Le château de Coucy : monumental château féodal en ruine

Coucy, c’est le souvenir de ce qui fût considéré comme le plus vaste château féodal de France et d’Occident. La première guerre mondiale aura raison de sa superbe mais les ruines de cet ensemble tendent à témoigner de sa grandeur qui fait résistance.

Basse-cour, château de Coucy

Basse-cour, château de Coucy

Coucy, l’histoire d’une seigneurerie

Pour comprendre Coucy, il faut d’abord jeter un œil sur l’aspect géographique. En effet, le site n’a pas été choisit au hasard, un éperon rocheux qui domine une grande vallée. La position est donc des plus stratégique.
En l’an de grâce 1079, le sire Enguerrand de Boves, fils aîné d’un baron de Picardie épouse Ade de Roucy. Il reçoit la terre de Coucy ainsi qu’un castrum qui s’y trouve. Il réunit son fief de Coucy avec les seigneureries de Marle et de La Fère quelques temps avant d’hériter du titre de Comte d’Amiens.
Ce faisant, les Coucy deviennent une famille d’importance qui se chamaille avec le Roi Louis VI le gros qui assiègera la place mais sera également une famille qui participe à la troisième croisade aux côtés du Roi Louis VII.
Le seigneur de Coucy renforce sa position tout comme ses possessions. Au XIIème siècle, le château de Marle sera doté d’une tour maîtresse polygonale tandis que Coucy le bourg se développe et occupe l’espace du plateau qui sera par la suite entouré de remparts.
Avant 1200, Enguerrand III de Coucy succède à son père. Enfant, il grandit dans l’entourage royal et peut admirer les constructions du Roi et notamment la grosse tour du Louvre. Il est l’un des barons les plus important du Royaume lorsqu’il envisage de prendre en épousailles Jeanne de Flandres, héritières des Comtes de Flandre, prestigieux Comté. L’union n’aura pas lieu et les ambitions du Baron ne seront pas assouvies … 
Engagé dans les missions royales, il est présent aux côtés de Philippe-Auguste lors de la bataille de Bouvines. Quand Philippe-Auguste meurt en 1223, Enguerrand III pense son heure arrivée. Louis IX, qui est mineur, monte sur le trône. Il rejoint la contestation et ce serait même fait fabriquer une couronne royale … mais le seigneur de Coucy reste le seigneur de Coucy, le Roi reste le Roi.
Dès lors, le seigneur Enguerrand III va vouloir faire montre de son prestige, il trouve un moyen : bâtir un château et fortifier sa ville, dans des proportions assez phénoménales pour son fief.

Coucy, une cité protégée

Au début du XIIIème siècle, Laon, Soissons et d’autres cités royales se voient érigées d’une enceinte. Vers 1225, Enguerrand III entreprend la construction du mur d’enceinte de la cité de Coucy. La ville est donc enveloppée de remparts dotés de onze tours cylindriques ayant un diamètre de 9 mètres renforcée de courtines. L’espace entre les tours est donc très rapproché impliquant un haut niveau de sécurité et montrant la puissance du seigneur des lieux.

Remparts, Coucy

Remparts, Coucy

L’enceinte englobe la ville et la basse-cour du château ainsi que deux églises : l’église Saint-Sauveur et l’église castrale.

Église castrale, Coucy

Église castrale, Coucy

L’enceinte de la ville est ouverte par trois portes : la porte de Chauny, la porte de Laon et le porte de Soissons.
La porte de Laon était sans doute la porte principale de la ville car étant dotée de deux grosses tours, elle accueille au premier étage une salle d’audience et sera fermée par un pont-levis.
La porte de Soissons est à l’époque monumentale, avec un tour d’angle ayant un diamètre de 17 mètres. Elle est très importante et nous permet toujours d’accéder à la cité lorsque l’on vient de Soissons.

Porte de Soissons, Coucy

Porte de Soissons, Coucy

Chaque château de l’époque féodale possède sa basse-cour. Cette basse-cour est l’espace entre le donjon et les palissades. Plus tard, la basse-cour sera plutôt l’espace entre le rempart extérieur donnant sur la ville ou les champs et les fortifications du château du seigneur ou de la forteresse.
Celle du futur château, occupée par diverses rues et maisons populaires, sera protégée par une porte flanquée de deux tours permettant une seconde ligne de défense avant le château proprement dit. Elle est surnommée « porte du Maître Odon » et sera bâtie en usant du plan de la porte de Laon. 

