L’abbaye Saint-Jean-des-Vignes

La Révolution Française est venue saccagée et détruire nombre de lieux apparentés au pouvoir royal ou à la religion catholique, l’on pense aisément à l’abbaye de Cluny … Saint-Jean-des-Vignes aurait pu rejoindre le sort de Cluny, mais le destin à ses détours. L’église sera détruite pour récupérer les pierres, comme une partie de l’abbaye, mais les tours de l’église et une partie des bâtiments nous sont parvenus et nous permettent de comprendre aisément l’importance et la puissance de cette abbaye pendant la période médiévale.

Réfectoire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Réfectoire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Fondation de l’abbaye au XIème siècle

Notre voyage commence à l’époque romaine. À cette époque, Soissons est nommé Augusta Suessionum. Le futur site de l’abbaye est un des rare site au relief naturel que nous appellerons plus tard la colline Saint-Jean, sur lequel sera bâti un théâtre. Après les grandes invasions, la ville de Soissons se retranche derrière des murailles, la colline Saint-Jean se trouve à l’extérieur de la ville, elle accueille une église paroissiale : Saint-Jean-du-Mont.

Grand cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Grand cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Les Papes Léon IX et Grégoire VII sont les souverains d’une Église en crise ayant besoin d’une réforme. Ainsi, le Saint-Siège lance la Réforme Grégorienne. Les invasions et l’intervention du Saint-Empire-Romain-Germanique dans les affaires de la papauté obligent le Souverain Pontife à une politique forte pour reprendre l’autorité sur les chrétiens. De fait, l’Église établit la réforme en quatre points principaux : l’indépendance du Clergé, qui ne sera donc plus soumise à l’autorité de divers nobles ; la réforme du Clergé impliquant le célibat des prêtres et le mariage religieux pour les laïcs ; l’élaboration d’une structure de la papauté avec la Curie Pontificale qui contrôle les actions de l’Église et, en 1059, l’élection du Pape intervenant dorénavant par le collège des Cardinaux ; le contrôle rigoureux des Comptes de l’Église.

Grand cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Grand cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

De fait, la future abbaye sera protégée contre l’intervention des puissants seigneurs et, parallèlement, le retour à une vie simple de travail, d’ordre et d’austérité est prôné.
La fondation de l’abbaye Saint-Jean-des Vignes a lieu entre 1072 et 1076 par une charte entre l’Évêque de Soissons, Thibaud de Pierrefonds, et Hugues de Château-Thierry. Par ailleurs, Hugues restitue à l’Église six paroisses et deux moulins qui vont constituer l’assise financière de l’abbaye.

De l’abbaye romane à l’abbaye gothique

En cette fin du XIème siècle, l’abbaye n’est pas le seul édifice religieux en construction. En effet, dans les murs de Soissons sont bâtis à la même époque la Cathédrale Saint-Gervais-et-Saint-Proctais ainsi que l’abbaye Saint-Léger.
À l’époque romane, l’abbaye est dotée d’une église assez massive, d’une sacristie qui tient lieu de salle capitulaire et, également, d’un cloître dont certaines colonnes furent réutilisées dans le cloître gothique.

Colonnes romanes du grand cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Colonne romane au centre, grand cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Entre 1100 et 1110, le patrimoine de l’abbaye s’étoffe de vingt et une églises. Le nombre des possessions de l’abbaye s’exprime par dizaines et son pouvoir s’en renforce, elle devient une florissante abbaye. 
L’abbaye de Saint-Jean-des-Vignes est à la tête de la congrégation Johannistes lorsque le Pape Célestin II fixe à 90 le nombre de chanoines de l’abbaye. À cette époque, les chanoines exercent des fonctions religieuses et de régisseurs dans l’ensemble des possessions de l’abbaye.

Réfectoire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Réfectoire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Le XIIème siècle marque un tournant dans le bâti. En effet, les monuments de style roman vont « passer de mode » avec l’idée de faire entrer la lumière par tous les moyens. L’idée de la lumière va se traduire par l’avènement du style gothique. Plus que la lumière, ce nouveau style part à la recherche d’un esthétisme pas encore atteint, avec notamment l’idée de s’élancer vers le ciel dans la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais ou encore une idée d’élévation en niveau comme dans la cathédrale Notre-Dame de Laon. D’autres chantiers démarrent en Île-de-France dans ce nouveau style : l’abbatiale de Saint-Denis ou encore la première cathédrale de France Notre-Dame de Paris.
En l’an de grâce 1197, Raoul de Chézy est abbé de Saint-Jean-des-Vignes. Sous sa direction, le renouveau gothique arrive à l’abbaye dans un chantier qui doit durer 20 ans.

Flèche, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Flèche, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Les travaux débutent par la reconstruction de l’église qui débute en 1215 avec la mise en place des fondations dans un soucis de conserver aussi longtemps que possible l’église romane afin de poursuivre les offices. Dans les années 1220, le chantier avance et la construction du chevet et du cloître, ainsi que la sacristie, la salle du trésor, la salle capitulaire et le réfectoire. A cette époque sont bâtis les parties basses de la façade. Une décennie plus tard, la cuisine et le parloir de l’abbé sont achevés. 

