Voyageons jusqu’au XVIIIème siècle grâce au château de Champs-sur-Marne. Cette demeure incarne une grande évolution de l’époque vers plus de confort. On peut parler ici d’une maison de plaisance, c’est-à-dire une maison située à la campagne où la détente est de mise, loin des exigences de la Cour.
Édification
Le château tel que l’on peut l’observer est construit à partir de 1699. A cette époque, le seigneur Charles Renouard de La Touanne, Trésorier de l’extraordinaire des guerres acquiert le domaine. L’idée est de construire une demeure de plaisance et pour ce faire il fait appel à deux architectes. Ces deux architectes sont Pierre Bullet et son fils, Jean-Baptiste Bullet de Chamblain, qui fut formé par Jules-Hardouin Mansart, le Premier Architecte du Roi Louis XIV.
Faute d’argent, les travaux sont arrêtés en 1701. Le domaine et confisqué est revendu en 1703 à Paul Poisson de Bourvallais, le secrétaire du Conseil Royal des finances. Le nouveau propriétaire reprend à son compte les deux architectes avec le même projet et les travaux redémarrent.
Il faut attendre 1707 pour que la demeure soit achevée.
Parallèlement, en 1710, Claude Desgots, qui fut élève d’André Le Nôtre, dessine les jardins sur un plan dans la pure tradition : un grand axe entouré de bassins, de parterres et de bosquets.
Une maison de plaisance
Jean-François Blondel publie en 1737 un traité sur les maisons de plaisance, Champs-sur-Marne y sera décrit comme le modèle à suivre.
L’architecture d’une maison de plaisance est avant tout épurée. L’on oublie les plans en « U » pour un corps central affublé de deux avant-corps latéraux limités. De plus, la demeure va être organisée autour d’un axe central : vestibule-salon allant de la cour d’entrée vers le jardin. Cet axe implique l’existence d’une double façade ayant son importance.
La façade sud, côté vestibule, est sobre est classique. Elle laisse apparaître quatre niveaux allant des sous-sols aux combles. Sobre est le mot qui convient à cette façade, même si l’on y retrouve un péristyle, formé de deux colonnes au rez-de-chaussée et de quatre pilastres au premier étage. L’on peut également y retrouver les lucarnes sur la toiture, caractéristique de l’œuvre de Mansart.
Façade sud, château de Champs-sur-Marne
Parallèlement, côté jardin, l’on retrouve la façade nord. La sobriété de la façade sud ne se retrouve pas sur la façade nord qui semble être inspirée du travail de Louis Le Vaux au château de Vaux-le-Vicomte. L’on retrouve donc sur le corps central un ovale comme une avancée vers les jardins. Par ailleurs, le nombre de travées de 9ouvertures, côté vestibule, passe à 11 côté jardin pour laisser entrer la lumière mais également pour faire pénétrer le jardin au sein de la demeure.
Façade nord, château de Champs-sur-Marne
Changements de propriétaires
Paul Poisson de Bourvallais fait pourvoir sa maison de plaisance d’un décor à la fois sobre et élégant. Accusé de délits financiers, Bourvallais perd le château qui sera vendu en 1718 à la Princesse de Conti (fille de légitimée de Louis XIV et de Louise de La Vallière).
En 1718, elle confie le château à son cousin, Charles-François de La Baume Le Blanc, Duc de La Vallière. Son fils hérite du château en 1739.
Entre juillet 1757 et janvier 1759, la Marquise de Pompadour est locataire du château.
Plusieurs propriétaires se succèdent jusqu’au rachat en 1895 par le Comte Louis de Cahen d’Anvers, un grand financier parisien. Il aura un fort impact sur la demeure que nous connaissons du fait qu’il organise la restauration du château par l’architecte Walter-André Destailleur. Il reçoit Marcel Proust et le Roi Alphonse XIII d’Espagne dans cette si belle demeure.
Aussi belle soit la demeure, Charles de Cahen d’Anvers finit par la vendre à l’État avec son mobilier en 1934, à condition que le mobilier y reste et que les salariés ne soient pas congédiés.
Le château propriété de l’État est rapidement inscrit sur la liste des monuments historiques et ouvert à la visite.
En 1959, le Général de Gaulle fait du château une résidence pour les chefs d’État en visite officielle.
L’année 1971 marque la transmission du château au ministère de la culture qui le fit parvenir à notre époque.
Un intérieur « confortable »
Si le décor d’origine ne nous est parvenu, les différents propriétaires ont eu à cœur la restauration pour conserver l’aspect maison de plaisance du XVIIIème siècle, si plaisant et chaleureux. Allons ensemble à la découverte de cet élégant intérieur.
L’arrivée se fait par le vestibule et son axe. L’on y remarque au pied de l’escalier un bureau permettant de contrôler les entrées et les sorties.
Vestibule, château de Champs-sur-Marne
En poursuivant dans l’axe, l’on accède au grand salon. La pièce est remarquable de par sa taille et également par ce vert qui fut « retrouvé » au moment de la restauration du XIXème siècle et qui fut du souhait de Paul Poisson de Bourvallais. Le mobilier fut réuni par les Cahen d’Anvers avec le souhait d’y replacer des éléments du XVIIIème siècle.