Porte du Maître Odon, Coucy

Porte du Maître Odon, Coucy

Malgré tout, elle est particulièrement réfléchie et accueille dans la basse-cour un ensemble de salles ayant été voûtées d’ogives ayant accueillie à cette époque la résidence des seigneurs de Coucy, sans doute avant l’érection du château.

Porte du Maître Odon, face intérieure de la basse-cour, Coucy

Porte du Maître Odon, face intérieure de la basse-cour, Coucy

Coucy, le plus grand château d’Occident

La « splendeur » de Coucy réside en son château aux dimensions exceptionnelles dont les ruines nous permettent d’en comprendre le volume. Il fût bâti entre 1225 et 1240. Sa position est stratégique : il est sur le point le plus élevé de l’éperon rocheux. Avec une forme de trapèze, il est flanqué de quatre tours et dotée d’une tour maîtresse qui fit la fierté du seigneur Enguerrand III, la plus monumentale de l’époque féodale. Le château possède toutes les caractéristiques d’un ensemble complet de l’époque et il en sera connu dès l’époque jusqu’à la nôtre. Pour une meilleure compréhension du monument, il est utile de se rendre à Pierrefonds afin de découvrir un château qui possède un certain nombre de caractéristiques communes avec celui de Coucy.

Château de Coucy

Château de Coucy

En 1346, Enguerrand VII devient seigneur de Coucy. Il participe à la défaite de Poitiers de 1356, et sera l’un des otages du Roi d’Angleterre, dont il épousera la fille cadette Isabelle. Revenu en France, il reprend du service auprès du Roi de France et sera fait Grand Bouteiller de France, un office prestigieux de la Maison Royale. En 1388, Coucy sera déclaré « d’ancienneté les plus notables & plus beaux châteaux du royaume ».
Enguerrand va, sa vie durant, embellir son château de courtines, de détails d’architecture, d’innovation pour le rendre habitable mais surtout d’une grande salle réservée aux banquets et à la réception : la salle des preux. La salle date du XIIIème siècle mais Enguerrand va la mettre au goût de l’époque avec une voûte lambrissée, le percement de fenêtres laissant apparaître l’éclat du jour et flanquée la cheminée de deux statues de preux, un ensemble qui devait être le comble de la richesse de cette époque des plus troublée.

Salle des preux, château de Coucy

Salle des preux, château de Coucy

Le destin de la seigneurerie de Coucy prend une nouvelle voie le 15 novembre 1400. En effet, Enguerrand VII n’ayant pas d’héritier, il vend sa seigneurerie à Louis d’Orléans. LE Duc possède deux autres domaines à proximité où il fait bâtir : Pierrefonds et Le Ferté-Milon. Si Louis fait acquérir un nouveau mobilier pour Coucy, il n’y fera que peu d’ajustement, l’histoire en retiendra un : la salle des preux devient la salle des preuses avec l’ajout de 9 statues féminines sur le manteau de la cheminée.
Alors que Louis d’Orléans est assassiné par le Duc de Bourgogne, Charles d’Orléans se bat contre le pouvoir Royal pour conserver Coucy, il en récupère les droits en 1413. Le fils de celui-ci monte sur le trône de France sous le nom de Louis XII et fait entrer le château de Coucy dans le domaine Royal.
Entre 1532 et 1536, le Roi François Ier fait bâtir des bâtiments dans un Coucy qui se veut être un relai ou rendez-vous de chasse, selon l’occasion.
 
