La cité de Bruges nous offre un formidable témoignage de son passé, il y a tant à y voir que nul ne pourrait avoir l’imprudence de dire qu’il en connait toute l’histoire.
Remontons au XIIIème siècle grâce au Béguinage de Bruges. Depuis 1998, il est classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco.
Béguinage, Bruges
Béguinage et Béguine
Le béguinage est avant tout un lieu de vie, celui des béguines. En effet, le béguinage est une communauté religieuse laïque. De fait, le fonctionnement de cette communauté est à la fois ressemblant et divergent de celui d’une communauté religieuse dite classique.
Le béguinage ressemble à une démocratie : l’ensemble des béguines élit une « Grande Dame » pour quelques années, elle aura le rôle de représenter la communauté, de gérer les problèmes du quotidien et d’édicter certaines règles pour le bon vivre ensemble.
Ce béguinage ressemble à un petit village, avec plusieurs ruelles donnant sur des maisons plus ou moins grandes, on y trouve également un jardin et une chapelle. La sécurité y est importante : le béguinage est entouré de murs et fermé par de grandes portes, la nuit.
La béguine est une femme célibataire ou veuve qui décide de consacrer sa vie à Dieu sans entrer dans un ordre religieux. A une époque où le choix d’une femme est celui du mariage ou de se consacrer à Dieu, le béguinage offre une troisième possibilité.
Création du Béguinage de Bruges
L’enseignement de l’Église des Xème et XIème siècles prône un retour à l’humilité, voir même à la pauvreté. Parallèlement, en 1095, la Première Croisade intervient. Ce faisant nombre de femmes ne trouve pas d’époux et d’autres sont veuves. À cette époque, une femme seule vit dans un certain manque de sécurité aussi bien alimentaire que physique.
Le regroupement de femmes dans un lieu en sécurité du monde et sous la protection de la religion semble être une bonne idée.
De fait, le diocèse de Liège voit fleurir le premier béguinage à la fin du XIIème siècle (il est attesté en 1173). Il est également à signaler qu’Élisabeth de Hongrie, une futur Sainte, soutiendra la cause des femmes seules dans leur ambition de former des communautés.
Sainte Élisabeth de Hongrie, portail d’entrée du béguinages, Bruges
Le béguinage de Liège sert d’exemples et il va fleurir nombre de béguinages dans l’actuelle Belgique, au nord de la France, en Allemagne, …
Un béguinage existe sans doute à Bruges au début du XIIIème siècle. Il s’installe en dehors de l’enceinte de la cité dans le lieu que l’on connait qui permet un accès à un point d’eau et non loin de l’hôpital Saint-Jean où certaines béguines ont dû œuvrer.
En 1242, la Comtesse de Flandre, Jeanne de Constantinople, en devient la protectrice. Marguerite de Flandres permettra que le béguinage devienne une paroisse en juillet 1244. Dès cette époque, on désigne le béguinage comme Ten Wijngaarde (Clos de la Vigne).
Détail de la Saspoort (vers 1900), béguinage, Bruges
Une chapelle désaffectée de Bruges sera démontée pierre par pierre et remontée en 1245 dans le béguinage.
L’évêque de Tournai, dont dépend Bruges à cette époque, donne à l’ordre dominicains le pouvoir de décider du curé de la paroisse.
Par ailleurs, il sera confié au prieur des Dominicains et à la grande-maîtresse du béguinage la gestion des bénéfices du béguinage à non plus à la Comtesse de Flandre.
A la fin du XIIIème siècle, le béguinage se trouve au sein de la ville fortifiée mais conserve ses murs et son indépendance.
Développement du béguinage de Bruges
En 1300, les premières règles du béguinage sont établies. Elles impliquent que les béguines se consacrent à une vie tournée vers la prière, le travail et l’abnégation.
Au début du XIVème siècle, les béguines sont encore rassemblées dans des logements collectifs mais l’arrivée de femmes d’un milieu social plus élevé va faire évoluer les choses … Celles de plus haut niveau social deviendront béguines choristes et les autres seront des béguines du commun … Cette distinction fait que les choristes se pensant une élit voudront des maisons individuelles. Ainsi, donc le béguinages de Bruges abrite différentes types de personnes et de niveau social, sa diversité fait sa force et lui permet d’avoir pu résister aux aléas des siècles.
L’an de grâce 1441 voit donc la population des béguines s’élever à 152, réparties en onze convents.
Le béguinage est une vrai ville qui comprend son infirmerie, sa ferme, sa brasserie, …
Cette communauté de Bruges est un exemple connu et reconnu, Marie de Bourgogne le visitera en 1477.
Le béguinages n’échappèrent pas aux Guerre de Religion. La destruction de l’iconographie religieuse se transforme en destruction de béguinages en Flandres … celui de Bruges sera épargné. Malgré tout, l’église sera ravagée par un incendie en 1584.
Une reconstruction de l’église, dans l’idée d’une reconstitution, fut entreprise en 1604.
Église Sainte-Élisabeth, béguinage, Bruges
Réforme et transformation du béguinage de Bruges
L’archevêque de Mâlines amorça une réforme du système de béguinage, ce qui fut le début de la fin. L’idée étant de rapprocher de la pratique conventuelle avec une règle plus stricte impliquant une séparation d’avec le monde extérieur.
