint au monde. Jean lui adjoint comme parrain son ami de toujours le chanoine François Maucroix, un poète.
En 1654, il s’adonne à la littérature avec passion, sort un premier recueil de vers qui n’aura pas de succès, ce qui le fait se remettre en question sur son avenir en tant que poète et sur le sens qu’il doit donner à sa vie.

Jean de La Fontaine, poète en devenir

Le poète n’arriva pas du jour au lendemain. Dès l’époque de ses essais ecclésiastiques, Jean lit des poètes dont un trio qu’il ne cessera d’apprécier : François Rabelais, Vincent Voiture et Clément Marot. Son expérience décevante de l’École fera qu’il maîtrise le français et le latin mais il n’aura pas appris le grec, ce qui implique qu’il lira Horace, Virgile et Ovide en original latin mais devra se contenter des traductions d’Homère et de Platon. Toujours est-il que ces auteurs auront une très forte influence sur le poète en devenir.
 
La promenade dans la nature, la campagne de Château-Thierry et toutes les activités champêtres semblent avoir été la base de sa rêverie, sa contemplation, qui va le pousser vers les Fables, il en dit quelques mots dans l’épilogue du livre XI des Fables :

« C'est ainsi que ma Muse, aux bords d'une onde pure,
Traduisoit en langue des Dieux
Tout ce que disent sous les cieux
Tant d'êtres empruntant la voix de la nature. »
Jean flâne dans la campagne vers la ferme de la Tueterie qui appartient à sa famille, franchit la Marne découvre des paysages simples et empli d’une vie belle à souhait et peut-être est-ce là qu’il rencontre un héron, personnage de ses Fables :
« Un jour, sur ses longs pieds, alloit je ne sais où,
Le héron au long bec emmanché d'un long cou !
Il côtoyoit une rivière.
L'onde étoit transparente ainsi qu'aux plus beaux jours.
Ma commère la Carpe y faisoit mille tours
Avec le Brochet son compère. »

Le héron, Louis Émile Villa, Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Le héron, Louis Émile Villa, Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Mais alors est-ce que tous les animaux sont issus des rencontres faites dans la campagne ? Il semble que non, car le poète en devenir va s’inspirer des grands de son époque et donner des leçons, des morales, des critiques, pour essayer d’user de son œuvre dans un but d’intérêt général.


La carrière de Jean de La Fontaine prend une nouvelle tournure en 1657 : il rencontre Nicolas Fouquet, procureur-général du Parlement de Paris et Surintendant des Finances. Fouquet veut a connaissance de ce qui se fait de mieux en art, et sera mécène de nombre d’auteurs.  Ainsi, la protection d’un tel homme semble être un vecteur de réussite, assorti d’une belle pension pour un poète en devenir désargenté. 
Il écrira donc pour Fouquet un poème, Adonis, avec un compliment envers son bienfaiteur d’alors. Adonis semble être une pâle imitation des Métamorphoses d’Ovide mais le style antique du poème permet à l’auteur de pouvoir faire mouche avec cette première œuvre. Si le poème est beau, il est aussi fort long ce qui n’est pas du goût de Fouquet et de sa suite, la préférence allant à la légèreté. Jean le résume par cette phrase : « On ne considère en France que ce qui plaît : c’est la grande règle et pour ainsi dire la seule. »

Cabinet de travail, Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Cabinet de travail, Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Le 17 août 1661, Fouquet donne une grande fête pour le Roi-Soleil, on y récite du Pellisson, on y joue du Molière, on y donne un feu d’artifice. Le 5 septembre 1661, Fouquet est arrêté et, dans une lettre que Jean écrit à Maucroix, on y découvre son sentiment pour Fouquet : « Il est arrêté, et le Roi est violent contre lui, au point qu’il dit avoir entre ses mains des pièces qui le feront pendre. Ah ! s’il le fait, il sera autrement cruel que ses ennemis ; d’autant qu’il n’a pas, comme eux, d’intérêts d’être injuste. »
La Fontaine ne défendra pas Fouquet car il suppose que ce n’est pas là le rôle d’un poète mais par ses écrits réclamera la clémence. Fouquet ne sera jamais libéré mais La fontaine n’oubliera jamais son amitié avec celui-ci.
Malgré tout, Jean est aux premières loges des réprimandes du Roi qui lui enjoint de payer une amende pour ses amitiés. S’en suit une période incertaine pour le poète, il publie plusieurs œuvres dont deux recueils de Contes. Alors que Molière, Boileau et Racine ont un fort succès, Jean reste en retrait avec des demi-succès.  

