François-René de Châteaubriand naquit le 4 septembre de l’an de grâce 1768 en la bonne cité de Saint-Malo. Ayant vu le jour au sein du Royaume de France de Louis XV, il mourra sous la IIème République, que de tourments politiques, de remous historiques, dont il sera l’éloigné ou le proche témoin. Si le Vicomte de Châteaubriand, enfant d’une famille de la noblesse bretonne et plus tard le ministre de l’Europe et de Affaires étrangères, n’est pas resté dans les mémoires, il n’en est rien pour François-René l’écrivain du romantisme français. D’une vie marquée par l’exil et la politique, l’ultraroyaliste fera œuvre de sa vie : les Mémoires d’Outre-Tombe.
Châteaubriand en costume de Pair de France, Pierre-Louis Delaval, 1828
Châteaubriand, les débuts d’un destin
Faisant partie d’une famille de six enfants, François-René naquit dans une noble maison désargentée. Son père fut corsaire et négrier assurant un avenir financier permettant de vivre dans de meilleures conditions. Le jeune enfant vivra d’abord chez sa grand-mère maternelle à Plancoët. Parallèlement, en 1761, la famille avait pu s’offrir le château de Combourg. François-René le rejoint en 1777. Âgé de 17 ans, il entre dans le régiment de Navarre en tant que sous-lieutenant. Il assiste à la prise de la bastille le 14 juillet 1789. Il embarque pour les Amériques en 1791, il revient en France après la nouvelle de la fuite à Varennes.
La solitude prend fin avec Céleste Buisson de la Vigne qu’il épouse en mars 1792. Désargenté, il doit emprunter de l’argent pour pouvoir rejoindre l’armée des émigrés à Coblence. Ce départ aura une bien malheureuse conséquence, Céleste est arrêtée et emprisonnée car étant femme d’un émigré, elle ne recouvrera la liberté qu’en 1794.
Entre 1793 et 1800, François-René séjourne en Angleterre et c’est depuis l’étranger qu’il écrit le Génie du christianisme.
Châteaubriand, d'après Girodet
Le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, signe son retour en grâce le 21 juillet 1801. Le 21 mars 1804, le Duc d’Enghien est exécuté. Immédiatement, François-René démissionne des fonctions qui le lient au Premier Consul est entre dans l’opposition aux Bonaparte.
Châteaubriand, maître de la Vallée-aux-Loup
Le succès procuré par la publication d’Atala en 1801 et du Génie du Christianisme en 1802, permettent à Chateaubriand d’envisager l’acquisition d’une demeure.
Alors partie prenante des oppositions à l’Empereur Napoléon Ier, il est victime de la censure et enjoint à séjourner hors de la capitale.
Il va donc acquérir un petit domaine au sud de Paris, le Val des Loups. La maison est acquise le 22 août 1807 pour le prix de 24 000 francs. Céleste s’en ouvre dans ses écrits : « Nous nous décidâmes à sacrifier à peu près la dernière somme qui nous restait à acheter une chaumière pas trop loin de Paris ; nous en trouvâmes une à trois lieues, et aussi sauvage qu’on aurait pu l’avoir dans les montagnes d’Auvergne. »
La "chaumière" de la Vallée-aux-Loups
Châteaubriand aimera cette propriété dabs laquelle il va exercer ses passions architecturales et son goût pour la nature se retrouver dans le jardin. Il sera fier de ce domaine dont il se sentira investit comme le montre sa présentation dans les Mémoires d’Outre-tombe : « Moi, François, seigneur sans vassaux et sans argent de la Vallée-aux-Loups. »
A l’époque de Chateaubriand, seul existe le bâtiment central, les deux autres seront ajoutés par les propriétaires suivants.
Ainsi, le visiteur entre par le centre de la maison, tournée par le parc. La façade de brique se révèle et avec elle le péristyle néo-classique et sa colonnade édifiée sous la volonté de Chateaubriand, tout comme d’autres ambitions : « Mon projet était d'ajouter une tour au bout de mon pavillon ; en attendant, je simulai des créneaux sur le mur qui me séparait du chemin : je précédais ainsi la manie du Moyen-Âge, qui nous hébète à présent. »
Façade côté jardin, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Franchissant la porte de la chaumière l’on est accueilli, dans le vestibule, par un escalier des plus surprenant, il proviendrait d’un ancien navire anglais. Est-ce là le désir de poursuivre ses voyages au sein de son paradis ?
Vestibule, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Prenons à gauche et accédons dans l’ancien salon des Chateaubriand. Il est aujourd’hui une salle à manger dans laquelle trône Mme de Chateaubriand.
Salle à manger, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Revenons ensuite sur nos pas et accédons à l’ancienne salle à manger qui est aujourd’hui le grand salon. Les meubles Restauration et le papier à ramages évoquent les missions politiques et diplomatiques du maître des lieux.