En 1622, le nombre de béguines sera limité et seules les dames venant de l’aristocratie pourront y rentrer. Progressivement, les béguines deviennent des chanoinesses. Un mandat de trois ans est mis en place pour assurer la direction du béguinage de Bruges : une grande-maîtresse, une vice-grande-maîtresse et quatre demoiselles conseillères.
En pénétrant dans le béguinage de Bruges l’on trouve disposé autour du grand jardin intérieurs nombre de bâtiments anciens.
Attardons-nous sur le Groothuis (la Grand’Maison), la plus grande maison du béguinage qui est en réalité formée de quatre bâtiments reliés. La chapelle du XIVème siècle surmontée de son clocheton en bois, qui bien que restaurée, reste l’un des plus anciennes construction du lieu. Elle fût la chapelle de l’infirmerie voisine.
Chapelle de l’infirmerie, béguinage, Bruges
A côté de la chapelle se trouve une petite porte donnant sur une cour entourée de bâtiment faisant office d’hospice. A proximité de la chapelle se trouve l’infirmerie datée de 1645.
Infirmerie et chapelle, béguinage, Bruges
Dernier bâtiment de cet ensemble : la maison de la grande-maîtresse. Elle est la plus grande maison du béguinage et également l’une des rares à être un peu plus élaborée. Possédant deux étage, elle peut être datée du XVIIème siècle.
Maison de la grande-maîtresse, béguinage, Bruges
La maison n° 1, construite au XVIIème siècle, se trouve près du portail et se différencie des autres. Aménagée en maison de béguines, elle est aujourd’hui un musée qui permet d’appréhender la vie au sein du béguinage.
Maison n° 1, béguinage, Bruges
Faisant quelques pas à l’écart du grand enclos, la petite ruelle De Steert nous amène vers la maison n° 46. Témoin du passé, sa construction remonte au XVIème siècle. Elle conserve un premier étage et un toit à bâtières caractéristiques de l’époque.
Maison n° 46, béguinage, Bruges
Certaines maisons possèdent des caractéristiques allant du XVème au XVIIIème siècle, témoignant d’une continuité d’occupation mais également de la poursuite de l’usage premier des maison des béguines.
Maisons n° 13 à 17, béguinage, Bruges
L’on pourrait détailler un certain nombre de ses maisons mais une dernière attire notre attention, la maison n° 4. Datée de la fin du XVIème, elle comporte de belles travées brugeoise sur son corps à deux étages avec un pignon à redents renforcée par une porterie de style Tudor.
Maison n° 4, béguinage, Bruges
1776, l’année est inscrite sur le portail d’entrée du béguinage. En effet pour entrer au sin du béguinage il faut enjamber la rivière Reie en empruntant le Wijngaardbrug (Pont de la Vigne). Ce pont existât en bois en 1292 mais fût remplacé en 1692 par un pont de pierre, agrémenté d’un garde-fou en 1740.
Traversant le pont de la Vigne, nous accédons au béguinage en empruntant le portait de 1776 d’un style néo-classique, d’une grande simplicité. Au-dessus de la porte, l’on découvre l’inscription « SAUVE GARDE », elle est une référence au droit d’asile y ayant court depuis 1299.
Porte d’entrée et Pont de la Vigne, béguinage, Bruges
Déclin du béguinage
A la Révolution Française, le béguinage est en danger. Les ordres sont supprimés, l’habit religieux interdit et il sera bien difficiles pour les béguines de rester dans leur foyer. L’infirmerie et l’hospice permettront de sauver une partie du béguinage. Le Concordat signé avec le Pape en 1801 permet d’apaiser les choses. Malgré tout, les béguines en partie dispersées à l’extérieure du béguinage auront bien du mal à y retourner et à revivre selon les règles.
Maison n° 14 (début XIXème siècle), béguinage, Bruges
En 1827, il ne reste plus que 17 béguines … La règle de 1300 limite le recrutement tout comme la vie de piété et d’humilité vu comme de la pauvreté n’attire plus …
Les maisons se vidèrent tant que l’on les loua à des femmes pieuses mais laïques et la ville de Bruges va petit à petit s’approprier le béguinages et en transformer ou en détruire les construction.
Maison n° 11, béguinage, Bruges
Pendant la Première Guerre Mondiale, le béguinage accueille les béguines de Mâlines. On loge à cette époque le grand-séminaire au sein de béguinage lui permettant sans doute d’accueillir à nouveau de la vie.
Maison n° 3, béguinage, Bruges
En 1922, Rodolphe Hoornaert est nommé prêtre de la paroisse du béguinage. L’heure est grave : la commune veut détruire le béguinage afin d’y construire une annexe de l’hôpital ou des logements pour les ouvriers … Le prêtre se bat en vain mais, en 1927, il réussit à convaincre une congrégation de bénédictine de s’installer au béguinage.
Maison n° 20, béguinage, Bruges
Hoornaert rédigea de nouvelles règles et se battit pour que soit rénover au moins une partie des habitations. Il obtiendra à la fin des années 20 le droit de peindre les façades en blanc, lui donnant l’aspect que l’on connait. D’autres maisons seront construites dans un esprit similaires à celles déjà présentes.
Il faudra attendre février 1939 pour que le béguinage soit définitivement sauvé grâce au classe au titre des monuments historique.
Vue depuis le grand enclos, béguinage, Bruges