Grand salon, château de Champs-sur-Marne
A droite, l’on accède au fumoir. La pièce fut salle de billard ou encore salon de musique. Après le repas, l’on y retrouvera Marcel Proust ou Nissim de Camondo venu fumer un cigare pour évoquer le monde contemporain entouré par de fameuses tapisseries de Beauvais du XVIIIème siècle.
Fumoir, château de Champs-sur-Marne
Entrons maintenant dans l’une des plus fameuses pièces du château : le salon chinois. La richesse du décor et de ses couleurs est admirable. Cette pièce sera rénovée en 1748 par le Duc de La Vallière qui y introduira la dernière mode, les « chinoiseries », commandées à Christophe Huet. La pièce est dans l’idée de la maison de plaisance, l’on s’y amuse, on écoute de la musique, l’on cherche les faveurs de tel ou tel dame, entourés par ces représentations très approximatives de l’exotique tel que l’esprit de l’époque se le représente.
Salon chinois, château de Champs-sur-Marne
Nous accédons ensuite au salon rouge qui fut la chambre des épouses puis au cabinet en camaïeu. Ce cabinet au décor bleu sur fond blanc est également l’œuvre de Christophe Huet pour le duc de La Vallière.
Salon camaïeu, château de Champs-sur-Marne
Autre pièce d’importance de ce rez-de-chaussée, l’on retrouve la salle à manger. Au XVIIIème siècle, l’habitude est de prendre son repas dans une chambre ou une antichambre ou l’on dresse une table. Hors le château est doté d’une salle à manger dès 1708.
Salle à manger, château de Champs-sur-Marne
Passons au premier étage. Une fois l’ascension faite, l’on peut découvrir le splendide escalier d’honneur.
Escalier d'honneur, château de Champs-sur-Marne
Une pièce de grande taille nous accueille au-dessus du grand salon, si elle est aujourd‘hui présenté comme un salon de musique, sa fonction ne semble pas avoir été clairement définie.
Salon à musique, château de Champs-sur-Marne
Sur notre gauche, nous découvrons la chambre bleue dont le lit à alcôve fut imaginé par le Duc de La Vallière. Elle accueillera Moïse de Camondo lors de ses séjours.
Chambre bleue, château de Champs-sur-Marne
Retraversant le salon de musique, nous accédons à la chambre d’honneur. Elle est un concentré de style rocaille alors à la mode en 1740. Les boiseries aux si belles colombes font de cette chambre un endroit propices aux amoureux et au romantisme. N’oublions pas l’ajout de la balustrade devant ce lit à duchesse tendus de damas rouge, qui donne l’apparence de chambre royale.
Chambre royale, château de Champs-sur-Marne
Boiserie de la chambre royale, château de Champs-sur-Marne
Entrons maintenant dans le bureau de Louis Cahen d’Anvers, qui conserve les couleurs des années De Gaulle sur ses boiseries.
Salon d’angle, château de Champs-sur-Marne
La chambre de Madame et Monsieur fut occupée par Louis Cahen d’Anvers avant de l’être par Charles et Yvonne de Gaulle.
Chambre jaune, château de Champs-sur-Marne
Au deuxième étage l’on peut trouver des pièces de services et d’autres qui logeront sans doute le personnel.
Deuxième étage, château de Champs-sur-Marne
Les jardins
Les jardins traditionnels à la française dessinés par Claude Desgots ne nous sont pas parvenus.
Ainsi, le second Duc de La Vallière fait refaire les jardins en aménageant de nouveaux bosquets et en cassant les lignes droites traditionnelles.
Vue du jardin, château de Champs-sur-Marne
Henri Duchêne est appelé en 1896 pour redonner aux jardins une forme et il s’inspire des jardins XVIIIème, ce qui nous permet d’en découvrir en partie l’aspect.
Au centre de deux ailes de buis, l’on découvre le bassin de Scylla dans un style typiquement rocaille et qui s’introduit bien dans le décor.
Bassin de Scylla, château de Champs-sur-Marne
En faisant quelques pas, le salon des philosophes s’ouvre à nous. Conçu en 1801, ce salon est un espace où la nature est moins guidée. Au centre, l’on découvre une cuve baptismale ancienne sculptée de médaillons représentant des papes du XIème siècle.
Salon des philosophes, château de Champs-sur-Marne
Avant de quitter le domaine, dirigez-vous vers le salon de Madame. Cette partie du parc fut utilisée par Louise de Cahen d’Anvers qui y prendra le thé. Les treillages y seront installés au XIXème siècle.
Salon de madame, château de Champs-sur-Marne
Champs-sur-Marne reste comme la maison de plaisance du XVIIIème siècle par excellence. Nombre de tournages y auront lieu, depuis que la présidence a offert le domaine au ministère de la culture, comme le fim Marie-Antoinette réalisé par Sophia Coppola.
Je vous invite grandement à vous rendre sur place pour découvrir ce chef-d’œuvre du XVIIIème siècle.
Parc et château de Champs-sur-Marne