Au vu des bastions fortifiés près des frontières Coucy n’est plus une position stratégique de défense du Royaume et va donc se voit attribuer moins de crédits et moins de soins … sous Louis XIV il est prévu de raser le château et de rendre la terre à l’agriculture.  Fort heureusement, au vu des frais de destructions « seules » les toitures sont éventrées et les espaces ouverts à tous les vents mais le château résiste. La ruine de Coucy provient de nombres d’artisans et de petites mains de l’époque qui viennent se servir en matériaux et détruisent petit à petit les restes de sa gloire passée.
Le 22 octobre 1807, le château obtient une protection : un arrêté préfectoral confie le domaine à l’Hôtel-Dieu avec pour consigne de conserver en l’état la tour maîtresse et les remparts.
La vie revient à Coucy dont le château attire les visiteurs. Prosper Mérimée y fera quelques travaux de consolidations dans les années 1830. 
Sous le Second Empire, Viollet-le-Duc ouvre une campagne de restauration et permet de remettre au jour le château et des parties enfouies, à cette époque le château est l’un des monuments les plus visiter de France et la construction médiévale signe le prestige et la supériorité de l’architecture française sur l’architecture allemande …

Coucy, après 1917

Le choc de la Première Guerre Mondiale est reçu à Coucy. Alors que la ville est occupée à partir de 1914, les Allemands doivent reculer en 1917. Le général Ludendorff prendra la décision de ne laisser que des ruines derrière l’armée allemande … alors la tour maitresse fait les frais de cette démolition non d’un édifice militaire mais d’un symbole du génie français.
Justement, les ruines de ces fameuses tours restent éparpillées au sol comme pour se souvenir de cet acte déshonorant.

Ruine de la tour maitresse, château de Coucy

Ruine de la tour maitresse, château de Coucy

Dans la basse-cour, l’on accède à l’enfilade de tours du front sud, relativement bien conservé et dont l’on peut appréhender l’utilité.

Tours, front sud, Coucy

Tours, front sud, Coucy

L’on trouve également les restes d’une salle du rez-de-chaussée flanquée sur la porte de Maitre Odon.
Après avoir dépassé les soubassements de l’église castrale, nos pas nous mènent dans les restes des cuisines bâties sous Louis d’Orléans à l’extérieur du château.

Cuisines de Louis d’Orléans, château de Coucy

Cuisines de Louis d’Orléans, château de Coucy

Nous nous dirigeons maintenant vers le château dans la porte d’entrée de 1404 est toujours en place même si elle a perdu son pont levis et toutes trace de ses ornements.

Porte d’entrée, château de Coucy

Porte d’entrée, château de Coucy

Depuis la porte d’entrée l’on peut observer la tour d’artillerie qui a subi les foudres de 1917. La salle basse de la tour du XIIIème siècle est toujours en place. 

Tour d'artillerie, château de Coucy

Tour d'artillerie, château de Coucy

L’on accède ensuite au donjon. Il faut patiemment observer pour pouvoir se protéger à l’époque médiéval. Au sommet, l’on peut identifier la chambre de parement, en dessous, la salle des preuses, les arcades du rez-de-chaussée.

Donjon et ses niveaux, château de Coucy

Donjon et ses niveaux, château de Coucy

Poursuivant notre route, l’on accède à un espace bien dégagé qui est le grand cellier. Daté du XIIIème siècle, il n’en reste que peu de choses …

Grand cellier, château de Coucy

Grand cellier, château de Coucy

Les plus restes du domaine sont souterrains et c’est ainsi que l’on peut descendre dans les caves voûtées en berceau, l’on y découvre le dépôt lapidaire et sans un musée y sera créer un jour prochain.

Caves, château de Coucy

Caves, château de Coucy

A notre sortie des caves, l’on accède à la tour de la Poterne.

Tour de la poterne, château de Coucy

Tour de la poterne, château de Coucy

Revenant vers la porte d’entrée, l’on découvre des éléments préfigurant des lions, reste de la porte de la tour maîtresse des Enguerrand.

Statuaire, château de Coucy

Statuaire, château de Coucy

Nul château n’est sans secret, et Coucy n’y déroge pas : l’on découvre la tour des oubliettes.

Tour des oubliettes, château de Coucy

Tour des oubliettes, château de Coucy

La plongée au sein de l’histoire des lieux nous laisse rêveur quant à la gloire passée d’un monument perdu par la faiblesse et la bêtise cruelle d’une poignée d’hommes. Malgré tout, les ruines qui furent sauvées nous laisse appréhender un monument d’exception ainsi que le génie des bâtisseurs français, tout comme celui des architectes du moyen-âge.

Château de Coucy

Château de Coucy