Grand salon, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Remarquons un ensemble en opaline turquoise posé sur la cheminée. Il date du début du XIXème siècle, c’est un ensemble à la mode de l’époque et très recherché qui a appartenu à la Duchesse de Berry, dont on retrouve le portait au-dessus du secrétaire.
Ensemble opaline turquoise, Domaine de la Vallée-aux-Loups
La visite se poursuit par le Salon bleu. A l’emplacement de l’ancienne cuisine, il vient véhiculer le souvenir des muses de l’écrivain et notamment Juliette Récamier, dont chateaubriand tombera amoureux. « Il me semble que tout ce que j’ai aimé, je l’ai aimé dans Madame Récamier, et qu’elle était la source cachée de mes affections. », extrait des Mémoire d’outre-tombe.
Salon bleu, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Au premier étage, l’on accède à la « chambre de l’écrivain » qui est aménagée en lieu de souvenir de l’activité passée d’écriture.
L’on accède ensuite à la chambre qu’occupait Céleste de Chateaubriand, à côté de celle de son mari. La vie à voulue qu’elle soit présentée aujourd’hui comme la chambre de Mme Récamier qui y séjournera lorsque Mathieu de Montmorency sera propriétaire de la maison à la suite de François-René.
Chambre Récamier, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Pour aller à la dernière pièce de l’étage, il nous faut passer par le palier. Le passage nous permet d’admirer une nouvelle fois l’escalier de bois, l’on peut également observer le jardin qui déploit ses ailes au travers des fenêtres.
Palier, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Dernière pièce, et non des moindres, la chambre de François-René, cette pièce fut autrefois le salon de Céleste. On y présente une reconstitution de la chambre que l’écrivain possédait rue du Bac.
Chambre de la "rue du bac", Domaine de la Vallée-aux-Loups
Sortons maintenant et écoutons Céleste évoquer la gestion du jardin : « Chacun de nous avait la prétention d'être le jardinier par excellence. Les allées surtout étaient sujet de querelles perpétuelles, mais je suis restée convaincue que j'étais beaucoup plus habile en cette partie que M. de Chateaubriand. Pour les arbres, il les plantait à merveille. »
Jardin, Domaine de la Vallée-aux-Loups
Le parc conserve l’histoire du domaine au travers de la Tour Velléda, son passé de tour utilisé par le brasseur Alcoque, ancien propriétaire du domaine. L’on dit souvent que c’est en cette tour que François-René aurait commencé la rédaction des Mémoires d’outre-tombe, en 1809. On y trouve au rez-de-chaussée un bureau d’écriture et au premier étage une bibliothèque.
Tour Vélleda, Domaine de la Vallée-aux-Loups
La vente du domaine
La rupture est depuis longtemps consommée avec Napoléon Ier, son rôle politique en sera réduit à néant. Alors que les ennemis de l’Empire Français se regroupent, Napoléon est contraint à l’abdication après la campagne de France de 1814. Fidèle à la Maison de Bourbons, il accueille avec plaisir le retour de Louis XVII. Il est en France lorsque Napoléon revient pour les Cent Jours mais il part pour Gand avec Louis XVIII. Après Waterloo, il rentre avec le Roi Louis XVIII, il est ministre d’État et Pair de France. Plus tard, il attaque la Charte et sera disgracié, il rejoindra les ultraroyalistes qui défendent le caractère sacré du Roi.
En 1816, au de ses difficultés financières, il est contraint de vendre son domaine de la Vallée-aux-Loups à Mathieu de Montmorency : « La Vallée aux Loups, de toutes les choses qui me sont échappées, est la seule que je regrette ».
Acte de vente du Domaine
Il évoque cette perte dans les Mémoires d’Outre-tombe :
« Vallée-aux-Loups, novembre 1817. Revenu de Montboissier, voici les dernières lignes que je trace dans mon ermitage ; il le faut abandonner, tout rempli des beaux adolescents qui déjà, dans leurs rangs pressés, cachaient et couronnaient leur père. Je ne verrai plus le magnolia, qui promettait sa rose à la tombe de ma Floridienne, le pin de Jérusalem et le cèdre du Liban, consacré à la mémoire de Jérôme, le laurier de Grenade, le platane de la Grèce, le chêne de l'Armorique, aux pieds desquels je peignis Blanca, chantai Cymodocée, inventai Velléda. Ces arbres naquirent et crûrent avec mes rêveries ; elles en étaient les hamadryades. Ils vont passer sous un autre empire : leur nouveau maître les aimera-t-il autant que je les aimais ? Il les laissera dépérir, il les abattra peut-être ; je ne dois rien conserver sur la terre. C'est en disant adieu aux bois d'Aulnay que je vais rappeler l'adieu que je dis autrefois aux bois de Combourg : tous mes jours sont des adieux.»
Buste de châteaubriand, Domaine de la Vallée-aux-Loups