Les Fables de La Fontaine

Jean de La Fontaine est connu et reconnu à notre époque pour ses fameuses Fables. Il livrera au monde trois recueils contenant deux cents quarante-trois fables.
La fontaine s’inspire des plus grands poètes de l’Antiquité grecque ou romaine en y ajoutant nombre de référence à la nature et aux animaux que l’on peut qualifier d’anthropomorphes, ayant des caractéristiques du comportements humains. Ses animaux représentent des grands de l’époque ou même des dieux, tout un pays, un métier, … toujours est-il que chacune de ses fables contient une morale. Les Fables deviennent rapidement un modèle usité par les Jésuites au siècle suivant leur écritures ou encore dans les Écoles de la Troisième République mais également à notre époque. La fontaine offre par ses Fables une œuvre à toute l’humanité.
 
Le premier recueil est publié en 1668, les livres I à VI, sont dédiés au Dauphin de France, on y trouve Les Loups et les Brebis du Livre III des Fables :

« Après mille ans et plus de Guerre déclarée,
Les Loups firent la Paix avec que les Brebis.
C’était apparemment le bien des deux partis :
Car, si les Loups mangeaient mainte bête égarée,
Les Bergers de leur peau se faisaient maints habits. »

Le Loup devenu Berger, Jean-Baptiste Oudry, Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Le Loup devenu Berger, Jean-Baptiste Oudry, Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Le second recueil publié en 1679, les Livres VII à XI, est dédié à Madame de Montespan, favorite royale, on y trouve Le Berger et le Roi du Livre X des Fables :

« Deux démons à leur gré partagent notre vie,
Et de son patrimoine ont chassé la raison.
Je ne vois point de cœur qui ne leur sacrifie.
Si vous me demandez leur état et leur nom,
J’appelle l’un Amour et l’Autre Ambition.
Cette dernière étend le plus loin son empire ;
Car elle-même entre dans l’amour. »

Le troisième recueil publié en 1693, le Livre XII, est dédié au Duc de Bourgogne (le Petit Dauphin), on y trouve Le Juger arbitre, l’Hospitalier et le Solitaire du Livre XII des Fables :

« Puisqu'on plaide, et qu'on meurt, et qu'on devient malade,
Il faut des Médecins, il faut des Avocats.
Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas :
Les honneurs et le gain, tout me le persuade.
Cependant on s'oublie en ces communs besoins.
O vous dont le Public emporte tous les soins,
Magistrats, Princes et Ministres,
Vous que doivent troubler mille accidents sinistres,
Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
Quelque flatteur vous interrompt.
Cette leçon sera la fin de ces Ouvrages :
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir !
Je la présente aux Rois, je la propose aux Sages :
Par où saurais-je mieux finir ? »

Dans chacun des extraits de Fables cités ci-dessus, pour illustrer chacun des trois recueils, il faut trouver le sens caché, la morale, la critique ou encore la description d’une situation contemporaine de Jean de La Fontaine.

Jean de La Fontaine

L’accueil fait aux Fables restera toujours mitigé bien que même la critique en reconnaisse la qualité, comme le fait Jean-Jacques Rousseau en 1762 : « On fait apprendre les fables de La Fontaine à tous les enfants, et il n'y en a pas un seul qui les entende ; quand ils les entendraient ce serait encore pis, car la morale en est tellement mêlée et si disproportionnée à leur âge qu'elle les porterait plus au vice qu'à la vertu. »

Par opposition à la citation de Rousseau, la critique, la morale est-elle si difficile à comprendre dans toutes les Fables comme dans Le chêne et le roseau du Livre I :

« Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là ses flancs.
L'arbre tient bon ; le roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts. »

Portrait de Jean de La Fontaine, 1690, Hyacinthe Rigaud, Musée Carnavalet

Portrait de Jean de La Fontaine, 1690, Hyacinthe Rigaud, Musée Carnavalet

Jean de La Fontaine décède le 13 avril 1695. D’abord inhumé au cimetière des Sains-Innocents, ses restes seront transférés en 1817 au cimetière du Père Lachaise, le poète s’est gratifié d’une épitaphe :

« Jean s'en alla comme il était venu,
Mangeant son fonds après son revenu ;
Croyant le bien chose peu nécessaire.
Quant à son temps, bien sçut le dispenser :
Deux parts en fit, dont il souloit passer
L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire. »

Statue de Jean de La Fontaine, Château-Thierry

Statue de Jean de La Fontaine, Château-Thierry