Parloir de l’abbé, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Parloir de l’abbé, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

En 1485, près de trois siècles plus tard, l’abbatiale gothique semble en grande partie achevée. Elle fut dédiée en 1478, par l’Évêque de Soissons, Jean Milet.
Lors de la Guerre de Cent Ans, qui n’épargnent pas l’abbaye, le Roi de France Charles VI fait de l’abbaye son quartier général alors qu’il fait le siège de Soissons en 1412, les fortifications de l’abbaye en faisant un lieu particulièrement bien protégé.
Au XVIème siècle, l'abbaye se trouve une nouvelle fois dans la tourmente. En effet, le Roi de France François Ier étant en conflit quasi perpétuel avec l'empereur Charles Quint. Ainsi, en 1544, les deux monarques négocient la paix et c'est au sein de l'abbaye que sera signé, le 18 septembre 1544, les préliminaires du traité de paix signé à Crépy-en-Laonnois.

Réfectoire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Réfectoire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Les techniques de guerre évoluent et notamment l'artillerie. Les fortifications de l'abbaye construites trois siècles auparavant semble dorénavant très vulnérable. Ainsi donc, en 1551 Le Conseil du Roi décide de démolir l'abbaye Saint-Jean-des-Vignes. Malgré tout, Mathieu Longuejoue, évêque de Soissons, parvient à convaincre le roi de conserver cette abbaye chère à son cœur en l'incluant à l'intérieur de la nouvelle enceinte fortifiée de la bonne ville de Soissons.

Reliquaire, musée de Soissons

Reliquaire, musée de Soissons

À cette même époque, à côté du parloir de l'abbé sera construit un petit cloître au décor renaissance qui subsiste en partie.

Petit cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Petit cloître, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Le décor élégant se plait à rappeler la puissance de l'abbaye, mais il peut également servir à l'abbé pour la réception de personnages importants afin de faire montre de sa puissance. Par ailleurs la peste, les rudes hivers, le manque de blé ainsi que les guerres de religion vos marquer l'histoire de l'abbaye qui restera néanmoins fièrement dressés dans le ciel de Soissons. Au début du XVIIème siècle, l'abbaye se modernise et gagne en luxe. À cette époque, on construit encore une galerie, une chapelle pour l'infirmerie, on rénove le logis des hôtes, on répare le réseau hydraulique.

Une abbaye en ruine

Le 5 mai 1789, le Roi Louis XVI convoque les États Généraux. Cette date marque le départ de la Révolution française. L'évêque de Soissons met l'abbaye à la disposition des citoyens. Après les actions contre le Clergé, l'abbé et le maire de Soissons envoient une pétition au président de l'Assemblée Nationale afin de sauvegarder l'abbaye. Malgré tout, l'abbaye est évacuée de ses membres et devient dès lors propriété de la municipalité de Soissons. L'abbaye est rapidement allouée aux troupes faisant face à la coalition alliée. Le changement d'occupation de l'abbaye entame sa chute et dès lors des vitraux, des statues, des éléments de décors, des pierres, … vont être malmenés, emportant avec eux le luxe de l'abbaye. 
Le 25 mai 1805, l'Empereur Napoléon Ier autorise la ville de Soissons à faire usage des matériaux de l'abbaye pour rénover la cathédrale. Ouverte à tous les vents, privée de ses pierres par la municipalité de Soissons, des suites du vol des éléments ferreux, les voûtes de l'abbatiale menacent de s'écrouler et c'est ainsi que l'on décide le démantèlement de l'église abbatiale. Toutefois, l'on décide de conserver les 2 tours situé sur la façade de l'église à Bastia. Les réactions furent nombreuses, Victor Hugo s'engage pour sauver l'abbaye.

Façade de l’église abbatiale, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Façade de l’église abbatiale, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Après la révolution, sous la restauration, le Roi Louis XVIII attribue en 1818 l'abbaye au ministère de la guerre. À cette époque, l'abbaye est encore intacte hormis l'église abbatiale démantelée quelque temps plus tôt. Exposée aux intempéries, aux guerres successives et surtout à la Première Guerre mondiale l'abbaye servant de caserne et en train de lentement disparaître. 
Peu avant les années 2000, l'armée abandonne les bâtiments de l'abbaye. Dans un esprit scientifique et culturel, l'abbaye devenu lieu de tourisme va être fouillée. Les fouilles vont révéler le plan de l'église gothique, les restes de l'église romane, les fondations des divers bâtiments aujourd'hui disparu en les étudiant et en permettant aux visiteurs de comprendre la richesse la magnificence de son architecture et d'aujourd'hui rêver dans un cadre romantique qui est celui de la ruine.

Salle capitulaire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons

Salle capitulaire, abbaye Saint-Jean-des-Vignes, Soissons